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Les grands cataclysmes. — Les jours et les nuits se succèdent dans un ordre régulier, les saisons reviennent périodiquement, le soleil donne toujours la lumière et la chaleur, la terre produit des fleurs et des fruits, elle en a [)roduit, elle en produira encore : dans le langage moderne nous disons, les lois naturelles; les Grecs disaient les dieux. Les forces régulières et périodiques de la nature sont à leurs yeux des divinités, exerçant chacune une fonction* particulière et se personni-lîant dans une forme déterminée qui répond au rôle qu'elles sont appelées à remplir dans le grand concert universel.

A côté des phénomènes prévus et périodiques, répondant à l'idée de lois, il y a des phénomènes irréguliers qui semblent contredire les premiers et vouloir cnti'er en lutte avec eux. La terre est solide et le sol sur lequel nous marchons est fixe : pourtant il survient des tremblements de terre, et l'homme primitif en conclut naturellement qu'à des époques indéterminées, des forces souterraines se mettent en révolte contre la loi divine, qui est la fixité du sol. Les orages, les xolcans, les cataclysmes violents qu'on ne peut ni prévoir ni éviter, sont à ses yeux des ennemis de la règle, des agents de destruction déchaînés contre les lois divines, toujours vaincus, mais toujours rebelles. Ces forces irrégulières et tumultueuses sont les géants, fils de la terre et implacables ennemis des dieux.

Typhaon. — La Terre, voulant venger les Titans, ses premiers enfants, s'unit au Tartare, et mit au monde l'effroyable Typhaon, le tremblement de terre personnifié. «Les vigoureuses mains de ce Géant travaillaient sans relâche et ses pieds étaient infatigables; sur ses épaules se dressaient les cent têtes d'un horrible dragon, et chacune dardait une langue noire; des yeux ouverts sur ses monstrueuses têtes jaillissait une flamme étincelante cà travers leurs sourcils; toutes, hideuses à voir, proféraient mille sons inexplicables et quehjuefois si aigus que les dieux mêmes ne pouvaient les entendre; c'était tantôt la mugissante voix d'un taureau sauvage et indompté, tantôt le rugissement d'un lion au cœur farouche ; souvent, ô prodige I les aboiements d'un

chien ou les clameurs perçantes dont retentissaient les hautes montagnes. » (Hésiode.)

Typhaon hahilait une caverne qu'il remplissait (hMapeurs empoisonnées : sa tète atteignait les astres, ses mains touchaient au levant et au couchant. Vociférant sans cesse, il lançait conti-e le ciel des roches enflammées et des torrents de ilamme jaillissaient de .ses houches énormes. Quand ce monstrueux géant se mit à escalader FOlymjte, les dieux épouvantés prirent les formes de toutes sortes d'animaux et s'enfuirent en Kgypte. Suivant les Grecs, c'est sous cet aspect que les Egyptiens les ont connus, et cela explique la forme que l'art a donnée aux dieux dans ce pays.

Jupiter pourtant voulut combattre, et ce fut sur le mont Cassius en Syrie que la lutte s'engagea. Tant que le roi du ciel fut loin du monstre, enfant de la Terre^ il lui'lançait sa foudre à coups redoublés, mais Typhaon parvint à l'atteindre et, l'ayant terrassé, il lui coupa, à l'aide d'une /larpê, iès muscles des pieds et des mains, et en fit un paquet qu'il mitdans une peau d'ours. Il prit ensuite le dieu amputé, et l'emporta avec la peau d'ours oii étaient ses muscles, jusque dans l'antre Corcyrien, en Cilicie ; il en confia la garde au dragon Deljihiné, ainsi que la foudre dont il était parvenu à s'emparer. A la voix du juonstre, tous les dragons accoururent, pour faire la guerre au maître des dieux, et la clarté du jour était obscurcie par l'ombre épaisse que formait leur horrible chevelure.

Jupiter, voulant ravoir sa foudre et ses muscles, proposa à Cadmus de se bâtir une cabane dans laquelle il attirera Typhaon par les sons harmonieux de sa flûte. « Chante, lui dit-il, Cadmus, tu rendras aux cieux leur première sérénité. Typhaon m'a ravi ma foudre ; il ne me reste plus que mon égide : mais de quel secours peut-elle être contre les feux puissants du tonnerre? Sois berger pour un jour et que ta flûte pastorale serve à rendre rem])ire au pasteur éternel du monde. Tes services ne seront pas sans récompense ; tu seras le réparateur de l'harmonie de l'univers et la belle Harmonie, fille de Mars et de Vénus, deviendra ton épouse. » (Nonnus.)

