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— Un père et sa fille innocents sont en garde à vue à cause de vous, fit remarquer Elinborg.

— Je le sais et j’en suis désolé, répondit Valdimar. J’ai suivi les informations et j’avais l’intention de me livrer. Je ne voulais pas voir deux innocents payer pour mes actes. J’allais me livrer à la police. J’étais en train de m’y préparer, je devais régler quelques petites choses ici et c’est ce à quoi je me suis occupé ces derniers jours. Je suppose que je ne reviendrai jamais au village.

Valdimar reposa la clef à molette.

— Qu’est-ce qui vous a mis sur la piste ? Comment avez-vous découvert que c’était moi ? demanda-t-il.

— Mon compagnon est garagiste, répondit Elinborg.

Valdimar la regarda hébété, comme s’il ne voyait absolument pas le rapport.

— Le père de la jeune fille, l’homme qui est en garde à vue, nous a affirmé avoir senti comme une odeur de pétrole chez Runolfur. La jeune femme a dû se réveiller juste après votre départ et son père a perçu l’odeur de vos vêtements dans l’appartement quand il est entré. Il pensait que Runolfur avait fait brûler quelque chose avec du pétrole. Je me suis dit que c’était une odeur qui m’était familière et j’ai à nouveau posé la question au père de la jeune femme. Il pouvait s’agir d’huile de vidange, c’était une odeur d’atelier de mécanique. J’ai tout de suite pensé à vous : un homme qui passe son temps à travailler dans son garage. Je me suis penchée sur le passé de Runolfur, sur ce village et j’ai vérifié des détails.

— J’ai quitté mon atelier sans même me changer pour aller à Reykjavik, expliqua Valdimar. Addy aurait dû fêter son anniversaire ce dimanche-là. Je me suis dit que c’était le moment idéal pour lui rendre justice. Je crois que personne n’a remarqué mon absence. Je me suis mis en route tôt dans la soirée et j’étais rentré à l’aube. Je ne m’étais pas vraiment préparé, je n’avais rien décidé de précis, je savais à peine ce que j’allais faire. Je suis parti en bleu de travail et j’ai emporté avec moi un de ces vieux rasoirs, un coupe-chou.

— Mes collègues affirment que l’entaille était douce, ils l’ont décrite comme presque féminine.

— J’ai gardé le coup de main pour égorger le bétail, précisa Valdimar.

— Ah bon ?

— Je participais à l’abattage des moutons en automne, à l’époque où on le pratiquait encore au village, précisa-t-il.

— Les gens n’ont pas dû tarder à faire le rapprochement quand ils ont appris la nouvelle de l’assassinat de Runolfur.

— C’est bien possible, mais rien ne m’est revenu aux oreilles. Peut-être se sont-ils simplement dit que, comme ça, les livres de comptes étaient à jour.

— Croyez-vous que son père était au courant du viol qu’il avait commis ?

— Il le savait, j’en suis certain.

— Vous m’avez dit l’autre fois que vous lui aviez rendu visite, alors qu’il avait déjà déménagé à Reykjavik, déclara Elinborg. À cette époque-là, vous ne saviez pas pour le viol ?

— Non, je l’ai croisé là-bas, au centre-ville et il m’a invité chez lui. C’était le plus pur des hasards. Je ne suis pas resté bien longtemps. Nous étions deux campagnards et je ne le connaissais pas très bien mais… il m’était sympathique.

— Il louait un appartement ?

— Il habitait chez l’un de ses amis. Un certain Edvard.

— Edvard ?

— Oui, le gars en question s’appelait Edvard.

— À quand cela remonte-t-il ?

— Il y a cinq ou six ans.

— Pourriez-vous être un peu plus précis ? Combien d’années cela fait-il exactement ?

Valdimar s’accorda un instant de réflexion.

— Il y a six ans : c’était en 1999. J’étais allé là-bas pour m’acheter une voiture d’occasion.

— Runolfur vivait chez cet homme il y a six ans ? interrogea Elinborg, se rappelant sa conversation avec un voisin d’Edvard qui lui avait confié que ce dernier avait, un temps, loué une chambre à quelqu’un.

— Oui, c’est ce qu’il m’a dit.

— C’était au centre-ville ?

— Oui, pas très loin, juste à côté des chantiers navals. Runolfur y travaillait.

— Il travaillait où, dites-vous ?

— Aux chantiers navals.

— Runolfur travaillait là-bas ?

— Oui, il m’a dit qu’il le faisait parallèlement à ses études.

— Et vous avez vu cet Edvard ?

— Non, il m’en a simplement parlé. D’ailleurs, pour s’en moquer. Je m’en souviens parfaitement parce que j’ai été frappé par la méchanceté de ses propos. Il m’a dit que ce n’était qu’un pauvre type. Mais Runolfur était évidemment…

Valdimar n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Elinborg avait sorti son téléphone portable et, au même moment, une voiture de police arriva devant le garage. Deux policiers descendirent du véhicule et elle leva les yeux vers Valdimar.

Il hésita un instant, parcourut l’atelier du regard, passa sa main calleuse sur le siège du tracteur et scruta l’armoire à outils entrouverte.

— Ce sera long ? demanda-t-il.

— Je l’ignore.

— Je ne regrette pas ce que j’ai fait. Je ne le regretterai jamais, déclara Valdimar.

— Venez, nous devons en finir.

34

Edvard passa sept heures dans la salle d’interrogatoire tandis qu’une vaine perquisition avait lieu à son domicile. Elinborg lui posa des questions répétées sur l’époque où Runolfur avait habité chez lui. Il ne tarda pas à reconnaître qu’il avait, pendant une brève période, loué une chambre à son ami, le temps que celui-ci trouve un appartement. Cela remontait à l’époque de la disparition de Lilja. Il confirma également que Runolfur avait travaillé aux chantiers navals, situés à deux pas, mais affirma ne pas savoir si Lilja était venue à son domicile et si elle y avait rencontré son locataire. Il était incapable de dire si Runolfur lui avait fait du mal. Pour sa part, il ne s’était rendu coupable de rien envers cette jeune fille.

— Avez-vous emmené Lilja à Reykjavik ?

— Non.

— L’avez-vous déposée au centre commercial de Kringlan ?

— Non, je n’ai rien fait de tel.

— De quoi avez-vous discuté en chemin ?

— Je ne l’ai pas emmenée à Reykjavik.

— Elle cherchait un cadeau pour son grand-père, vous en a-t-elle parlé ?

Edvard ne lui répondit pas.

— Reprenons depuis le début ! Vous a-t-elle confié qu’elle avait envie de vous rendre une petite visite ?

Edvard secoua la tête.

— Lui avez-vous proposé de la ramener à Akranes ?

— Non.

— Pourquoi proposiez-vous à certaines lycéennes de les déposer en ville ? Qu’aviez-vous en tête ?

— Je ne l’ai jamais fait.

— Nous connaissons une personne qui affirme le contraire.

— C’est un mensonge. On vous a menti.

— C’était à la demande de Runolfur que vous avez proposé à Lilja de l’emmener en ville ?

— Non, je ne lui ai jamais fait ce genre de proposition.

— Est-il arrivé que Runolfur vous parle de Lilja ?

— Non, répondit Edvard, jamais.

— Et vous, lui avez-vous parlé d’elle ?

— Non plus.

— Avez-vous assassiné Lilja à votre domicile ?

— Non, elle n’a jamais mis les pieds chez moi.

— Runolfur avait-il un comportement étrange à cette époque ?