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C’était le mot d’ordre du Louvre pour la prochaine nuit. En outre, Orthon lui avait verbalement transmis les paroles de Henri qui invitaient de Mouy à venir trouver à dix heures le roi au Louvre. À neuf heures et demie, de Mouy avait revêtu une armure dont il avait plus d’une fois déjà eu l’occasion de reconnaître la solidité; il avait boutonné dessus un pourpoint de soie, avait agrafé son épée, passé dans le ceinturon ses pistolets, recouvert le tout du fameux manteau cerise de La Mole.

Nous avons vu comment, avant de rentrer chez lui, Henri avait jugé à propos de faire une visite à Marguerite, et comment il était arrivé par l’escalier secret juste à temps pour heurter La Mole dans la chambre à coucher de Marguerite, et pour prendre sa place aux yeux du roi dans la salle à manger. C’était précisément au moment même que, grâce au mot d’ordre envoyé par Henri et surtout au fameux manteau cerise, de Mouy traversait le guichet du Louvre.

Le jeune homme monta droit chez le roi de Navarre, imitant de son mieux, comme d’habitude, la démarche de La Mole. Il trouva dans l’antichambre Orthon qui l’attendait.

– Sire de Mouy, lui dit le montagnard, le roi est sorti, mais il m’a ordonné de vous introduire chez lui et de vous dire de l’attendre. S’il tarde par trop, il vous invite, vous le savez, à vous jeter sur son lit.

De Mouy entra sans demander d’autre explication, car ce que venait de lui dire Orthon n’était que la répétition de ce qu’il lui avait déjà dit le matin.

Pour utiliser son temps, de Mouy prit une plume et de l’encre; et s’approchant d’une excellente carte de France pendue à la muraille, il se mit à compter et à régler les étapes qu’il y avait de Paris à Pau.

Mais ce travail fut l’affaire d’un quart d’heure, et ce travail fini, de Mouy ne sut plus à quoi s’occuper.

Il fit deux ou trois tours de chambre, se frotta les yeux, bâilla, s’assit et se leva, se rassit encore. Enfin, profitant de l’invitation de Henri, excusé d’ailleurs par les lois de familiarité qui existaient entre les princes et leurs gentilshommes, il déposa sur la table de nuit ses pistolets et la lampe, s’étendit sur le vaste lit à tentures sombres qui garnissait le fond de la chambre, plaça son épée nue le long de sa cuisse, et, sûr de n’être pas surpris puisqu’un domestique se tenait dans la pièce précédente, il se laissa aller à un sommeil pesant, dont bientôt le bruit fit retentir les vastes échos du baldaquin. De Mouy ronflait en vrai soudard, et sous ce rapport aurait pu lutter avec le roi de Navarre lui-même.

C’est alors que six hommes, l’épée à la main et le poignard à la ceinture, se glissèrent silencieusement dans le corridor qui, par une petite porte, communiquait aux appartements de Catherine et par une grande donnait chez Henri.

Un de ces six hommes marchait le premier. Outre son épée nue et son poignard fort comme un couteau de chasse, il portait encore ses fidèles pistolets accrochés à sa ceinture par des agrafes d’argent. Cet homme, c’était Maurevel.

Arrivé à la porte de Henri, il s’arrêta.

– Vous vous êtes bien assuré que les sentinelles du corridor ont disparu? demanda-t-il à celui qui paraissait commander la petite troupe.

– Plus une seule n’est à son poste, répondit le lieutenant.

– Bien, dit Maurevel. Maintenant il n’y a plus qu’à s’informer d’une chose, c’est si celui que nous cherchons est chez lui.

– Mais, dit le lieutenant en arrêtant la main que Maurevel posait sur le marteau de la porte, mais, capitaine, cet appartement est celui du roi de Navarre.

– Qui vous dit le contraire? répondit Maurevel.

Les sbires se regardèrent tout surpris, et le lieutenant fit un pas en arrière.

– Heu! fit le lieutenant, arrêter quelqu’un à cette heure, au Louvre, et dans l’appartement du roi de Navarre?

– Que répondriez-vous donc, dit Maurevel, si je vous disais que celui que vous allez arrêter est le roi de Navarre lui-même?

– Je vous dirais, capitaine, que la chose est grave, et que, sans un ordre signé de la main de Charles IX…

– Lisez, dit Maurevel.

Et, tirant de son pourpoint l’ordre que lui avait remis Catherine, il le donna au lieutenant.

– C’est bien, répondit celui-ci après avoir lu; je n’ai plus rien à vous dire.

– Et vous êtes prêt?

– Je le suis.

– Et vous? continua Maurevel en s’adressant aux cinq autres sbires. Ceux-ci saluèrent avec respect.

– Écoutez-moi donc, messieurs, dit Maurevel, voilà le plan: deux de vous resteront à cette porte, deux à la porte de la chambre à coucher, et deux entreront avec moi.

– Ensuite? dit le lieutenant.

– Écoutez bien ceci: il nous est ordonné d’empêcher le prisonnier d’appeler, de crier, de résister; toute infraction à cet ordre doit être punie de mort.

– Allons, allons, il a carte blanche, dit le lieutenant à l’homme désigné avec lui pour suivre Maurevel chez le roi.

– Tout à fait, dit Maurevel.

– Pauvre diable de roi de Navarre! dit un des hommes, il était écrit là-haut qu’il ne devait point en réchapper.

– Et ici-bas, dit Maurevel en reprenant des mains du lieutenant l’ordre de Catherine, qu’il rentra dans sa poitrine.

Maurevel introduisit dans la serrure la clef que lui avait remise Catherine, et, laissant deux hommes à la porte extérieure, comme il en était convenu, entra avec les quatre autres dans l’antichambre.

– Ah! ah! dit Maurevel en entendant la bruyante respiration du dormeur, dont le bruit arrivait jusqu’à lui, il paraît que nous trouverons ici ce que nous cherchons.

Aussitôt Orthon, pensant que c’était son maître qui rentrait, alla au-devant de lui, et se trouva en face de cinq hommes armés qui occupaient la première chambre.

À la vue de ce visage sinistre, de ce Maurevel qu’on appelait le Tueur de roi, le fidèle serviteur recula, et se plaçant devant la seconde porte:

– Qui êtes-vous? dit Orthon; que voulez-vous?

– Au nom du roi, répondit Maurevel, où est ton maître?

– Mon maître?

– Oui, le roi de Navarre?

– Le roi de Navarre n’est pas au logis, dit Orthon en défendant plus que jamais la porte; ainsi vous ne pouvez pas entrer.

– Prétexte, mensonge, dit Maurevel. Allons, arrière!

Les Béarnais sont entêtés; celui-ci gronda comme un chien de ses montagnes, et sans se laisser intimider:

– Vous n’entrerez pas, dit-il; le roi est absent.

Et il se cramponna à la porte.

Maurevel fit un geste; les quatre hommes s’emparèrent du récalcitrant, l’arrachant au chambranle auquel il se tenait cramponné, et, comme il ouvrait la bouche pour crier, Maurevel lui appliqua la main sur les lèvres.

Orthon mordit furieusement l’assassin, qui retira sa main avec un cri sourd, et frappa du pommeau de son épée le serviteur sur la tête. Orthon chancela et tomba en criant:

– Alarme! alarme! alarme! Sa voix expira, il était évanoui. Les assassins passèrent sur son corps, puis deux restèrent à cette seconde porte, et les deux autres entrèrent dans la chambre à coucher, conduits par Maurevel. À la lueur de la lampe brûlant sur la table de nuit, ils virent le lit. Les rideaux étaient fermés.