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– Soyez tranquille, ma mie, dit le Béarnais, nous avons trois épées qui veillent dans l’ombre.

– Trois, c’est bien peu, Sire.

– C’est assez quand ces épées s’appellent de Mouy, Saucourt et Barthélemy.

– De Mouy est donc avec vous à Paris?

– Sans doute.

– Il a osé revenir dans la capitale? Il a donc, comme vous, quelque pauvre femme folle de lui?

– Non, mais il a un ennemi dont il a juré la mort. Il n’y a que la haine, ma chère, qui fasse faire autant de sottises que l’amour.

– Merci, Sire.

– Oh! dit Henri, je ne dis pas cela pour les sottises présentes, je dit cela pour les sottises passées et à venir. Mais ne discutons pas là-dessus, nous n’avons pas de temps à perdre.

– Vous partez donc toujours?

– Cette nuit.

– Les affaires pour lesquelles vous étiez revenu à Paris sont donc terminées?

– Je n’y suis revenu que pour vous.

– Gascon!

– Ventre-saint-Gris! ma mie, je dis la vérité; mais écartons ces souvenirs: j’ai encore deux ou trois heures à être heureux, et puis une séparation éternelle.

– Ah! Sire, dit madame de Sauve, il n’y a d’éternel que mon amour.

Henri venait de dire qu’il n’avait pas le temps de discuter, il ne discuta donc point; il crut, ou, le sceptique qu’il était, il fit semblant de croire.

Cependant, comme l’avait dit le roi de Navarre, de Mouy et ses deux compagnons étaient cachés aux environs de la maison.

Il était convenu que Henri sortirait à minuit de la petite maison au lieu d’en sortir à trois heures; qu’on irait comme la veille reconduire madame de Sauve au Louvre, et que de là on irait rue de la Cerisaie, où demeurait Maurevel.

C’était seulement pendant la journée qui venait de s’écouler que de Mouy avait enfin eu notion certaine de la maison qu’habitait son ennemi.

Ils étaient là depuis une heure à peu près, lorsqu’ils virent un homme, suivi à quelques pas de cinq autres, qui s’approchait de la porte de la petite maison, et qui, l’une après l’autre, essayait plusieurs clefs.

À cette vue, de Mouy, caché dans l’enfoncement d’une porte voisine, ne fit qu’un bond de sa cachette à cet homme, et le saisit par le bras.

– Un instant, dit-il, on n’entre pas là.

L’homme fit un bond en arrière, et en bondissant son chapeau tomba.

– De Mouy de Saint-Phale! s’écria-t-il.

– Maurevel! hurla le huguenot en levant son épée. Je te cherchais; tu viens au-devant de moi, merci!

Mais la colère ne lui fit pas oublier Henri; et se retournant vers la fenêtre, il siffla à la manière des pâtres béarnais.

– Cela suffira, dit-il à Saucourt. Maintenant, à moi, assassin! à moi! Et il s’élança vers Maurevel.

Celui-ci avait eu le temps de tirer de sa ceinture un pistolet.

– Ah! cette fois, dit le Tueur de Roi en ajustant le jeune homme, je crois que tu es mort.

Et il lâcha le coup. Mais de Mouy se jeta à droite, et la balle passa sans l’atteindre.

– À mon tour maintenant, s’écria le jeune homme. Et il fournit à Maurevel un si rude coup d’épée que, quoique ce coup atteignît sa ceinture de cuir, la pointe acérée traversa l’obstacle et s’enfonça dans les chairs.

L’assassin poussa un cri sauvage qui accusait une si profonde douleur que les sbires qui l’accompagnaient le crurent frappé à mort et s’enfuirent épouvantés du côté de la rue Saint-Honoré.

Maurevel n’était point brave. Se voyant abandonné par ses gens et ayant devant lui un adversaire comme de Mouy, il essaya à son tour de prendre la fuite, et se sauva par le même chemin qu’ils avaient pris, en criant: «À l’aide!»

De Mouy, Saucourt et Barthélemy, emportés par leur ardeur, les poursuivirent.

Comme ils entraient dans la rue de Grenelle, qu’ils avaient prise pour leur couper le chemin, une fenêtre s’ouvrait et un homme sautait du premier étage sur la terre fraîchement arrosée par la pluie.

C’était Henri.

Le sifflement de De Mouy l’avait averti d’un danger quelconque, et ce coup de pistolet, en lui indiquant que le danger était grave, l’avait attiré au secours de ses amis.

Ardent, vigoureux, il s’élança sur leurs traces l’épée à la main.

Un cri le guida: il venait de la barrière des Sergents. C’était Maurevel, qui, se sentant pressé par de Mouy, appelait une seconde fois à son secours ses hommes emportés par la terreur.

Il fallait se retourner ou être poignardé par derrière.

Maurevel se retourna, rencontra le fer de son ennemi, et presque aussitôt lui porta un coup si habile que son écharpe en fut traversée. Mais de Mouy riposta aussitôt.

L’épée s’enfonça de nouveau dans la chair qu’elle avait déjà entamée, et un double jet de sang s’élança par une double plaie.

– Il en tient! cria Henri, qui arrivait. Sus! sus, de Mouy! De Mouy n’avait pas besoin d’être encouragé. Il chargea de nouveau Maurevel; mais celui-ci ne l’attendit point. Appuyant sa main gauche sur sa blessure, il reprit une course désespérée.

– Tue-le vite! tue-le! cria le roi; voici ses soldats qui s’arrêtent, et le désespoir des lâches ne vaut rien pour les braves.

Maurevel, dont les poumons éclataient, dont la respiration sifflait, dont chaque haleine chassait une sueur sanglante, tomba tout à coup d’épuisement; mais aussitôt il se releva, et, se retournant sur un genou, il présenta la pointe de son épée à de Mouy.

– Amis! amis! cria Maurevel, ils ne sont que deux. Feu, feu sur eux!

En effet, Saucourt et Barthélemy s’étaient égarés à la poursuite de deux sbires qui avaient pris par la rue des Poulies, et le roi et de Mouy se trouvaient seuls en présence de quatre hommes.

– Feu! continuait de hurler Maurevel, tandis qu’un de ses soldats apprêtait effectivement son poitrinal.

– Oui, mais auparavant, dit de Mouy, meurs, traître, meurs, misérable, meurs damné comme un assassin!

Et saisissant d’une main l’épée tranchante de Maurevel, de l’autre il plongea la sienne du haut en bas dans la poitrine de son ennemi, et cela avec tant de force qu’il le cloua contre terre.

– Prends garde! prends garde! cria Henri. De Mouy fit un bond en arrière, laissant son épée dans le corps de Maurevel, car un soldat l’ajustait et allait le tuer à bout portant. En même temps Henri passait son épée au travers du corps du soldat, qui tomba près de Maurevel en jetant un cri. Les deux autres soldats prirent la fuite.

– Viens! de Mouy, viens! cria Henri. Ne perdons pas un instant; si nous étions reconnus, ce serait fait de nous.

– Attendez, Sire; et mon épée, croyez-vous que je veuille la laisser dans le corps de ce misérable?

Et il s’approcha de Maurevel gisant et en apparence sans mouvement; mais au moment où de Mouy mettait la main à la garde de cette épée, qui effectivement était restée dans le corps de Maurevel, celui-ci se releva armé du poitrinal que le soldat avait lâché en tombant, et à bout portant il lâcha le coup au milieu de la poitrine de De Mouy.