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Le sexologue peut exprimer le final de sa géniale pensée. Il dit que, d’après ses collègues et lui-même, il faut constituer un organisme commun d’investigation, lequel demeurera en liaison permanente avec le service des recherches biochimiques qui tente de découvrir la nature clinique du mal. Voilà pourquoi il a provoqué cette réunion au sommet.

— Messieurs, pérore le savant, unissez-vous, et placezvous sous les ordres d’un de vos plus éminents collègues. Que les orgueils nationaux fassent silence. Il faut élire un homme dont la compétence…

Je le laisse beurrer sa tartine. J’en ai quine de toutes ces parlailles. Les mecs, quels que soient leurs fonctions et le rang qu’ils occupent, sitôt qu’ils sont en groupe faut qu’ils jactent, et jactent encore. Ils blablatent pour décider qu’ils vont agir, un comble !

Béru vient de s’endormir et roupille contre l’épaule d’un gros Allemand aux cheveux blancs coupés ras.

À présent, c’est notre cher patron qui combustionne de la salive.

— Mes chers collllllègues, il déclame, je mesure à quel point l’élection d’un généralissime est délicate. Les directeurs de la police des six pays concernés se trouvant réunis ici, je propose que ce soit eux qui procèdent à la nomination du chef suprême.

Un tonnerre d’applaudissements réveille Béru, le Dodu applaudit de confiance, et à retardement en hurlant :

— Une autre ! Une autre !

C’est son voisin germanique qui le fait taire d’un sévère coup de coude dans la hanche.

— Sir Holestinking ! appelle le Daron. Vous qui dirigez avec tant de brio et d’efficacité la police londonnienne, voulez-vous nous confier votre vote, je vous prie ?

Un grand incendié du premier rang (c’est pas un blond avec des taches de rousseur, mais un roux avec des taches de blondeur) se dresse, impressionnant dans un beau costume noir. Il passe un pouce de dandy dans l’emmanchure de son gilet gris et murmure :

— Well, mon cher collègue, je trouve effectivement que l’idée d’un cerveau unique pour diriger les brigades « innteurnachionoles » chargées d’éclaircir cette affaire est very good, mais il me semble qu’un vote ne s’impose pas.

Il tousse dans le creux de sa main plus marquée de roux que deux grands bœufs dans mon étable.

— Je suis déploré de dire ceci, mais Scotland Yard reste la meilleure police d’Europe, si ce n’est du monde, et il me semble que je puis assurer dans d’excellentes « condichionnes » la chèferie suprême, you see ?

— Eh ben, mon pote, j’espère qu’il a mis des bandes molletières sous son falzar, ricane Alexandre-Benoît, parce que pour les coups de latte dans les pilotis, il craint personne, M’sieur not’ catalogue rosbif !

La protestation trouve preneur. Un méchant murmure monte d’une forte partie de l’assistance. Imperturbable, le Dirlo rétablit le calme et décrète :

— Nous, prenons bonne note de la candidature de Sir Holestinking[2], le signor Estocosi, mon collègue romain voudrait-il nous préciser sa pensée et nous donner son vote ?

— Ma volentieri ! s’empresse un gentilhomme florentin, aux tempes grises et à la chemise bleu pastel.

Il n’est pas grand, mais il porte des talons hauts. Son poil est velouté, son sourcil presque pompidolien. Rien de plus émouvant que sa fine moustache à peine moins large que le fil du rasoir qui l’a dessinée. Ce trait de poils sur une lèvre bien modelée, c’est toute la vieille Ritalie : celle des Dodges V 8 et de Mussolini.

Il n’est pas d’accord, le signor Estocosi. Il en a épais comme le palais Saint-Ange contre Scotland Yard, et lui garde un chien de sa cheyenne. Persifleur, avec ça !

Le thème qu’il développe est le suivant :

— L’épidémie d’impuissance a commencé en Angleterre. Cela fait un an. Le Yard est-il parvenu à découvrir l’origine du mal ? Non !

— Mais, s’écrie, perdant tout flegme, Sir Holestinking, nous l’ignorions. Ce n’est que tout dernièrement que la Faculté…

— Il l’ignorait ! coupe le Florentin. Le chef de la police d’une nation pareille ignorait qu’elle fût affligée d’un tel fléau. Et il voudrait prendre la tête des autres brigades après avoir produit un tel certificat de carence !

