La déesse, piquée de ces propos, prit la figure d'une vieille femme, se couvrit la tète de cheveux blancs, et s'étant rendue chez Arachné, lui fit des remontrances amicales sur l'inconvenance qu'il y avait à une simple mortelle, de se comparer à une déesse, et surtout à la déesse de qui procède toute l'industrie humaine. Arachné se trouva offensée; elle reçut fort mal la vieille femme qui lui parlait ainsi et la regardant d'un œil courroucé, s'avança vers elle comme pour la frapper, disant que si Minerve elle-même se présentait, elle saurait bien la confondre, mais que cette déesse n'oserait assurément pas entreprendre une lutte qui tournerait à son désavantage.
Minerve à ces mots reprend sa figure véritable et déclare qu'elle accepte le défi. Les voilà l'une et l'autre qui préparent leurs ouvrages, disposent leurs toiles et les mettent sur le métier. Déjà la navette court avec une agilité incroyable, et l'envie qu'elles ont de se surpasser redouble leur application. Pour rendre leur ouvrage plus parfait, chacune d'elles y retrace d'anciennes histoires. Minerve représenta dans le sien le différend qu'elle avait eu avec Neptune au sujet du nom que devait porter la ville d'Athènes. Arachné se plut à retracer des histoires qui ne pouvaient qu'être désagréables aux divinités de l'Olympe grec.
On y voyait les métamorphoses des dieux, et leurs intrigues amoureuses ligurées d'une façon qui n'était nullement à leur avantage. Mais le travail d'Arachné était exécuté avec une telle délicatesse et une si incroyable perfection que Minerve n'y put pas trouver le moindre défaut.
Oubliant alors qu'elle était déesse, pour ne songer qu'au dépit ([u'elle éprouvait de se voir égalée en finesse par une mortelle, Minerve déchira la toile de sa rivale qui s'alla aussitôt pendre de désespoir. Minerve, prise d'un mouvement de pitié, la soutint en l'air, pour l'empêcher de s'étrangler et lui dit : « Tu vivras, Arachné, mais tu demeureras toujours ainsi suspendue ; telle sera ta punition et celle de toute ta postérité. » En même temps Arachné sentit sa tète et son coprs diminuer de volume ; des pattes minces et déliées prirent la place de ses bras et de ses jambes, et le reste de son corps ne présenta plus qu'un gros ventre. Depuis ce temps les araignées ont toujours continué à filer, et l'industrie humaine n'est pas encore parvenue à égaler la finesse de leurs tissus. (Ovide.)
11 est aisé de voir que cette fable, oii Minerve ne montre pas un bien bon caractère, a pris son origine dans les villes grecques d'Asie. Arachné, qui est Lydienne, montre, aux yeux des Grecs, une singulière audace en se comparant à l'Athénienne Minerve, mais les tissus de l'Orient étaient inimitables, et on les recherchait avidement sur tous les marchés de la Grèce; ce n'est pas sur le terrain du travail qu'Arachné est vaincue, c'est uniquement par un résultat de la puissance divine, dont est doué l'adversaire qu'elle égale en talent si elle ne la surpasse.
La fête des Panathénées. — La grande fête des Panathénées se célébrait à Athènes en l'honneur de Minerve (Athéné), déesse tutélaire de la ville à laquelle elle avait donné son nom. La fête comprenait différents exercices, entre autres les courses à pied et à cheval, les combats gymniques, et les concours pour la musique et la poésie. Les luttes gymniques avaient lieu sur le bord de l'ilissus. La fête se terminait par une grande procession qui est iigurée sur la frise de la cella du Parthé-non où elle fait tout le tour de l'édifice.
Le but religieux de la fête était de couvrir la déesse d'un voile nouveau en remplacement de celui qui avait fait son temps. Mais le but politique était tout autre ; il s'agissait de montrer que Minerve était Athénienne par le cœur, et qu'on ne pouvait invoquer sa protection si l'on n'était l'ami d'Athènes.
