Vénus donn(; des h)is au ciel, à la terre, aux ondes et à tcuites les créatures vivantes. « C'est elle qui fournit le germe des plantes et des arbres, c'est elle qui a rassemblé dans les liens de la société, les premiers lionunes, esj)rits féroces et barbares, c'est elle (pii apprit à chaque être à s'unir à une conipagiu'. C'est à elle qu'on doit U)s noml)rcuses espèces d'oiseaux et la multij)lication des troupeaux. Le bélier furieux
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Fig. 370. — Médaille d'Al)lll•odi^sias en Carie, avec les attributs de Venus (composition de Gabriel de Saint-Aubin).
lutte de la corne avec le bélier: mais il craint de blesser la brebis. Le taureau dont les longs mugissements faisaient retentir les vallons et les bois, dépose sa férocité quand il aperçoit la génisse. La même puissance entretient tout" ce qui vit sous les vastes mers et peuple les eaux de poissons sans nombre. La première, Vénus dépouilla les hommes de leur aspect farouche. C'est d'elle (pie sont venus la parure et le soin de soi-même. (Ovide.)
Vénus Céleste et Vénus Vulgaire. — Pausanias dans sa description de Thèbes signale plusieurs statues de Vénus, qui étaient
VENUS.
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de la i>his haute antiquité, puisqu'elles avaient été faites avec le bois des vaisseaux de (ladnius, et consacrées par Harmonie elle-même. <( La première, dit-il, est Vénus Céleste, la seconde Vénus la Vulgaire, et la troisième est surnommée Préservatrice. Ce fut Harmonie elle-même qui leur imposa ces noms pour distinguer ces trois sortes d'amours: l'un céleste, c'est-à-dire chaste, l'autre vulg^aire, cest-à-dire attaché au corps, le troisième désordonné, qui porte les hommes aux unions incestueuses et abominables. C'est à la Vénus Préserva-
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Venus Céleste (d'après une peinture antique du musée de Xaples).
trice que l'on adressait ses vœux pour être préservé des désirs coupables. » (Pausanias.)
Nous avons un curieux exemple de ce dernier aspect de Vénus, dans une décision du sénat romain, qui, d'après les livres Sibyllins consultés par les décemvirs, avait ordonné qu'il serait dédié une statue à Vénus Verticordia (convertissante), comme un moyen de ramener les filles débauchées à la pudeur de k'ur sexe.
(Valère Maxime.)
La tortue, emblenie (h; la chasteté des fenunes, était consacrée à Vénus Céleste, et le bouc, symbole contraire, était consacre à la Vénus Vulgaire.
MARS ET TENUS.
Les images de la déesse, qui se troiiN aient dans toutes*les maisons, étaient en outre aeeompagnées dinsei-iptions ([ui en indiquaient le earaetére. En Aoiei une qui nous est parvenue: u Cette Vénus n'est point la Vénus Populaire, c'est la Vénus Uranie. La chaste Chr\sogone l'a placée dans la maison d'Ampliiclès, à qui elle a donné plusieurs enfants, gages touchants de sa tendresse et de sa lidélité. Tous lés ans, le premier soin de ces heureux éj)0u\ est de vous invoquer, puissante déesse, et en récompense de leur ])iété, tous les ans vous ajoute/à leur bonheur, ils prospèrent toujours, les mortels qui honorent les iJieu.v. ><
(Théocrite.) Vénus Céleste est caractérisée par la rohe étoilée : nous la Noyons ligurée sur une peinture de Pompéi où elle est représentée debout avec un diadème sur la tète et un sceptre à la main (tig. 371). Le i'ameu.v
Fig. ;n2. — Voiuiri Vulgaire (d'après une pierre gravée antique, cornaline).
