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Je me pince le naze entre le pouce et l’index et je réponds O.K. avec l’accent américain. Au lieu d’obéir, je gravis les échelons de fer de la coupole.

La manchette qu’il prend sur sa nuque offerte, ce monsieur ne saura jamais qui la lui a administrée. Il a le corps hors de l’orifice et il tombe comme une masse, au bas de la coupole. À cet instant, une deuxième bouille surgit qui demande en détournant les yeux.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive, Burk ?

Mon bras se noue à son cou. Il ne peut crier. Je l’extrais de son conduit et je le flanque sur le pont. Mais ce type est souple comme un greffier. Il retombe à quatre pattes et lève les yeux. C’est moi qui suis dans la loupiote, maintenant. Je bondis.

La méchante et mémorable empoignade, mes fifilles ! À toi à moi, la paille de fer ! Coups de boule, coups de poing, coups de genou, coups bas ! Coups ! Coups ! Coups ! J’en prends, j’en donne, j’en mets de côté pour l’hiver, j’en distribue aux pauvres de la paroisse, j’en fais sécher, j’en encadre, j’en colle partout ! Une débauche, un délire de gnons. Il est pas gros, le copain, mais palsambleu, ce qu’il frappe fort !

Sa cacahuète fonctionne comme le piston d’une locomotive. Je serre les dents, les poings, le reste. Faut en finir. Il est chiche de m’endormir d’un crocheton plus précis. Alors je romps. Deux pas en arrière, le temps de tirer Popaul de ma poche et de le lui montrer. Pas contrariant, il lève les bras !

— Tourne-moi le dos !

Il obéit. Je l’assaisonne d’un coup de crosse. Fuyez, douce image ! Il s’écroule.

J’ai l’habitude de laisser les lieux aussi propres en partant que je les ai trouvés en arrivant. Un peu de ménage pour commencer. Le gars que j’ai propulsé de la coupelle est outias, ses vertèbres font la colle. Je le vire au jus. Je ne suis pas fâché d’avoir un gars de la bande vivant, faut bien qu’on cause ! Je traîne mon type assommé vers l’endroit où je me suis hissé à bord et, grâce à ma corde, je le ligote, les bras en croix, au bastingage.

Je continue d’observer l’orifice de la coupole pour le cas où un nouveau gibier se montrerait. Mais on enregistre une accalmie. Alors j’administre une paire de claques à mon boxeur d’élite pour l’aider à retrouver ses esprits dispersés. Un filet de bave lui coule des lèvres. Il renifle, gémit et ouvre un z'œil.

— Dis-moi, petit champion, fais-je, j’ai besoin de quelques tuyaux.

Tout en bavardant, je fouille ses poches. J’en retire un couteau, des allumettes, des cigarettes, des dollars. Je presse le taquet d’ouverture du couteau. La lame se détend. Je l’appuie contre le bide du gars, bien décidé à aller jusqu’au bout.

— Combien êtes-vous à bord ?

Il ne répond pas et je pèse un peu plus sur le manche du lingue. Si le cogneur s’obstine, il risque d’avoir droit à un abonnement gratis à Hara-Kiri. Ce serait méchant, mais pas si bête :

— Combien, réponds !

— Sept !

Rapide calcul mental du cher commissaire : trois zigs au jus, un quatrième ligoté ; reste trois pékins à neutraliser, mon adjudant !

— Comment s’appellent ces trois gars ? Leurs petits noms me suffisent.

Nouvel à-coup sur le couteau. Je crois pas me gourer mais il a dû pénétrer dans le ventre du copain d’un bon centimètre.

— Roy ! gémit ma victime.

— Et puis ?

— Floyd et Charly.

— O.K.

Je retourne à la coupole. Je me penche par l’orifice. Tout en bas il y a la chambre du périscope éclairée. Personne en vue.

— Hello, Charly ! je crie en nasillant. Arrive sur le pont tout de suite !

Ayant dit, je me retire du trou d’homme. Un bruit sonore, métallique : c’est le dénommé Charly qui radine. Avant qu’il sorte sa hure, il dérouille un coup de crosse sur le sommet du crâne qui doit lui faire descendre ses amygdales dans la vessie. Il lâche tout et retombe en bas, comme une pierre dans un puits. Ça fait un badaboum mémorable. Un type ne tarde pas à arriver, qui se penche sur lui.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande la voix d’un type qui escortait Antigone.

