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Fig. 9. — Le Temps tenant la liarpè (d'après une pierre gravée antique).

et l'ait preuve d'un entrain et d'une passion qui font honneur à la vive imagination du peintre flamand, mais qui sont peu en harmonie avec l'esprit calme de l'art antique. Goya * traduit le même mythe avec plus de violence encore. Le sculpteur anglais Flaxman a donné du même sujet un croquis, qui traduit très-bien le récit de la Fable, quoique fort éloigné du style employé dans les pierres gravées antiques (fig. 10). Quand le Temps a ainsi dévoré ses enfants, il les garde engloutis au fond de ses entrailles. Rhéa gémissait d'avoir mis au monde tant d'enfants, sans jamais être mère : elle imagina un stratagème pour les soustraire à la voracité de son mari. Lorsque Jupiter \'int au monde, elle servit h son père une pierre emmaillottée comme si c'eût été un enfant, et Saturne, qui avait la vue basse et l'estomac excellent, l'avala sans hésiter et ne s'aperçut aucunement de la substitution. « L'insensé !

<lit Ilésiod(\ il ne prévoyait pas ([u'en di-vorant cette pierre, il sauvait son invincible fils qui, désormais à l'alui du péril, devait bientôt le dompter [»ar la force des mains, le dépouiller de sa puissance et commander au\ immortels. »

D'après certains écrivains, il paraîtrait (jue Neptune avait déjà été sauvé, par une ruse de sa mère Rhéa (jui lui a^ait substitué un poulain. Dans sa description de TArcadie, le grave Pausanias raconte ainsi l'aventure : « Les Arcadiens disent que Rhéa, ayant accouché de

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Fig. 10.— Le Temps dévore ses enfants (d'après une composition de Flaxman).

Neptune, le cacha dans une bergerie pour être élevé par les bergers dont les moutons paissaient là auprès, et qu'alors cette bergerie fut appelée Arné, du mot grec Arnès, qui signifie des moutons. Rhéa fit accroire ensuite à son mari qu'elle avait accouché d'un poulain et le lui donna à dévorer; comme depuis, à la naissance de Jupiter, elle apporta une pierre qu'elle présenta à Saturne enveloppée de langes. Quand j'ai commencé mon livre, lorsque j'avais à raconter de ces sortes de fables inventées par les Grecs, je les trouvais ridicules et pitoyables ; mais à présent j'en juge autrement. Je crois que les sages de la Grèce nous ont caché d'importantes vérités sous des énigmes, et ce que l'on dit de Saturne est de cette nature. Quoi qu'il en soit, pour ce qui regarde les dieux, il faut s'en tenir à ce qui est établi, et en parler comme le commun des hommes en parle. »

La pierre que dévore Saturne signifie simplement que le temps détruit tout.

Cette fable fait le sujet d'un bas-relief antique (musée du Capitule) (fig. 11), où l'on voit le dieu recevant des mains de son épouse une pierre emmaillottée qu'il se dispose à avaler. On peut remarquer que les

sculpteurs anciens n'étaient nullement efîarouchés par la disproportion choquante qui existe entre la bouche et l'objet que le dieu veut ^ introduire. Pausanias cite une sculpture de Praxitèle sur le même sujet.

Enfance de Jupiter. — Rhéa, ayant réussi à soustraire Jupiter à la yoracité de son père en lui substituant une pierre, le cacha dans une grotte du mont Ida, où il fut élevé par les nymphes. Pour que Saturne

Fig. 11. — Artifice de Rhéa (d'après un bas-relief antique, musée du Capitule).

n'entende pas les cris de l'enfant, les Curetés frappent en dansant sur leurs boucliers et sur leurs casques. C'est là l'origine de la danse guerrière appelée Pyrrhique.

Pendant qu'on étourdissait ainsi le vieux Saturne, les nymphes du mont Ida nourrissaient l'enfant avec le miel des abeilles et le lait de la chèvre Amalthée, la plus belle des chèvres, l'honneur des troupeaux de la Crète. Mais celle-ci brisa une de ses cornes contre un arbre, une nymphe prit cette corne, l'entoura d'herbes fraîchement cueillies, et la présenta chargée de fruits aux lèvres de Jupiter, Lorsqu'il fut maître des cieux, et qu'assis sur le trône de son père, il ne vit rien dans l'univers au-dessus de son pouvoir invincible, il plaça parmi les constellations la chèvre sa nourrice ; la corne d'Amalthée devint la corne d'abondance et sa peau de vint l'égide.

