LA GORGONE.
Danaé et la pluie d'or. — Enfance de Persée. — Persée et les Gorgones. — La tôle de Méduse. — Le corail. — Atlas pétrifié. — Persée et Andromède. — Les noces de Persée.
Danaé et la pluie d'or. — Al)as, fils de Lyncée et d'Hypermnes-tre, la seule des Dnnaïdes qui n'ait pas tué son mari, eut deux fils, Acrisius et Prœtus qui se disputèrent longtemps le trône d'Argos. Acrisius finit par l'emporter et, ayant chassé son frère de la ville, devint seul maître du pouvoir. 11 avait une fille nommée Danaé. Un oracle ayant prédit qu'il serait un jour détrôné par son petit-fils, Acrisius fit enfermer sa fille dans une tour d'airain, pour qu'elle ne pût se marier. Danaé, condamnée par son père à passer ses jours dans cette prison, dont elle ne deAait jamais sortir, fut aperçue par Jupiter, qui, s'étant changé en pluie d'or, parvint à forcer la consigne et à pénétrer dans la tour.
Ce sujet a inspiré plusieurs tableaux très-célèbres. Le Titien, dans une peinture du musée de Naples, laisse apercevoir Jupiter lui-même, encore enveloppé dans les nuées et répandant l'or à pleines mains. Le Corrége a placé près de Danaé un amour qui l'aide à recueillir son trésor et Annibal Carrachc a adopté la même manière de présenter son sujet.
Enfance de Persée. — De l'union de Jupiter avec Danaé naquit le héros Persée. Quand Acrisius apprit qu"il était grand-père, il entra dans une violente colère, et fit enfermer Danaé et son enfant dans un colTre qu'on jeta à la mer. Un pêcheur ayant découvert le cofTre, que les flots avaient rejeté sur les côtes de l'île de Sériphe, une des Cyclades, l'ouvrit aussitôt, et y trouvant des personnes vivantes, il les mena chez le roi du pays qui s'appelait Polydecte. Celui-ci leur donna l'hospitalité, mais au bout de quelque temps il devint épris de Danaé, et comme Persée, devenu grand, aurait pu gêner ses projets, il résolut de s'en défaire. L'occasion se fit quelque peu attendre, mais voyant que le jeune héros brûlait du désir de se signaler, le roi lui demanda la tête de Méduse, bien convaincu que les plus vaillants ne sauraient venir à bout d'une pareille expédition. Persée comprit les dangers qui le menaçaient, mais
décidé à 1rs braver, il emprunta à sa sœur Minerve son bouclier, à Pluton son casque forgé par Yulcain, et à Mercure ses talonnières. Dès qui! fut équipé, il se mita la recherche de Méduse.
Persée et les Gorgones. — Les Gorgones étaient trois filles de Phorcys, appelées Euryale, M(''duse et Sténo. Méduse seule était mortelle, mais elle était douée d'une beauté admirable. Neptune, en étant devenu amoureux, lui donna rendez-vous dans un temple de Minerve; la déesse indignée de cette profanation changea le visage de Méduse, dont les cheveux devinrent autant de serpents (fig. 336).
Les Gorgones étaient fort redoutées. « Ce sont, dit Eschyle, des vierges
Fig. 33G. —Tète de Méduse (d'après une monnaie antique).
ailées, monstres abhorrés des mortels, et que jamais un homme n'envisagea sans expirer.» Il était donc très-difficile d'arriver jusqu'ji Méduse, et si on y parvenait on courait grand risque d'être pétrifié, car sa tête avait la propriété de changer en pierre tous ceux qui la regardaient.
Il fallut pénétrer d'abord dans un lieu fortifié de hautes murailles, dont la garde était confiée aux deux filles de Phorcys qui se tenaient à la porte. Elles n'avaient qu'un œil pour elles deux, et elles s'en servaient tour à tour. Pendant que l'une d'elles prêtait l'œil à sa sœur, Persée s'en empara adroitement et devint alors maître du passage, que les portières aveugles ne pouvaient plus garder. Il pénétra par des chemins tortueux et obscurs jusqu'au palais des Gorgones, qu'il trouva plein d'hommes et d'animaux pétrifiés. Arrivé près de Méduse, il ne regarda que son image réfléchie par son bouclier, et s'étant ainsi préservé des enchantements, il lui coupa la tête.
