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Albert Mann entra lentement dans le driveway. Une corvette rouge se trouvait dans le garage. Malko descendit et toucha le moteur. Il était froid. Avant de remonter dans la Dodge, il essaya la poignée de la porte d’entrée et fit le tour de la maison. Tout était éteint sur le derrière également.

Albert Mann parlait dans le micro lorsqu’il reprit sa place à côté de lui.

— Je vérifiais auprès de la « Bel Air Patrol » et du shérif de Beverly Hills, expliqua-t-il. Ils n’ont rien vu d’anormal.

— Retournons à l’hôtel, dit Malko à regret. Jill finira bien par réapparaître quelque part.

Ils repartirent. Malko se maudissait de n’avoir pas accompagné Daphné. Il était sûr que la call-girl était en train de mourir lorsqu’elle lui avait téléphoné.

* * *

Gene se releva tout doucement. « Darling » Jill dormait, la bouche ouverte, en ronflant légèrement. Il alla dans le dressing-room et se pencha sur Daphné.

Daphné respirait encore faiblement. Il la secoua de toutes ses forces, la gifla, souleva sa paupière sans obtenir la moindre réaction. Il la prit dans ses bras et la porta dans sa Camaro. À grand-peine, il la logea sur le siège à côté du conducteur. La place du mort.

Puis il se glissa sous le volant et démarra, conduisant avec une grande attention. De nuit, la Bel Air Patrol stoppait tous les véhicules pour la plus légère infraction. Gene respirait mieux quand il déboucha sur Sunset Boulevard.

Il ne lui fallut guère plus de vingt minutes pour atteindre une petite impasse qu’il connaissait bien à Beverly Hills : Summit Drive. Bordée de cinq ou six villas, dont celle de Sammy Davis Junior, c’était une voie très tranquille. Il gara la Camaro au fond, coupa le contact et écouta.

Silence total.

Il sortit alors de la voiture et tira le corps de Daphné sur le siège du conducteur. Elle s’affaissa, la tête sur le volant. Puis, à tout hasard, Gene passa sa pochette de soie sur le levier de vitesses, le volant et les poignées de porte. Ensuite, il ferma doucement la portière et partit tranquillement à pied. C’était la partie la plus délicate du plan.

Un piéton à Beverly Hills était aussi rare qu’un sapin au Sahara. Heureusement qu’il était honorablement connu et habitait le quartier. Il n’avait d’ailleurs qu’un demi-mile à marcher, en coupant par Cove et Lexington Road.

Il irait récupérer sa voiture le lendemain, et dirait à Jill que Daphné l’avait déposé chez lui.

* * *

Le téléphone sonna à six heures dix du matin dans la chambre de Malko. Le « Los Angeles Receiving Hospital » venait d’admettre une jeune femme répondant au signalement de Daphné. C’est le sergent conduisant l’ambulance de la police qui était au téléphone.

— Dans quel état se trouve-t-elle ? demanda Malko.

— Vous êtes son mari ? fit le policier, méfiant. Malko le rassura :

— Non, non. Juste un ami.

— Elle est dans le coma, dit-il laconiquement. Foutue. Malko remercia, raccrocha et réveilla Albert Mann qui dormait tout habillé sur le lit voisin.

— Ils l’ont retrouvée.

Les deux hommes traversèrent l’hôtel désert et s’engouffrèrent dans la Dodge. Le Sunset était désert et ils atteignirent rapidement le Hollywood Freeway pour descendre en ville. Le jour allait se lever et le soleil rosissait déjà le ciel.

L’interne en blouse blanche sortit et alluma une cigarette dans un couloir. Le shérif avait accrédité Malko et Albert Mann de façon qu’ils aient accès au quartier des urgences.

Malko s’approcha de lui.

— Elle est perdue, dit à voix basse le jeune médecin. Nous lui avons fait un lavage d’estomac, des piqûres de solu-camphre et tout ce qu’on pouvait tenter. Mais c’était beaucoup trop tard. En plus, nous ne savons pas exactement ce qu’elle a avalé.

