Minerve et Tirésias. — Vierge essentiellement chaste. Minerve apparaît toujours vêtue, et si les artistes modernes la représentent (fuelquefois déshabillée, notamment dans le jugement de Paris, c'est par lignorance oii ils sont presque toujours des caractères distinctifs de la déesse. Un seul homme, le Thébain Tirésias, a aperçu un jour Minerve au bain, et a été aussitôt frappé d'aveuglement, ou suivant d'autres changé en femme. Une belle statue de Gatteaux représente la déesse au moment où elle s'aperçoit qu'elle est vue parmi homme (fig. 331).
Pradier avait fait un groupe de Minerve repoussant les traits de lAmour : la ])ensée était juste mythologiquement. Vénus fut même un jour piquée de ce que son fils n'eût pas plus de pouvoir sur la déesse athénienne :
Vénus. Pourquoi donc, Amour, toi qui as vaincu tous les auti'es dieux, Jupiter, Neptune, Apollon, Rhéa, et moi, ta mère, épargnes-tu la seule Minerve? Contre elle ton flambeau n'a-t-il pas de feu, ton car-([uois est-il vide de flèches, n'as-tu plus d'arc, ne sais-tu plus décocher un trait ?
L'AMOiii. J'ai peur d'elle, ma mère: elle est effrayante, son œil est
terrible^ son air imposant et mâle. Chaque fois que je m'avance contre elle pour lui lancer une flèche, elle m'effraye en agitant son aigrette; je deviens tout tremblant et les traits s'échappent de mes mains.
Vénus. Est-ce que Mars n'est pas plus terrible? Cependant tu l'as désarmé et vaincu.
L'Amolr. Oui, mais il vient de lui-même au-devant de mes coups: il les appelle. Minerve au contraire me regarde toujours avec dé-
Fig. 331, — Minerve aperçue par Tirésias (d'après une statue de Gatteaux.)
fiance ; un jour même que par hasard je volais auprès d'elle, tenant mon flambeau : « Si tu m'approches, dit-elle, j'en jure par mon père, je te perce de ma lance, je te prends par le pied et te précipite dans le Tartare, ou je te déchire de mes mains pour te faire périr. » Telles sont ses menaces sans fin, et en même temps elle jette sur moi des regards furieux; elle a en outre sur la poitrine une tète hideuse, dont la chevelure est de vipères et qui me cause le plus grand effroi: je crois voir un spectre et je fuis dès que je l'aperçois. » (Lucien.)
Minerve et Marsyas. — D'après une fable très-ancienne, Minerve, ayant rencontré un os de cerf, s'en servit pour inventer la flûte. Mais s'étant aperçue que cet instrument lui faisait faire des grimaces
VULGAIN ET MINERVE.
qui rcnlaidissaicnt et que quand elle en voulait jouer les autres déesses se iiHxfuaicnt d'elle, elle jeta au loin la lualencontrcuse flûte, et prononça la malédiction la i)lus lerriblc contre celui qui la ramasserait. Le Phryj^ien Marsyas, qui se souciait probablement assez peu de la divinité d'Atbènes, ne tint aucun compte de ses imprécations, ramassa linstrument et réussit à en jouer avec une grande perfection. 11 y avait dans l'Acropole d'Athènes un groupe représentant Minerve qui frappe Marsyas, pour avoir osé ramasser la flûte qu'elle avait jetée et qu'elle désirait être oubliée à jamais. Dans nu bas-relief qui est à Rome, on voit Minerve jouant de la double flûte, et Marsyas, sous la forme d'un satyre, la guette pour s'en emparer quand elle l'aura jetée. Plus habituellement, la déesse regarde avec attention la flûte qu'elle vient d'inventer. La même raison qui fait qu'elle a renoncé à jouer de cet instrument, empêchait les sculpteurs de la représenter avec une figure déformée et grimaçante.
Une médaille attiquc de bronze représente à son revers. Minerve
Fig. 332. — Minerve et Marsyas (d'après une monnaie antique).
rejetant la double flûte en présence du satyre Marsyas qui manifeste son étonnement par ses gestes (fig. 332).
