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Ce commentaire du Canard, dans la rubrique « La presse déchaînée », vaut en tout cas tous les rapprochements possibles :

LES CONCOUREURS

De « La République du Centre » (19.4)

« Un examen probatoire pour l’accès aux fonctions d’élèves-infirmiers de secteur psychiatrique est ouvert… Les épreuves cyclistes auront lieu le 15 juin. »

Allons bon ! Ils ont déjà un petit vélo dans la tête ?

Le Canard enchaîné, 5 mai 1982.

Les mystères

Tel a beaux yeux qui ne voit goutte.

Vieux proverbe.

En guise de conclusion provisoire à une recherche toujours en mouvement, presque constamment sujette à révision au gré des traces et des indices nouveaux qui viennent bouleverser les hypothèses les plus solides ou semer le doute dans l’enchaînement des « preuves » les mieux établies, voici quelques expressions choisies parmi les plus courantes, dont les images ont traversé les siècles sans grandes altérations apparentes, et qui, tout en gardant leur fraîcheur, conservent entier le mystère de leur origine. Des expressions rebelles, précisément, à toute conclusion — je dirai un échantillonnage de pots aux roses !

Découvrir le pot aux roses

Découvrir le pot aux roses — le secret, le mystère d’une affaire — est une façon de parler qui date au moins du XIIIe siècle où on la rencontre déjà bien établie dans un Dit de vérité :

Car je tantost descouvreroi Le pot aux roses.

Comme le remarque P. Giraud, « ces mystérieuses roses ont depuis longtemps exercé la sagacité des linguistes. » Certains ont formulé l’hypothèse d’un pot de fleurs : le « pot aux roses ornant la fenêtre ou le balcon des belles, et sous lequel les galants plaçaient les billets doux qu’ils leur adressaient » propose M. Rat — un pot que, naturellement, le mari jaloux pouvait « découvrir. »

Plusieurs détails rendent cette proposition inacceptable étant donné l’ancienneté de la locution. D’abord le « pot de fleurs » ne s’emploie que depuis le XVIIe siècle et le mot « découvrir » n’a pris le sens de « faire une découverte » que vers le XVIe siècle. Enfin, inconvénient majeur, les rosiers ne se cultivent pas en pots ! Du moins la rose actuelle, persistante, embellie, est une fleur relativement récente, qui s’est surtout développée avec les progrès de l’horticulture au début du siècle dernier. Les roses d’antan dérivaient directement de la simple églantine avec laquelle elles étaient plus ou moins confondues, comme en témoigne le vieux proverbe pessimiste : « Il n’est si belle rose qui ne devienne gratte-cul ! » C’était une fleur fragile, passagère, éclose à midi, fanée le soir, de tout temps le symbole de la fugacité des belles choses.

C’est à cause d’une observation botanique directe, et non par hyperbole, que les poètes se désolent de voir la rose fanée au soir de son éclosion :

Les roses overtes et lees [209] Sont en un jor toutes alees

dit le Roman de la Rose ; plus tard Malherbe lançait sa fameuse lamentation :

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, L’espace d’un matin.

Autre supposition, le pot aux roses serait un « pot au rose », c’est-à-dire un « pot qui contient le rose dont les femmes se fardent » ; le découvrir serait alors découvrir l’artifice, le « secret de la toilette d’une femme. » La même objection reste valable quant au sens tardif du mot découvrir, et de plus « la locution est d’une époque où la prononciation maintient distincte l’opposition au rose / aux roses et le pluriel est solidement attesté[210]. »

En fait les exemples montrent que le sens ancien de l’expression est non pas « trouver » une chose cachée, mais au contraire « découvrir » au sens de « dévoiler, révéler un secret » qui devait normalement être gardé par la personne qui le laisse échapper. C’est ainsi que l’emploie notamment Charles d’Orléans au XVe :

De tes lèvres les portes closes Penses de sagement garder ; Que dehors n’eschappe parler Qui descouvre le pot aux roses.

Comme le démontre judicieusement P. Guiraud[211], il s’agit donc de « découvrir », au sens tout à fait matériel d’« enlever le couvercle » d’un pot qui contient des roses. Le secret apparaît alors…

Malheureusement, en ce qui concerne la locution, c’est à partir de là que le mystère s’épaissit ! Pourquoi ces roses dans un pot ? À quel usage ? Et surtout pourquoi recèle-raient-elles un secret ?… On peut penser très matériellement à l’eau de rose, cet ancêtre des parfums, en grande faveur au Moyen Âge, obtenue par distillation de pétales de roses macérés. L’eau de rose était considérée comme un liquide particulièrement pur et précieux. La jeune fille du Guillaume de Dole, calomniée par le vilain sénéchal, pleure de bien jolies larmes :

Lermes plus cleres d’eve rose li couroient aval le vis[212].

Comme tout parfum elle s’évente et s’évapore si on laisse le pot découvert… L’odeur se répand dans la pièce et révèle le secret de son existence ?… Ce n’est pas particulièrement concluant.

Pierre Guiraud aborde la même voie, mais en orientant son hypothèse sur la fabrication de l’essence de roses : « La Grande Encyclopédie en décrit longuement la distillation dans une “vessie” ou cornue qui était une “sorte de matras de la panse duquel sort un tuyau, etc. Ce récipient dont les parfumeurs ont autrefois fait mystère, peut servir commodément aux distillations des huiles essentielles un peu précieuses”.

« On voit l’intérêt de cette citation et de la phrase que j’en souligne ; le mystère est peut-être imaginaire et dérive tout simplement de notre expression, mais il n’est pas interdit cependant de voir dans le pot aux roses la cornue des parfumeurs.

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209

Épanouies.

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210

P. Guiraud, Les Locutions françaises, op. cit.

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211

op. cit.

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212

Visage.