Un bas-relief antique (musée du Capitole) nous montre Jupiter enfant, allaité par la chèvre Amalthée. Sa mère est assise près de lui et deux Curetés dansent en frappant de leurs épées leurs boucliers, pour empêcher les vagissements du jeune dieu d'être entendus de Saturne. Le même sujet est assez fréquemment tiguré sur les terres cuites, et le

musée Campana peut nous en fournir des exemples. Quelquefois, on voit le petit Jupiter dans les l)ras de sa mère, qu'entourent les guerriers danseurs.

L'art moderne a souvent introduit dans cette scène des satyrc's et des faunes, compa^nions insé])aral)les des nymphes, qui prodiguent leurs soins à Ju}»iter. Dans un tableau de Jordaens, Jupiter est figuré sous les traits d'un gros enfant rose et joufflu, qui tient un biberon et (juun satyre anuise avec le tapage de sa musique, tandis qu'une nyni-

Fig. r2. — Jupiter et les Curetés (d'après un bas-relief antique).

phe aux formes exubérantes est occupée à traire la chèvre Amalthée. Le Poussin a traité le même sujet en lui donnant une couleur bien plus antique. Ici, c'est le satyre, qui, occupé à traire la chèvre, détourne la tète pour sourire à l'enfant qu'une nymphe fait boire. Une autre nymphe recueille le miel des ruches, autour desquelles bourdonnent les abeill(>s.

Guerre des Titans. — Les antiques prédictions devaient s'accomplir. Jupiter grandissait et ses membres prenaient de la vigueur. Trompé par les perfides conseils de la Terre, Saturne prit un breuvage qui l'obligea à rendre ceux de ses enfants qu'il avait avalés, et qui, une fois délivrés, prêtèrent naturellement leur appui à Jupiter. Les dieux, fils de Saturne, se postèrent sur le mont Olympe : les Titans occupèrent le mont Othrys, placé vis-à-vis. De ces positions ils conuuencèrent une guerre furieuse qui dura dix années entières, lutte sanglante où l'avantage flottait égal entre les deux paitis. Les Olympiens tirèrent leur principale force du concours que leur apportèrent les Cyclopes (Éclairs) et les Ilécatonchires [Tfmprtrs),i\\\{} Jujiiter avait retirés du gouffre où

ils avaient été plongés. En souvenir de ce bienfait, les Cyclopes, ouvriers divins, d'une taille gigantesque, et qui n'ont qu'un œil au milieu du front, remirent à Jupiter le tonnerre, qui était enfoui dans les flancs <!(> la terre. Ils donnèrent aussi à Neptune le trident qui devint son attribut et à Pluton un cas([ue qui le rendait invisible.

Les Hécatoncbires ne furent pas moins reconnaissants. Ils étaieni trois frères, Briarée, Cottus et Gygès. Ces guerriers formidables avaient chacun cent bras qui s'élançaient de leurs épaules, et cinquante tètes, attachées à leur dos, s'étageaient sur leurs membres robustes. Ils portaient dans leurs mains des rochers, et en lançaient jusqu'à trois cents à la fois sur les Titans, ce qui les a fait regarder comme des personnifications de la grêle et des vents. « Il semblait, à entendre et à voir tant de bruit et de lumière, que la terre et le ciel se confondaient, car c'était rénorme tumulte de la terre écrasée et du ciel se ruant sur elle ; tel était le fracas de la mêlée des dieux. Et en même temps, les vents s'ébranlaient et soulevaient la poussière, et le tonnerre et l'éclair, et la foudre ardente, armes du grand Zens, et portaient le bruit et les clameurs au milieu des combattants ; et dans le vacarme incessant de l'épouvantable mêlée, tous montraient la puissance de leurs bras. « (Hésiode.)

Les Titans vaincus furent plongés dans le Tartare, lieu obscur et affreux, que les dieux ont en horreur. Un mortel en tombant n'en atteindrait pas le fond dans une année ; à peinc^ aurait-il passé l'entrée qu'il serait emporté de côté et d'autre par un mouvement impétueux et des secousses violentes.