Hyacinthe changé en fleur. — Apollon a eu plusieurs amis, en-lie autres Hyacinthe, jeune Lacédémonien doué d'une merveilleuse beauté. « Un jour, dit Ovide, sur le midi, après avoir déposé leurs vêlements et fait couler sur leurs membres le suc luisant de l'olive, le jeune homme et le dieu se défièrent au jeu du palet. Apollon commence; son disque, balancé dans les airs, part, fend la nue et ne re-t(»mbe que longtemps après sur la terre ; le dieu avait voulu signaler sa force et son adresse. Emporté par l'ardeur du jeu, le jeune homme court pour ramasser le disque ; mais, repoussé par la terre, le palet
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PHEBUS-APOLLON. rol)OiKlil ci \c frappe au visage; reniant pâlit, le dieu pâlit lui
^^me • il accourt, il presse dans ses bras le malheureux Hyacinthe, étànche le sang de sa plaie; il emploie toutes les ressources de
même
Fig. 202. — Apollon au griffon.
son art [.our lui conserver la vie. Vains secours! soins inutiles! La blessure était mortelle. De môme qu'on voit le lis, le pavot et la violette dont la tige vient d'être brisée, courber vers la terre l.nir féfc
APOLLON ET DL\NE.
languissante; de même celle du jeune ll\acintlie, déjà couverte de la pâleur de la mort, tombe de son propre poids sur ses épaules.... Pendant qu'Apollon s'abandonne à sa douleur, le sang répandu sur Therbc a déjà disparu ; une fleur nouvelle sï'lève, une fleur plus éclatante que la pourpre et d'une forme semblable à celle du lis. 11 ne sufflt point
Fig. 20'. — Hyacinthe (d'api-ùs une statue de Busio, musée du Louvre;.
au dieu de rendre ce triste honneur à la mémoire de son ami, il veut encore que cette fleur atteste à jamais son infortune; il y attache lex-pression et les signes de la douleur en y traçant ces lettres A ï (hélas !). » (Ovide.) L'hyacinthe du Péloponèseest d'une couleur foncée : les anciens la regardaient comme l'emblème de la mort.
Une statue d'Apollon fut élevée à Amyclée sur le tombeau d'Hyacinthe, et sur le piédestal, on voyait dans un bas-rrelief le jeune garçon enlevé au ciel. Une jolie pierre gravée antique montre Hyacinthe pendant sa métamorphose en fleur. H y a au Louvre, dans le musée de la sculpture moderne, une statue de Callamard qui représente Hyacinthe portant la main à la blessure qu'il vient de recevoir au front : le disque qui l'a fraïqjé est à ses pieds. Bosio, dans une charmante statue, a fait Hyacinthe à demi couché et regardant jouer en attendant son tour (fig. 204).
Cyparisse. — Un autre ami d'Apollon, Cyparisse, a été l'objet d'une métamorphose singulière. Il y avait un cerf dont le bois était doré, et les nymphes, auxquelles ce cerf était consacré, lui avaient mis des pendants d'oreilles et un joli collier de perles. Il était familier et entrait volontiers dans les maisons pour se faire caresser ; mais personne ne l'aimait autant que Cyparisse, le plus beau jeune homme de l'île de Cos. Il avait soin de le conduire dans les meilleurs pâturages et de le faire boire dans les fontaines les plus pures^ et il ornait ses cornes avec des guirlandes de fleurs. Un jour pourtant que le cerf se reposait dans un bois, Cyparisse, qui l'aperçut sans le reconnaître, le perça d'un trait et en éprouva tant de chagrin qu'il voulut lui-même se donner la mort, Apollon, le voyant dépérir, le changea en cyprès.
LE TRÉPIED D'APOLLON
Delphes, centre du monde. — Apollon vainqueur de Python. — La dispute du trépied. — Les oracles et la fatalité antique. — Prédictions à Laïus. — Œdipe el Laïus. — Le Sphinx. — Les malheurs d'Œdipe. — Œdipe et Antigone.