Minerve-Hygie. — Nous avons vu le serpent apparaître parmi les attributs de Minerve. Ce serpent est habituellement l'emblème d'Erechthée, qui fut élevé par la déesse. Mais Minerve était quelquefois invoquée comme protectrice de la santé. Elle porte alors le nom de Minerve-Hygie, et le serpent qui paraît à côté d'elle, mange dans une coupe que la déesse tient à la main, comme s'il était auprès de la compagne d'Esculape. Minerve-Hygie est figurée sur un bas-relief qui décore un candélabre antique du musée Pio-Clémentin à Rome (fig. 334).
Minerve Ouvrière ou Ergané. — Minerve n'est pas seulement guerrière : c'est d'elle que nous vient l'industrie, et on l'a surnommée à cause de cela Minerve Ouvrière. Laborieuse autant que guerrière, elle enrichit les cités qui l'honorent en même temps qu'elle les protège. Elle aime l'agriculture et elle a enseigné aux hommes l'usage de l'olivier : c'est pour cette raison que cet arbre lui est consacré et qu'on voit
figurer une lampe dans ses attributs. L'architecture, la sculpture, la mécanique rentre dans le domaine de cette déesse, qui préside en général à tous les travaux de l'esprit et de l'imagination. Elle est figurée, sous cet aspect, mais en conservant son costume guerrier, sur un curieux bas-relief, où on la voit diriger par_^ses conseils un jeune sculpteur qui taille un chapiteau, et d'autres ouvriers qui travaillent à une machine; Jupiter et Diane sont placés derrière elle et suivis d'une
Fig. 333. — Minerve-Hygie (d'après un bas-relief antique. Musée Pio-CIémentin,.
prêtresse faisant une libation, et d'un gros serpent à tête de bouc qui représente le génie du théâtre, comme l'indique l'inscription mutilée qu'on lit au-dessus. Celle du bas signifie : Lucceius Pecularis, entrepreneur du proscenium, a fait placer ce bas-relief votif d'après un songe.
Les principales attributions de Minerve Ergané sont résumées dans un passage d'Artémidore : « Minerve est favorable aux artisans, à cause de son surnom de l'Ouvrière ; à ceux qui veulent prendre femme, car elle présage que cette femme sera chaste et attachée à son ménage; aux philosophes, car elle est la sagesse née du cerveau de Jupiter. Elle est encore favorable aux laboureurs, parce qu'elle a une idée commune avec la terre; et k ceux qui vont à la guerre, parce qu'elle a une idée commune avec Mars. »
C'est Minerve Ouvrière qui a inventé les voiles des vaisseaux et on lui doit la construction du fameux navire Argo (voyez fig. 149). Mais c'est surtout pour les tissus et les travaux des femmes que Minerve prend une importance tout à fait spéciale et elle a la quenouille pour attribut. Aussi elle est spécialement invoquée par les ouvrières qui confectionnent les tissus, comme on peut le voir dans cette pièce de VAn-tholoi/ie :
« 0 Minerve, les filles de Xuthus et de Mélité, Satyre, Héraclée,
Euphro, toutes trois de Samos, te consacrent Tune, sa longue quenouille, avec le fuseau qui obéissait à ses doigts pour se charger des fils les plus déliés; l'autre, sa navette harmonieuse qui fabrique les toiles au tissu serré; la troisième, sa corbeille avec ses belles pelotes de laine, instruments de travail qui, jusqu'à ha vieillesse, ont soutenu leur laborieuse vie. Voilà, auguste déesse, les offrandes de tes pieuses ouvrières. »
Minerve et Arachné. — Les tissus formaient une des branches les plus importantes de l'industrie des Athéniens ; mais les fabriques de l'Asie, qui de tout temps ont été célèbres, l'emportaient en finesse sur celles des villes grecques, dont les tissus moins délicats étaient probablement plus solides. C'est ce qui a donné lieu à la fable qui nous dépeint la rivalité de Minerve et d'Arachné.
Arachné n'était pas illustre par sa naissance, mais son talent et son industrie l'avaient rendue célèbre. Son père était teinturier en laine dans la ville de Colophon, et elle s'était acquis une telle réputation dans toutes les villes de la Lydie par la beauté de ses ouvrages, que les Nymphes du Tmole et du Pactole quittaient leurs eaux limpides et leurs riants bocages pour venir admirer ses travaux à l'aiguille. Elle savait filer et faire la laine, et elle embellissait ses tissus de dessins charmants rehaussés de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Mais elle tirait une telle vanité de son talent, qu'elle allait partout disant qu'elle mettrait au défi Minerve elle-même.