Les monuments nous montrent les précautions que prend le héros pour ne pas regarder en face une ennemie dont la vue suffirait pour le pétrifier. Sur une pierre gravée antique (fig. 337) Méduse dont le corps est protégé par une égide, vient d'être terrassée par Persée qui, en la frappant, tourne la tète pour voir seulement l'image qui se reflète sur le bouclier. Sur une monnaie de Galatie, la scène est présentée à peu près de la même manière, mais Méduse a la poitrine nue, et c'est Mi-
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nerve elle-même qui présente le bouclier a Persée, pour qu'il puisse sans danger voir où il dirige ses coups (fig. 338).
Fig. 337. - Persée tue Méduse en tournant la Fig. 338. - Persée est assisté par Minerve tète pour n-ètre pas pétrifié (d'après une dans sa lutte contre Méduse (d'après une pierre gravée). monnaie des Galates).
Pégase et Chrysaor. — Méduse n'avait pas eu d'enfants, mais elle avait plu à Neptune, qui pour en approcher avait pris la forme d'un cheval. Quand Persée lui coupa la tête, le sang qui jaillit abondamment produisit aussitôt un cheval ailé nommé Pégase, et un autre personnage mystérieux appelé Chrysaor, qui n'a pas de légende personnellement, mais qui, devenu l'époux de Callirhoé, fut père de Géryon, géant à trois têtes, et de la terrible Echidna, monstre moitié femme et moitié serpent. C'est de l'union d'Echidna avec Typhaon, que sont sortis la Chimère, le dragon de Colchide, Cerbère, l'hydre de Lerne, etc.
Fig. 339. — Pégase et Chrysaor sortant de la tète de Méduse (peinture de vase sur une
amphore de Nola).
L'apparition de Pégase et Chrysaor est figurée sur un vase de style archaïque: ils s'élancent du cou de Méduse décapitée (fig. 339). Celle-ci porte des ailes au dos et aux pieds. Une ses sœurs, également ailée, avec deux grands serpents dans les mains, et d'autres dans les cheveux, s'é-
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VULGAIN ET MINERVE.
lance à la poursuite do Persée, uiais sans nioUi-o dans sa poursuite une bien grande ra[iidilé, comme on le voit dans d'autres figures. Persée a l'air également assez (ran(ftiille, se sentant protégé par Minerve qui est placée derrière lui et étend son manteau pour empêcher les serpents de la Gorgone d'atteindre le héros. Cette Minerve, contrairement à l'ha-Ititude, n'a ni casque, ni lance. Quant à Persée, il tient d'une main la harpe avec laquelle il a coupé la tète de Méduse, et il a dans l'autre im hâton fourchu terminé en tètes de serpents, ce qui est la plus ancienne forme du caducée. En outre, il porte suspendu à son épaule une espèce de sac ou de panier dans lequel il a placé la tète de Méduse ((u'on voit apparaître. Celte composition d'un dessin extrêmement
Fig. 340. — Pcrscc poursuivi par les Gorgones (d'après une peinture de vase).
grossier appartient au plus ancien style : elle est peinte sur une amphore de Nota.
La décapitation de Méduse est figurée d'une façon étrange et naïve sur un autre vase de style archaïque. Persée, qui vient de couper la tête de Méduse, s'enfuit à toutes jambes, pour éviter les deux sœurs de sa victime qui le poursuivent en tirant la langue (fig. 340 et 341). Minerve et Mercure assistent à la scène qu'on croirait empruntée à un passage d'Hésiode : « Le fils de Danaé s'allongeait en courant, semblable à un homme qui précipite sa fuite tout frissonnant de terreur; sur ses pas s'élançaient les monstres insaisissables et funestes à nommer, les Gorgones, imjtatientes de l'atteindre. » Persée est l'aïeul d'Hercule: c'est pour cela que dans la description du bouclier d'Hercule, Hésiode lui donne une grande importance.