Il est remarquable, toutefois, que l’image première soit demeurée dans cet emploi tardif, loin de ses origines : « Hugon, un autre directeur de l’agriculture, qui, venu sans un sou dans la Régence, s’en est allé tout récemment avec ses bottes pleines de foin. » (La Guerre Sociale, 1er mars 1911.)
Il est vrai que le foin dans les bottes empêche de trop sentir les scrupules… Heureux hasard de l’étymologie : les scrupules, du latin scrupulus, sont précisément ces petits cailloux qui s’introduisent sournoisement dans la chaussure, et gênent le pied.
La mode
Quand les dames furent parées
En sont ja les croix alées.
C’est une banalité de dire que l’habillement, la parure, ont toujours été une des préoccupations majeures des hommes et des femmes. Les modes ont toujours changé (c’est en quelque sorte leur raison d’être) et toujours par référence à ce qui se portait dans les rangs les plus élevés de la société : pendant longtemps les cours royales et princières.
Autrefois la mode changeait principalement de génération en génération, c’est-à-dire d’une génération régnante à l’autre, pour les grandes lignes, avec des modifications de détails dans les parements qui sans doute permettaient aux plus riches de se trouver toujours à quelques galons d’avance, non pas sur le « commun », mais sur leurs niveaux immédiats — avance d’ailleurs protégée à certaines époques par des « lois somptuaires » qui réglementaient le port des fanfreluches selon le rang et le degré de noblesse. En outre, le décalage était grand entre la vêture de la haute société parisienne et celle du reste du pays ; il grandissait en proportion de l’éloignement géographique. Quant au peuple en besogne il a porté longtemps et partout les restes et les défroques de ses maîtres, souvent avec une ou deux générations de retard.
Au Moyen Âge le vêtement s’appelait d’une façon générique la robe. Il était composé, en plus de la chemise, de la cote, pièce essentielle : tunique à manches en forme de robe. Il existait aussi le surcot, facultatif, sorte de tunique sans manches qui se portait par-dessus la cote, et le mantel ou manteau — appelé parfois robe. Une forme plus robuste du manteau pour le voyage et pour la pluie s’appelait la chape. Cela aussi bien pour les femmes que pour les hommes, le costume étant identique. Que ceux qui s’effraient encore de voir aujourd’hui garçons et filles vêtus de la même manière se rassurent tout à fait : le vêtement unisexe n’est pas une nouveauté dans l’histoire. Je dirais même que c’est à partir du moment où le costume masculin a commencé à se différencier, vers la fin du XIVe siècle, que la société médiévale déjà peu facile pour les femmes est devenue de plus en plus misogyne.
J’ajoute que la différenciation ne s’est jamais faite pour les gens d’Église, ni pour les enfants, lesquels jusqu’au XVIIe siècle ont continué à être vêtus uniformément de la même et ancienne « robe » jusqu’à l’âge de sept ou huit ans.
Voici un aperçu de la mode dans le premier tiers du XIIIe siècle, donné par Jean Renart dans le Guillaume de Dole[148]. D’abord un surcot exceptionnellement riche, porté à même la chemise par un jeune homme qui s’en sert de « robe » de chambre :
À présent un manteau d’apparat qui vient d’être acheté :
Voici enfin la belle Liënor en train de s’habiller pour rendre visite à la cour de l’empereur, et telle qu’elle sera au bord de la cuve où est plongé le sénéchal félon (voir Mettre sa main au feu, p. 324) :