— Où l’a-t-on trouvée ? demanda Malko. L’interne fronça les sourcils :

— Dans une allée de Beverly Hills, je crois. Elle avait conduit sa voiture jusque-là pour être tranquille. Il y a trois heures au moins, parce qu’ensuite elle aurait été hors d’état de conduire.

Ils s’approchèrent de la grande glace séparant la chambre du couloir. Daphné était couchée, les yeux fermés, des tuyaux enfoncés dans les deux bras.

Un imposant appareillage électronique était aligné près du lit. Pendant qu’ils regardaient, une infirmière entra par l’autre porte et fit rapidement une piqûre à la jeune femme.

— Elle a pu parler ? demanda Malko. L’interne secoua la tête.

— Non. Et elle ne parlera plus jamais. J’ai une certaine expérience de ces cas. J’en ai vu des centaines depuis que je suis ici. Elle n’a pas une chance sur un million. Sa température est de 41° depuis deux heures. Nous la maintenons en vie artificiellement, sans pouvoir rien faire pour qu’elle se réveille.

— Elle va plonger dans la mort sans s’en rendre compte…

Devant l’expression atterrée de Malko, le jeune médecin ajouta tristement :

— C’est un cas trop fréquent par ici. Toujours des jolies filles. La vie est trop dure pour elles à Hollywood. Un jour, elles craquent.

Malko hocha la tête. Il n’arrivait pas à détacher ses yeux de la morte-vivante, de l’autre côté de la vitre. Elle ne s’était pas suicidée et il le savait.

On l’avait assassinée, alors qu’elle se trouvait avec « Darling » Jill. Parce que Daphné avait appris quelque chose d’important.

Il remercia le jeune interne et entraîna Albert Mann. Il n’y avait plus rien à faire. Sinon à trouver l’assassin de Daphné.

Lorsqu’ils sortirent de l’hôpital, il faisait presque jour. Albert Mann entraîna Malko dans une cafétéria près de l’hôpital, encore déserte, ni l’un ni l’autre n’étaient rasés, et le néon leur donnait un teint verdâtre épouvantable.

Malko leva les yeux sur l’énorme bâtisse trouée de centaines de fenêtres. Daphné était en train de mourir à quelques mètres. Il trempa ses lèvres dans le café noir sans sucre et se brûla.

Le ciel était déjà bleu et il n’y aurait pas de smog. Une journée splendide en perspective.

Chapitre XIV

Les quatre voitures filaient tous phares allumés dans les lacets du Sunset Boulevard. En tête, une vieille Cadillac noire aménagée en corbillard, ensuite la Dodge conduite par Albert Mann où avait pris place Malko, enfin, deux voitures du FBI.

Daphné La Salle reposait dans une alvéole du Westwood Cemetery. La cérémonie n’avait pas duré dix minutes. Cet enterrement à la sauvette sous ce ciel radieux avait quelque chose d’irréel. Malko était partagé entre la tristesse et la rage. De temps en temps, une des voitures qui croisait le petit convoi allumait ses phares un court instant, par déférence. Cela rappelait à Malko un autre jour à Los Angeles où des centaines de milliers de Californiens roulaient en plein jour, avec leurs phares, en hommage à Robert Kennedy.

— Elle a été assassinée, dit-il. Albert Mann hocha la tête.

— Très probablement, mais nous ne possédons aucune preuve. N’oubliez pas que le coroner a délivré un permis d’inhumer mentionnant que la cause de la mort était le suicide…

Les yeux dorés de Malko avaient foncés jusqu’à être verts. Mauvais signe.

— Pourquoi ne pas secouer sérieusement Gene Shirak où Jill Rickbell ?

— Parce que nous sommes en démocratie, soupira Albert Mann. Et que nous préférons ne pas mêler la police locale à cette histoire. Vous allez agir, vous.

— Mais comment ? protesta Malko. Nous sommes en plein brouillard. Je ne suis même pas sûr que Gene Shirak lui-même soit coupable. Il faudrait leur faire peur.