Cadmus en effet se déguise en berger, et, appuyé nonchalamment contre un chêne, il fait retentir les forets d'alentour des sons de sa flûte. Typhaon se laisse charmer ; il approche du lieu où il entend ces sons séducteurs, mais alors Cadmus feint d'avoir peur à cause de la foudre, que Typhaon, pourle rassurer, dépose dans une caverne. Jupiter fait descendre un nuage, afin de n'être pas vu, et reprend sa foudre et ses muscles pendant que Typhaon écoute les sons harmonieux de Cadmus, qui prend ici le rôle que d'autres mythologues ont attribué à Mercure.

Dès que Jupiter eut retrouvé ses jnuscles et repris sa foudre , il commença le combat, avec une nouvelle vigueur, et Typhaon, obligé

de fuir à son tour, recula jusqu'au mont Nysa. Comme il était affamé, il rencontra les Parques qui le trompèrent eu lui donnant à manger des fruits qui diminuèrent sa force. Typhaon, toujours fuyant, gagna le mont Hémus en Thrace, qui prit son nom du sang dont il fut couvert. Là, le monstre avait encore essayé de lutter, mais il fut obligé de gagner la Sicile et l'Italie. Enfin Jupiter, rassemblant toutes ses forces et armé de ses éclairs et de son tonnerre, réduisit en poudre les énormes têtes de ce monstre effrayant qui, vaincu par ses coups redonblés, tomba mutilé, et le bruit de sa chute retentit par toute la terre.

Les géants foudroyés. — Ces fables semblent un vague récit des cataclysmes géologiques et la forme de serpents que prennent dans l'art

Fig. 10. — Hercule et Alcyonée (d'après une peinture de vase).

les géants iils de la Terre fait songer aux grands reptiles disparus. La légende reparaît sous mille aspects différents en changeant les noms des géants et le détail de leurs combats contre les dieux, mais elle traduit sans cesse les mêmes impressions. Ce sont d'abord Otus et Ephialtes qui, pour escalader le ciel, entassent les montagnes ; puis, c'est toute une armée de géants qui se range en bataille sous la conduite de Porphyrion et Alcyonée : cette fois l'âne de Silène se mit à braire d'une telle force que l'armée des géants s'enfuit épouvantée.

Elle se reforme pourtant, et Hercule, que les dieux ont appelé à leur aide, s'attaque d'abord à Alcyonée, qui tombe percé de tlèclies. Mais un privilège de ce géant est qu'il ne pouvait pas mourir tant qu'il serait dans son pays : aussi dès qu'en tombant, il a touché le sol natal, il renaît à la vie et la lutte recommence. Une peinture de vase, d'un style très-archaïque, nous montre Alcyonée renversé et cherchant à toucher la terre avec ses mains pour reprendre sa vigueur; mais le génie delà mort, qui vient prendre son dernier souffle, indique assez sa défaite inévitable (fig. 16). En effet Hercule, secondé par Minerve, traîne le

.iriMTEIl ET JUNON.

î^i'ant hors des cliainjts de l^alli'iic; dt's lors le chaiinc a disparu vl Alcyonée cxpiio.

Vn l'ait important à noter, c'est (pic sur les vases, à très-peu d'ex-cc|>tions près, les géants ne dillcrcnl |)as des autres personnages, et aucun caractère distiuclit' uaide à les l'aire reconuaîti-e. Les poètes iicaninoins donnent aux géants, ou aux Titans, (juils ont souvent con-

Fig. 17.— Un Géant (d'après une pitri-c gi-axc; antienne'

fondus, des traits [larliculiers, notamment un \isage li(tri'il»le et des membres multiples pour exprimer leur l'orce. Mais les artistes, obligés de compter moins avec Timagination, i[ui peut rè\er des formes vagues, qu'avec l'œil, qui exige des formes positives, se sont longtemps refusé à cette combinaison. Le mode qui a prévalu ensuite dans l'art consiste à donner aux géants la forme angui|)('de, c'est-à-dire à faire des membres inférieui's terminés en serpents. On les voit rarement représentés de la sorte sur les vases, tandis que sur les bas-reliefs et les pierres gravées cette forme est à peu j)rès constante ; seulenuMit connue les xases remontent à une époipie plus ancienne que la plupart des autres monuments figurés, on peut en conclure que l'usage de faire les géants anguipèdes, ne remonte pas, dans l'art, à une très-haute antiquité. Dans une belle pierre gravée antique (fig. 17), nous voyons un géant s'apprêtant à lancer d'une main une espèce de globe, tandis qu'une peau de lion lui