Sur le monument, on voit la prêtresse qui reçoit de deux jeunes vierges les objets mystérieux qu'elles lui apportent. Ces jeunes filles sont des enfants, car d'après les rites elles ne pouvaient avoir moins de sept ans ni plus de onze. « Pendant la nuit qui précède la fête, dit Pau-
sanias, elles prennent sur leur tèle ce que la prêtresse leur donne à porter. Elles ignorent ce qu'on leur remet ; celle qui le leur donne li-gnore aussi. Il y a dans la \ille, près de la Vénus des jardins, une enceinte où se trouve un chemin souterrain creusé par la nature. Les jeunes fdles descendent par là, déposent leur fardeau, et en reçoivent un nouveau soigneusement couvert. Ce précieux fardeau contient le vieux vêtement, et celui qu'elles rapportent renferme le nouveau. Comme la scène se passe la nuit, l'une d'elles tient un flambeau allumé. »
Pendant que la prêtresse reçoit la nouvelle parure de la déesse, le grand prêtre, assisté d'un jeune garçon, est occupé à plier l'ancien péplum. Le public n'assiste pas à la scène mystérieuse du sanctuaire, mais les dieux, spectateurs invisibles, sont figurés assis et disposés en groupes symétriques. Parmi eux on voit Pandrose, recouverte du voile symbolique qui caractérise le sacerdoce ; elle montre au jeune Erechthéc, accoudé sur ses genoux, la tête de la procession qui s'avance vers le sanctuaire.
C'est d'abord un groupe de vieillards à l'allure grave qui sont enveloppés de leurs manteaux et s'appuient presque tous sur leur bâton. Ils sont les gardiens des lois et des rites sacrés, car on en voit qui semblent donner des instructions aux jeunes vierges athéniennes qui défilent après eux. Celles-ci portent avec gravité le chandelier, la corbeille, les vases, les patères et tous les objets destinés au culte. Après les Athéniennes, viennent les filles des étrangers domiciliés à Athènes. Elles n'ont pas le droit de porter des objets aussi saints, mais elles tiennent en main les pliants qui serviront aux Canéphores. Viennent ensuite les hérauts et les ordonnateurs de la fête, qui précèdent les bœufs destinés au sacrifice, puis des enfants qui conduisent un bélier. Des hommes les suivent, tenant des bassins et des outres pleines d'huile. Derrière ceux-ci, les musiciens jouent de la flûte ou de la lyre, et une suite de vieillards qui tiennent tous en main un rameau d'olivier, termine le cortège sacré.
C'est alors que commencent à défiler les chars à quatre chevaux et la longue suite des cavaliers. On se rappelait que Minerve avait appris aux hommes l'art de dompter les chevaux et de les atteler au joug, et des jeux équestres accompagnaient toujours sa fête. Tout le monde connaît par les moulages la célèbre cavalcade du Parthénon. Une suite de jeunes hommes, dont la chlamyde flotte au vent derrière leurs épaules, domptent leurs chevaux thessaliens qui se cabrent en leur résistant.
Les prix donnés aux vainqueurs dans les jeux donnés en l'honneur de Minerve consistaient ordinairement en amphores pleines d'huile. On rappelait ainsi que la déesse avait planté l'olivier dont l'Attiquc tirait sa plus grande richesse. Le musée du Louvre possède plusieurs de ces vases qui sont appelés panathénaïques. Leur décoration est assez
furieuse ; on y voit Minerve debout, brandissant sa lance et portant son ttouclier. La figure est conçue dans le style traditionnel des anciennes ligures de style archaïque. Elle est placée entre deux colonnes supportant chacune un coq (fig. 335).
Le coq, en etret, était consacré à Minerve Ouvrière ; Creuzcr nous en <lonne la raison : « Le nom d'Krgané, dit-il, exprima d'abord le travail
Fig. 336. — Vase ])anatlicnaïque (Musée du Louvre).
lui-même, la tâche journalière, et paraît s'être appliqué primitivement, comme épithète de Minerve, à la protection spéciale que cette déesse était censée accorder aux occupations des femmes. Sous ce point de vue, le coq lui était consacré; quand le chant de cet oiseau annonce le retour de l'aurore, il nous rappelle tout à la fois au culte de Minerve Ergané et de Mercure Agoreus, c'est-à-dire aux travaux de l'industrie et du commerce. »