— C’est Charly qui vient de se ramasser une gamelle. J’ai jamais vu un connard plus empoté ! Il a l’air salement estourbi.

Pendant cette conversation, le San-Antonio radieux se dit : « plus que deux » ! J’éprouve la tentation de flinguer le sixième en bas, mais le septième serait alerté, et comme il a Antigone avec lui !

— Qu’est-ce que je lui fais, Roy ? questionne le gars. À cet instant, il lève la tête, se sentant observé. C’est plus fort que moi : j’arrose. La praline le traverse de haut en bas. Elle s’enfonce dans son cou et ressort par son rectum (ce qui est rare).

— Attends, répond au même moment la voix de Roy, je vais t’apporter du scotch.

Plus de temps à perdre. J’enjambe la coupole et dévale l’escalier de fer à l’intérieur.

J’arrive dans la chambre du périscope comme le dénommé Roy y débouche. Antigone est à ses côtés. Il tient un revolver d’une main et une bouteille de whisky de l’autre. Il a un soubresaut, me regarde, regarde les deux zigs affalés sur le plancher, puis mon revolver, fait une association d’idées et meurt avant d’avoir tiré une conclusion, car moi j’ai tiré un nouveau coup de revolver. Pan ! Dans l’œil !

Drôle de monocle !

Je fais sauter le pétard de Gloria dans ma main.

— Y a même du rabe, annoncé-je. Je vous jure, Antigone, que je suis l’homme qui remplace le beurre plus un corps d’armée au pied levé.

CHAPITRE DERNIER

(Car il ne faut quand même pas exagérer !)

Moi, vous me connaissez…

Je collectionne les tranches ahuries.

La tête de ce digne Okapis, quand il fait retour au sous-marin ! Un poème, comme dirait le poète.

Sa mimique effarée, tourneboulée, vidée, incrédule, pendante, délabrée lorsqu’il me voit au sommet de l’échelle, tenant sa grande fille par la taille !

— Voilà le travail, monsieur Okapis, dis-je.

Le pauvre chou ! Il tient dans un sac, pêle-mêle les joyaux de Brabance et du Ténia, ceux du comté de Godemishire, ceux du royaume de Fromagie, ceux d’ailleurs, aussi. Des gemmes, des diams, des cailloux, des perlouzes, de la joncaille à ne plus en pouvoir, à rendre neurasthéniques les gars de chez Van Cleef. Plus ses chéquiers, en bon petit archi-milliardaire obéissant, toute sa panoplie de grossium. Ses bons du Trésor, ses actions (les bonnes et les mauvaises), ses obligations (quand on est père de famille, c’est pas ce qui manque), son emprunt S.N.C.F., ses titres de rente et les titres de noblesse de ses invités. La corne d’abondance, c’est sa suprême à ce pauvre cornard. Il a fait la grosse razzia. Quand c’est la peau qui est en jeu, on ne plaisante plus et les biens matériels, on les colle à la poubelle. Il a fait du zèle, le cher Grec, pour essayer d’amadouer l’organisation « Z ». Il a dû chouraver jusqu’aux dents en or de ses maîtres d’hôtel pour qu’il y en ait davantage, que ça fasse plus sérieux. On lui aurait laissé une plombe de plus comme délai, qu’il aurait emballé les tableaux.

— Vous, vous ! répète-t-il.

— Oui, oui ! que j’y réponds. Tout est rentré dans l’ordre, monsieur Okapis. Les méchants sont punis et les gentils continueront de s’entre-médailler.

Pendant que ma douce Antigone le met au parfum de mes exploits, je vais récupérer mon prisonnier.

— Maintenant, lui dis-je, tu vas venir avec nous. À terre, on aura le temps de s’expliquer.

Des coups de feu nous parviennent à ce moment précis.

Ma parole, ce serait pas la voix de Béru ? La façon de défourailler à la va-vite, y a que le Gros. Il te vous balance le potage comme un pommadin de village vous vaporise de l’eau de lavande moisie après la barbouze. Et le plus bath, c’est qu’il fait mouche !