Ulcéré, l’Anglais rassis se rassoit. Content de lui, le pimpant Italoche poursuit en accentuant ses effets :

— Il appartient à moi, messieurs, de diriger l’opération (murmures précoces dans l’assistance). La raison ? Je vais vous la donner. Des six pays concernés par l’étrange mal, l’Italie est le seul où l’amour connaisse vraiment son plein épanouissement. J’entends par là que l’Italien, individu prolifique entre tous, offre au phénomène d’impuissance une résistance plus forte que partout ailleurs.

On le hue délibérément. Il apaise avec des gestes vaticano-romano-fascistes :

— Par conséquent, hurle-t-il, c’est sur ce sol d’activistes sexuels que doit s’organiser la résistance ! Chez nous, les phénomènes d’impuissance sont nets, catégoriques et disons-le, exceptionnels, au contraire de la Grande-Bretagne où ils paraissent, vu les élans modérés de ses sujets, difficilement discernables.

Attitudes diverses. Des Anglais annoncent qu’ils vont quitter la salle. L’orateur poursuit, avec une imperturbabilité peu latine :

— Car vous aurez beau dire, messieurs, mais il n’existe pratiquement aucune différence entre un Anglais en état d’érection et un Italien impuissant ! Chez vous, chers confrères britanniques, les faits que nous venons de relater semblent purement épisodiques, alors que chez nous ils sont ca-tas-tro-phiques pour la santé morale du pays. Donc, c’est à nous de nous placer à la pointe du combat !

Les Britiches se lèvent. Sir Holestinking jette d’une voix unie comme son Royaume, mais où percent des abjections voilées :

— N’employez pas le mot combat, Monsieur le Directeur, je doute qu’il ait un sens pour vous !

Ça dégénère fissa, mes mecs. Le Florentin dit que ces allusions blessantes sont bien le reflet de la mentalité anglaise et que son interlocuteur a oublié que l’empire romain s’étendait jadis jusqu’à l’Écosse.

À quoi Sir Holestinking objecte qu’il a des excuses d’avoir oublié l’incident, vu que depuis deux mille ans environ les Romains sont plus réputés pour leurs spaghettis que pour leurs conquêtes.

Vous mordez la bath ambiance ! Ça ne fait pas du tout Club Méditerranée, mes chéries !

Pour apaiser les esprits, un bougre se dresse : le voisin de Béru, Herr Klaus Trofob, le big boss des services policiers allemands. Il a une particularité, le gros teuton : il met des lunettes pour parler. Lorsqu’il se tait, il les mange. S’en enfile une branche complète dans le clapoir au risque de se faire dégobillocher.

— Bessieurs, bessieurs ! il tonne, zes recrettables inzidents brouvent z’il en était pesoin que je dois azurer zette direktion. L’Allemagne (là il claque des talons) fous le zavez dous est la bremière nation du bonde zur le blan gimikk. Or dans zette hisdoire, nous gombrenons dous que la gimie choue un rôle brébontérant. Ch’aurai, étant direkteur, la bossibilité de mobiliser tous les laporatoires nézéssaires. Che les verais dravailler chour et nuit ! Et les gimistes gui ne m’aborderaient bas de résultats bositifs zeraient ibédiatement fusillés ! ! ! !

Il lève le bras.

— Che fote bour moi. Heil mich !

Sa forte déclaration a dissipé l’embryon de bagarre qui se constituait. Tout le monde le regarde. Les uns sont gênés, les autres épouvantés. Certains toussent. Le Vieux agite sa sonnette comme un employé des wagons-lits à la Cook.

— J’enregistre cette troisième candidature, déclare-t-il. Certes les arguments que notre excellent confrère d’Outre-Rhin, le Docteur Klaus Trofob sont de poids. Pourtant avant de passer au vote, je souhaiterais entendre mes homologues belge et suisse. Voyons, Monsieur Van Tozansher[3], qu’avez-vous à dire ?

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2

Quel dommage que vous ne compreniez pas l’anglais !

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3

Quel dommage que vous ne parliez pas le belge !