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– Oui. dès votre départ, je l'ai appelé, il ne m'a parlé d'aucune visite…

– Oui c'est normal, j'ai l'impression que le type a à peine une heure d'avance sur moi. Il consulta sa montre, fébrilement… J'ai perdu un peu de temps. Appelez vite votre témoin. Je me présenterai comme M. Zukor, d'accord? Qu'il ne dise rien à personne d'autre, O.K.? Je vous rappelle dans… dix minutes, au maximum.

Et il raccrocha, aussi sec. Il sortit à l'extérieur et alla se balader vers les jardins qui bordaient le fleuve et d'où l'on apercevait les maisons blanches d'Ayamonte.

Il revint cinq minutes plus tard et recomposa le numéro de la maison.

Même système.

– Anita, j'écoute.

– Hugo… Alors?

– Un type est passé…

– Merde.

– Non… Joachim ne lui a rien dit. Il me l'a affirmé. L'homme s'est présenté comme un journaliste désireux de faire un reportage sur certains bateaux originaux du coin mais Pinto lui a dit ne rien savoir sur la Manta et je pense que c'est la vérité. Il a dit à l'homme qu'il connaissait très mal Travis en fait, qu'il l' avait connu il y a longtemps et qu'il l'avait juste conseillé pour quelques détails techniques lors de la conception initiale.

Hugo soupira, de soulagement.

– Description?

– Grand, brun, yeux bleus. Musclé et sûr de lui.

– Bon et ce Pinto, là, y sait quelque chose ou y'n'sait vraiment rien?

– Il m'a dit ne rien savoir… Qu'il en était tojours au même point que lors de ma visite. Il ne sait pas où est Travis. Il n'a aucune idée du lieu où pourrait se trouver un éventuel bateau nommé la Manta. Qu'il aimerait qu'on lui fiche la paix avec tout ça.

– Vous lui avez dit que je passerais?

– Mais je vous ai dit qu'il ne savait rien et que…

Il la coupa, beaucoup trop sèchement.

– Dites-lui que je vais passer, Anita, j'ai besoin d'infonnations et rien ne nous prouve qu'il dit vraiment la vérité.

– O.K…

– Je peux y être dans trois quarts d'heure…

– Oui… D'accord.

– Bon, je vous rappelle après l'interview de Pinto.

– D'accord Hugo. Pennettez-moi juste une chose…

– Quoi?

– Je peux appeler le commissariat central de Faro dans l'après-midi avant votre retour? Si jamais ils trouvent quelque chose dans une capitainerie vous pourrez vous y rendre directement.

Il réalisa que c'était un excellent moyen de gagner du temps.

– Faites-le. Mais ne restez pas en ligne trop longtemps. Dites que vous appelez d'une cabine dans un autre coin près de Setubal, toujours.

– Bon, bon, d'accord…

– Et dites à votre témoin d'être sur ses gardes, vous savez ce dont ces mecs sont capables.

– Oui, je l'avertirai.

– Bon, à ce soir.

Et il raccrocha en s'efforçant de ne pas écouter sa petite voix qui le priait de rallonger leur conversation, allez, ne serait-ce que de quelques secondes.

Merde, putain, c'était pas le moment…

Il reprit le volant aussitôt et prit la route de la côte, droit vers l'ouest.

*

Vondt s'était arrêté sur la route pour jeter un dernier regard aux bâtisses des entreprises Corlao, par la fenêtre ouverte. Il se confectionnait un joint en réfléchissant. Ce Pinto, là, il lui avait caché quelque chose, il l'avait senti confusément tout au long de l'entrevue. Pas de gros mensonges, non. Mais le type était resté sur ses gardes. Il avait avoué connaître Travis mais ne plus l'avoir vu depuis cette époque, justement, où il lui rendait visite à Vila Real pour lui donner quelques conseils dans la conception du bateau. Ça faisait bien deux ans, maintenant. Et il ne savait pas où était ce bateau, non.

Il avait menti. Oui, c'était ça. Le reste était sans doute vrai, mais le type avait vu Travis depuis. C'était comme un petit signal qui pointait le défaut de la cuirasse. Pendant près de dix ans, ce signal lui avait permis de percer les couvertures et les mensonges des dealers qu'il coinçait. Si la police néerlandaise avait été un peu plus intelligente, elle aurait investi sur ses talents au lieu de le virer comme ça, juste parce qu'une petite salope de Haarlem avait craché le morceau, concernant les petits cadeaux qu'il recevait de ses indics.

Bon… Il fallait faire venir Koesler, pour qu'il surveille ce Pinto pendant qu'il continuerait les recherches. L'après-midi était bien entame, à Faro, il avait un rencart avec un contact du grossiste qui pouvait peut-être lui filer un tuyau.