Delphes centre du monde. — Le soleil voit avant les hommes puisqu'il produit la lumière par ses rayons : c'est pour cela qu'il prévoit l'avenir et peut le révéler aux hommes. Ce caractère prophétique est un (les attributs essentiels d'Apollon ; il rend ses oracles dans le temple de Delphes, qui est situé au centre du monde. On ne peut douter de ce fait puisque Jupiter, ayant lâché deux colombes aux deux extrémités de la terre, elles se rencontrèrent juste à l'endroit où se trouve l'autel d'A-
Fig. 204. — Apollon sur roniplialos.
pollon. Aussi sur plusieurs vases, on voit Apollon assis sur l'oniphalos (le nombril de la terre), d'où il rend ses oracles (llg. 204).
Apollon vainqueur de Python. — Delphes est aussi quelquefois appelé Pytho, du nom du serpent Python, qui y fut tué par Apollon.
Apollon, qui est pourvu de flèches redoutables, voulut les essayer en frappant le persécuteur de sa mère. Dès que le monstre se sent atteint, il est en proie aux plus vives douleurs et, respirant à peine, il se roule sur le sable, pousse d'affreux sifllements, se tord en tous sens, se précipite au milieu de la forêt et expire en exhalant son souffle empesté.
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APOLLON ET DIANE.
Apollon s'écrie dans la joio de son triomphe : « Que ion corps des-séclié pourrisse sur cette terre fertile; tu ne seras plus le fléau des mortels ([ui se nourrissent des fruits de la terre féconde, et ils viendront m'immoler ici de mai:uifi([ues lu'eatombes ; ni Typliéc, ni l'odieuse Chimère, ne pourront tarraclier à la mort, mais la terre et le soleil dans sa carrière céleste feront pourrir ici ton cadavre. » (Hymne homérique.)
Échaulle par les rayons du soleil, le monstre tombe en pourriture. Voilà comment cette contrée prit le nom de Pytho ; les habitants donnèrent au dieu le nom de Pythien, parce qu'en ces lieux le soleil de ses rayons dévorants a pourri ce monstre terrible.
D'après les récits des poètes, cet événement a dû se passer quand Apollon était encore enfant, mais la croissance des Dieux n'est pas sou-
Fig. 205. — Apollon, Diane et Latone (d'après un bas-relief antique).
mise aux mêmes lois que celle des hommes, et quand les sculpteurs représentent la victoire d'Apollon, ils montrent le dieu sous les traits d'un jeune homme qui a déjà atteint toute sa force. C'est ce que nous voyons dans un des plus grands chefs-d'œuvre de la statuaire an-li(fue, l'Apollon du Belvédère. Cette statue, en marbre de Luni, fut découverte à la lin du quinzième siècle, près de Capo d'Anzo, autrefois Antium ; elle fut acquise par le pape Jules II, alors cardinal, et lors de son avènement au pontificat, il la fit placer dans les jardins du Belvédère (fig. 206).
Toutes les formules de l'admiration ont été épuisées en face de l'Apollon du Belvédère, et cette statue, depuis qu'elle est connue, n'a pas cessé d'exciter l'enthousiasme des artistes. Voici la description qu'en donne Winckelmann dans son Histoii^e de l'art: « La stature du dieu est au-dessus de celle de l'homme et son attitude respire la majesté. Un éternel printemps, tel que celui qui règne dans les champs
Fig. 200. — L'Apollon du Belvédère (d"aRrès une statue antique, ;i Rome).
LE TREPIED DAPOLLON.
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l'oitimcs (le l'Elysée, revêt d'une aimable jeunesse les cliarnics de son
coi'ps^ et brille avec douceur sur la fière structure de ses membres
11 a poursuivi Python, contre lequel il a tendu pour la première lois son arc redoutable; dans sa course rapide, il la atteint et lui a porté le coup mortel. De la hauteur de sa joie, son auguste regard, pénétrant dans l'infini, s'étend bien au debà de sa victoire. Le dédain siège sur ses lèvres; mais une paix inaltérable est empreinte sur son front, et son œil est plein de douceur comme s'il était au milieu des Muses »