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– Qu’est-ce que ce bruit? demanda Charles en fronçant le sourcil, tandis que le lévrier se relevait par un mouvement brusque en redressant les oreilles.

– Rien, dit Catherine; un signal, voilà tout.

– Et que signifie ce signal?

– Il signifie qu’à partir de ce moment, Sire, votre unique, votre véritable ennemi, est hors de vous nuire.

– Vient-on de tuer un homme? demanda Charles en regardant sa mère avec cet œil de maître qui signifie que l’assassinat et la grâce sont deux attributs inhérents à la puissance royale.

– Non, Sire; on vient seulement d’en arrêter deux.

– Oh! murmura Charles, toujours des trames cachées, toujours des complots dont le roi n’est pas. Mort-diable! ma mère, je suis grand garçon cependant, assez grand garçon pour veiller sur moi-même, et n’ai besoin ni de lisière ni de bourrelet. Allez-vous-en en Pologne avec votre fils Henri, si vous voulez régner; mais ici vous avez tort, je vous le dis, de jouer ce jeu-là.

– Mon fils, dit Catherine, c’est la dernière fois que je me mêle de vos affaires. Mais c’était une entreprise commencée depuis longtemps, dans laquelle vous m’avez toujours donné tort, et je tenais à cœur de prouver à Votre Majesté que j’avais raison.

En ce moment plusieurs hommes s’arrêtèrent dans le vestibule, et l’on entendit se poser sur la dalle la crosse des mousquets d’une petite troupe.

Presque aussitôt M. de Nancey fit demander la permission d’entrer chez le roi.

– Qu’il entre, dit vivement Charles.

M. de Nancey entra, salua le roi, et se tournant vers Catherine:

– Madame, dit-il, les ordres de Votre Majesté sont exécutés: il est pris.

– Comment, il? s’écria Catherine fort troublée; n’en avez-vous pris qu’un?

– Il était seul, madame.

– Et s’est-il défendu?

– Non, il soupait tranquillement dans une chambre, et a remis son épée à la première sommation.

– Qui cela? demanda le roi.

– Vous allez voir, dit Catherine. Faites entrer le prisonnier, monsieur de Nancey. Cinq minutes après de Mouy fut introduit.

– De Mouy! s’écria le roi; et qu’y a-t-il donc, monsieur?

– Eh! Sire, dit de Mouy avec une tranquillité parfaite, si Votre Majesté m’en accorde la permission, je lui ferai la même demande.

– Au lieu de faire cette demande au roi, dit Catherine, ayez la bonté, monsieur de Mouy, d’apprendre à mon fils quel est l’homme qui se trouvait dans la chambre du roi de Navarre certaine nuit, et qui, cette nuit-là, en résistant aux ordres de Sa Majesté comme un rebelle qu’il est, a tué deux gardes et blessé M. de Maurevel?

– En effet, dit Charles en fronçant le sourcil; sauriez-vous le nom de cet homme, monsieur de Mouy?

– Oui, Sire; Votre Majesté désire-t-elle le connaître?

– Cela me ferait plaisir, je l’avoue.

– Eh bien, Sire, il s’appelait de Mouy de Saint-Phale.

– C’était vous?

– Moi-même!

Catherine, étonnée de cette audace, recula d’un pas vers le jeune homme.

– Et comment, dit Charles IX, osâtes-vous résister aux ordres du roi?

– D’abord, Sire, j’ignorais qu’il y eût un ordre de Votre Majesté; puis je n’ai vu qu’une chose, ou plutôt qu’un homme, M. de Maurevel, l’assassin de mon père et de M. l’amiral. Je me suis rappelé alors qu’il y avait un an et demi, dans cette même chambre où nous sommes, pendant la soirée du 24 août, Votre Majesté m’avait promis, parlant à moi-même, de nous faire justice du meurtrier; or, comme il s’était depuis ce temps passé de graves événements, j’ai pensé que le roi avait été malgré lui détourné de ses désirs. Et voyant Maurevel à ma portée, j’ai cru que c’était le ciel qui me l’envoyait. Votre Majesté sait le reste, Sire; j’ai frappé sur lui comme sur un assassin et tiré sur ses hommes comme sur des bandits.

Charles ne répondit rien; son amitié pour Henri lui avait fait voir depuis quelque temps bien des choses sous un autre point de vue que celui où il les avait envisagées d’abord, et plus d’une fois avec terreur.

La reine mère, à propos de la Saint-Barthélemy, avait enregistré dans sa mémoire des propos sortis de la bouche de son fils, et qui ressemblaient à des remords.

– Mais, dit Catherine, que veniez-vous faire à une pareille heure chez le roi de Navarre?

– Oh! répondit de Mouy, c’est toute une histoire bien longue à raconter; mais si cependant Sa Majesté a la patience de l’entendre…

– Oui, dit Charles, parlez donc, je le veux.

– J’obéirai, Sire, dit de Mouy en s’inclinant.

Catherine s’assit en fixant sur le jeune chef un regard inquiet.

– Nous écoutons, dit Charles. Ici, Actéon.

Le chien reprit la place qu’il avait avant que le prisonnier n’eût été introduit.

– Sire, dit de Mouy, j’étais venu chez Sa Majesté le roi de Navarre comme député de nos frères, vos fidèles sujets de la religion.

Catherine fit signe à Charles IX.

– Soyez tranquille, ma mère, dit celui-ci, je ne perds pas un mot. Continuez, monsieur de Mouy, continuez; pourquoi étiez-vous venu?

– Pour prévenir le roi de Navarre, continua M. de Mouy, que son abjuration lui avait fait perdre la confiance du parti huguenot; mais que cependant, en souvenir de son père, Antoine de Bourbon, et surtout en mémoire de sa mère, la courageuse Jeanne d’Albret, dont le nom est cher parmi nous, ceux de la religion lui devaient cette marque de déférence de le prier de se désister de ses droits à la couronne de Navarre.

– Que dit-il? s’écria Catherine, ne pouvant, malgré sa puissance sur elle-même, recevoir sans crier un peu le coup inattendu qui la frappait.

– Ah! ah! fit Charles; mais cette couronne de Navarre, qu’on fait ainsi sans ma permission voltiger sur toutes les têtes, il me semble cependant qu’elle m’appartient un peu.

– Les huguenots, Sire, reconnaissent mieux que personne ce principe de suzeraineté que le roi vient d’émettre. Aussi espéraient-ils engager Votre Majesté à la fixer sur une tête qui lui est chère.

– À moi! dit Charles, sur une tête qui m’est chère! Mort-diable! de quelle tête voulez-vous donc parler, monsieur? Je ne vous comprends pas.

– De la tête de M. le duc d’Alençon.

Catherine devint pâle comme la mort, et dévora de Mouy d’un regard flamboyant.

– Et mon frère d’Alençon le savait?

– Oui, Sire.

– Et il acceptait cette couronne?

– Sauf l’agrément de Votre Majesté, à laquelle il nous renvoyait.

– Oh! oh! dit Charles, en effet, c’est une couronne qui ira à merveille à notre frère d’Alençon. Et moi qui n’y avais pas songé! Merci, de Mouy. Merci! Quand vous aurez des idées semblables, vous serez le bienvenu au Louvre.

– Sire, vous seriez instruit depuis longtemps de tout ce projet sans cette malheureuse affaire de Maurevel qui m’a fait craindre d’être tombé dans la disgrâce de Votre Majesté.

– Oui, mais, fit Catherine, que disait Henri de ce projet?