Ensuite il lui faudrait aller à Sagrès, jusqu à Casa Azul où Eva Kristensen avait jeté l'ancre. Il démarra en direction de Faro et appela Monchique avec la radio.

Koesler ne se fit pas prier pour quitter la maison de Monchique dans laquelle Sorvan tournait en rond comme un tigre dans une cage.

Vondt analysait la situation, point par point, par association d'idées, au rythme fluide de la route. Sorvan avait perdu cinq de ses meilleurs hommes dans l'attaque foirée. Auxquels il fallait ajouter Boris, un des deux types de Castelo Branco. Koesler, deux seulement, Lemme, à Évora et l'autre, avec Boris. La roue avait tourné..

Il fonça d'une traite jusqu'à Faro où il avait rendez-vous avec le contact du grossiste. Le grossiste leur avait déjà refilé le tuyau du Grec et ses plans s'avéraient fiables.

Le contact était australien, un jeune mec qui bossait sur les plages l'été et dealait l'hiver. Ils communiquaient en anglais, sur ce quai retiré du port.

L'homme lui parla d'un bateau qu'il avait vu une ou deux fois, pas loin de Sagrès, en mer, un bateau noir et blanc, qui s'appelait la Manta il s'en souvenait très bien, c'était à la fin de l'automne 1992. Durant le mois de novembre.

– Quais, la première fois que je l'ai vu c’est sur la route, en fait, il était tracté par un genre de 4X4 Toyota, près d'une plage, au nord de Sagrès, vers Odeceixe. La deuxième fois, quinze jours plus tard environ, je l'ai vu au large d'une autre plage, un peu en dessous de Sines, j'lai reconnu à cause de son aspect et de sa couleur, noir et blanc. La première fois j'ai bien pu lire son nom la Manta, et j'm'en suis rappelé.

– Sines? C'est un peu au-dessous de Setubal c'est ça, sur la côte ouest?

– Oui, au nord de Sagrès. Voilà, c'est tout ce que je sais.

Son sourire invitait à passer à la caisse.

Vondt laissa les mille deutsche marks de récompense comme prévu et reprit illico la route pour Sagrès. Nom de dieu, tout s'agençait si nettement. Il mettrait en place un plan cohérent avec la reine mère et n'aurait plus qu'à remonter vers le nord, le long de la façade atlantique du pays, au-delà de la Serra Monchique, jusqu'à Odeceixe, et commencerait à fureter en remontant systématiquement la côte jusqu'à Sines.

Il finirait bien par le repérer ce foutu bateau.

CHAPITRE XXI

Arrivé devant les hangars de l'entreprise Corlao, Hugo contempla un instant la masse bleue de l'Océan avant de s'extirper de la voiture.

À l'accueil il demanda Joahim Pinto, pour M. Zukor.

Une jeune fille charmante lui indiqua le bureau au fond du couloir de droite.

L'homme le reçut d'un œil froid et vaguement soupçonneux et ne se cacha pas pour le détailler de la tête aux pieds. Hugo attendit patiemment que la séance de scanner se termine.

– You're dutch, too? demanda l'homme en s'asseyant dans son fauteuil, sans le prier de s'asseoir.

Un type de quarante ans, joufflu, un peu bedonnant, d'apparence ronde et joviale mais cachant sans doute un tempérament plus affirmé.

L'homme avait parlé anglais sans aucune difficulté et directement, comme s'il avait deviné que Hugo maîtrisait mal la langue locale.

– Non. Allemand, répondit Hugo du tac au tac.D’origine suisse. Je travaille pour une agence de recherche privée…

L'homme le scruta en silence un long moment.

– Privé? Détective?.

L'homme lui indiqua d'un geste de prendre place sur la chaise.

Hugo s'installa et soutint tranquillement le regard profond et noir.

– Oui c'est ça. Détective privé. Je… dois trouver M. Travis au plus vite. Et je voudrais qu'on commence par l'homme qui est passé chez vous, tout à l'heure.

– J'ai déjà tout dit à Mme Van Dyke. Je ne sais rien…

– Oui, mais l'homme qu'est-ce qu'il voulait savoir?

– Il m'a demandé si je connaissais un certain Travis, si j'avais entendu parler d'un bateau nommé la Manta J'lui ai dit que j'connaissais Travis mais que j'savais rien sur le bateau et c'est ce que je vais vous dire à vous aussi.

Ça avait le mérite d'être clair.

– Il vous a dit être journaliste d'une revue nautique?

– Ouais…

– Vous ne l'avez pas cru?

– Non. Je connais bien le milieu de la presse spécialisée et… je n'sais pas… L'instinct. Mme Van Dyke était passée me voir et je savais qu'y avait une embrouille, et puis ce matin j'ai lu la presse, voyez?