sculpteur Scopas avait l'ait pour la ville d'Élis une Vénus Vulgaire qu'il avait montrée assise sur un bouc : une ligure analogue se trouve sur une pierre gra\ée anti(pie ilig. 372). De nos jours, le peintre Glexre a l'ait u\i charmant tableau sur la même donnée. Cette Vénus était surtout honorée àCorinthe, ville maritime (pii fut de tout temps célèbre par ses courti-saïu's. C'est là qu'habitait la fameuse La'is, sur laquelle on lit l'épi-granune suivant*' dans VA/if/fo/of/if : « M(m. cette lière Laïs, dont la Gi'èce était le jouet et ([iii a\aisa ma poite un essaim déjeunes amants, je consacre a Vénus ce miroir, parce (pie je ne veux pas me voir telle (pie je suis, et (pie je ne peux plus nu' voir telle (pie j'étais. <>
On trouve dans le même recueil une aulrepieceencore plus curieuse :
« Mieai'èto, qui naguère tendait à son métier les lîls de la trame et sans relâche y faisait résonner la navette de Minerve, vient de consacrer à Vénus son panier à ouvrage, ses laines et ses fuseaux, tous ses instruments de travail, en les brûlant sur son autel : « Disparaissez, s'écria-t-elle, outils qui laissez mourir de faim les pauvres femmes et flétrissez la beauté des jeunes filles ! » Puis, elle prit des couronnes, un luth et se mit à mener une vie joyeuse dans les fêtes et dans les banquets. « 0 Vénus, dit-elle à la déesse, je t'apporterai la dîme de mes bénétices, procure moi de l'ouvrage dans ton intérêt et dans le mien. » (Anth.)
Pygmalion et sa statue. — L ilede Chypre était particulièrement renommée par ses courtisanes. Le sculpteur Pygmalion qui y habitait
l'"ig. o'-i. ■- Pygniulioii animant sa statue (d'après un tableau de Girodet).
fut si choqué de l'effronterie des femmes de ce pays, qu'il résolut de vivre dans le célibat. Mais comme son imagination rêvait toujours une beauté d'un caractère dilYérent, il fit une statue d'ivoire, représentant une femme ([ui joignait la chasteté de l'expression à la pureté des formes. L'image qu'il avait fabriquée était tellement à son goût, qu'il en devint amoureux ; malheureusement la vie manquait à cette beauté juidique, et si Pygmalion regardait les femmes vivantes, il y trouvait bien la beauté, mais alors la pudeur manquait. Quand arriva le jour de la fête de Vénus, ce jour qu'on célèbre avec tant de magnificence
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'il8 MAHS ET VENUS.
dans l'île de Ghypic, Pygmalion se rendit au temple de la déesse, qu'il trouva tout parfumé de leneens qu'on y brûlait, et entouré de j2:énisscs blanches dont on a\ait doré les cornes avant de les immoler, « Grande déesse, s'écria-t-il^ en embrassant l'autel, fais que je devienne l'époux d'une femme aussi accomplie que ma statue ! »
Il paraît ([u'il n'était pas au pouvoir de la déesses de trouver dans Chypre une femme pour\ue de la chaste beauté que l'artiste rêvait, car Vénus, pour l'exaucer, préféra avoir recours au miracle. En effet, ({uand le scul[)teur fut de retour, il alla embrasser sa statue, et vit SCS joues rougir ({uand elle se sentit embrasser : l'ivoire s'amollit et la statue s'anima. Pygmalion, ravi, remercia la déesse, qui voulut assister en personne à son hymen.
L'histoire de Pygmalion forme le sujet du dernier tableau peint par Girodet. Il a figuré au salon de 1819. On n'imagine pas la quantité de brochures qui parurent alors pour louer ou critiquer le peintre. Le plus curieux, c'est que les médecins ont cru devoir se mêler à la discussion, et e\aminer, avec un sérieux comique, la question de savoir si l'artiste avait eu raison d'animer d'abord la tête de sa statue, dont les jambes sont encore en ivoire, et s'il n'eut pas été plus convenable de faire commencer la vie par la poitrine, qui renferme le cœur et les poumons.
La statue animée par Pygmalion, étant devenue sa femme, lui doqna un fils qui fut le fondateur de Paphos, ville de Chypre, célèbre par le culte ({u'on y rendait à Vénus.
Vénus de Gnide. — On n'avait pas dans l'origine l'habitude de représenter Vénus, au moment oi^i elle sort de l'écume de la mer, c'est-tà-dire entièrement nue. Aussi l'œuvre de Praxitèle fut regardée ' comme une nouveauté et la déesse elle-même témoigne, par la bouche (Vun auteur ancien, l'étonnement oùelle est de se voir ainsi dépourvue de ses vêtements : « Je me suis fait voira Paris, à Anchise et à Adonis : mais Pratixèlc, oii m'a-t-il vue? » [Anthologio.)