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« Tu as compris alors qu’il fallait agir en plein accord avec la bande et tu as envoyé Farous comme messager. C’est lui qui a ouvert les yeux aux complices de Manuel. Il a travaillé le grand Fred, lui faisant entrevoir qu’après la mort de Manuel c’est lui qui prendrait la direction de la bande… Bref il a été le corrupteur. Pour être bien certaine d’avoir l’ampoule, tu as attendu que les pourparlers entre les Allemands et Manuel arrivassent dans une phase décisive et, c’est seulement à la veille du jour où l’ampoule devait être remise que tu as fait tuer le zigoto. Comme ça, tu étais sûr qu’il ne pouvait pas avoir planqué le B Z 22 bien loin, étant donné qu’il devait le remettre le lendemain matin.

« Est-ce que je ne mets pas dans le mille, ma cocotte en sucre ?

— Continue ! ordonne-t-elle sèchement.

— Je continue, t’impatiente pas… La mort de Manuel annule donc les pourparlers avec les Frisés. Ceux-ci enquêtent, apprennent qu’il s’est fait mettre en l’air, et se remuent le panier pour mettre la pogne sur ses complices qu’ils supposent être les ravisseurs du B Z 22. Toi, tu suis l’affaire sur les deux tableaux ; seulement si sur le second, c’est-à-dire côté crapules tu fais la pluie et le beau temps, sur le premier tu ne peux pas intervenir. Tu sais que la bande est prise en filature, que le repère va être découvert et qu’il va y avoir un de ces pastis du tonnerre du Bon Dieu. Tu pourrais prévenir Fred et ses hommes mais tu laisses gauler le mérinos. C’est une occasion unique pour toi de te débarrasser de la bande qui ne te sert plus à rien.

« Maintenant, revenons à bibi : tu apprends par le rapport du nain que j’ai découvert ton système de code. Tu prends peur. Tu te dis : “Qu’est-ce que c’est que ce tordu qui vient mettre son pif dans mon assiette !” Et tu donnes l’ordre de kidnapper Gisèle, non pas pour avoir un moyen de pression contre moi, mais pour m’occuper car tu as la frousse que je cherche à mettre la main sur l’ampoule. Puis, comme tu as peur de moi malgré tout, tu charges Farous d’aller perquisitionner…

« Je suppose que, connaissant l’expédition de la Gestapo contre le repaire du Vésinet, tu lui avais dit de ne plus y porter ses pieds et tu lui avais filé un ranque ailleurs.

« Bon, l’expédition a lieu. Elle s’achève par ma capture alors que je faisais trempette dans la douce Seine… Tu t’es déguisée en infirmière, tu m’as veillé et j’ai dû salement délirer… P’t-être même qui tu m’as filé une drogue pour me pousser aux confidences car j’avais une fièvre de cheval le lendemain matin et cette fièvre est partie comme par enchantement après que tu m’as eu donné un cachet. Tu as agi ainsi car tu savais que je devais avoir l’ampoule. Tu le savais, mon ange adoré, parce que, en arrivant au Vésinet, tu avais repéré la bagnole de Farous à proximité de la crèche. Quand tu as eu la preuve que j’étais en conversation avec la bande, lors de votre arrivée, tu as fait travailler ton citron et tu as compris qu’il était arrivé quelque chose à Farous. Tu t’es souvenue que je le connaissais puisque c’est par lui que j’avais été démoli dans le métro. Bref, pendant la fameuse nuit de Noël, tu m’as fait jacter et tu as su que j’avais l’ampoule et où je l’avais planquée, hein Greta ? Le lendemain, tu as pris quelques hommes avec toi et tu as fait officiellement une perquisition au commissariat de l’Étoile. Tu as trouvé ce que tu cherchais, tu l’as pris en douce, et tu as laissé l’emballage… Personne ne s’est douté de rien, pas même le brave brigadier auquel j’avais confié ce précieux dépôt.

« Est-ce que je me goure, mignonne ?

— Tu es un type fantastique ! murmure-t-elle. Comment peux-tu reconstituer tout cela avec une telle vraisemblance ?

— Question de déduction, chérie. Je procède par élimination d’hypothèses. Je ne conserve que celles qui sont vraisemblables et qui permettent un enchaînement minutieux des faits que je contrôle avec les quelques menus indices dont je dispose… Dois-je conclure ?

— Je t’en prie.

— Eh bien, tu as su qu’il y avait eu deux ou trois rescapés après l’opération du Vésinet. Tu savais sans doute où les contacter en cas de coup dur, et tu les as repris en main, de loin toujours, fidèle à ta prudence… Tu n’avais qu’un désir : me liquider au plus tôt car j’aurais pu avouer où j’avais caché l’ampoule ce qui aurait pu provoquer une enquête au commissariat et t’aurait mise en danger. C’est toi, je suppose, qui a conseillé à Karl de me mettre en liberté sous condition afin que je déniche l’ampoule. Il a marché. Tu allais pouvoir me faire descendre. À l’intérieur de la prison c’était impossible. Tu as donné auparavant les ordres qu’il fallait et le nain m’a suivi à ma sortie de tôle. Il a tenté de me buter pendant que je ronflais, mais ça lui a joué un sale tour, comme tu peux le voir…

« Hein, doux trésor, oiseau de mes nuits, qu’est-ce que tu dis de cette belle histoire ?

— Merveilleuse ! soupire cette garce en m’enfonçant un stylet dans la poitrine.

La main passe

Je tousse un bon coup.

Je peux vous assurer que lorsque vous avez une lame de douze centimètres dans la viande, ça vous gêne pour faire les pieds au mur. Son geste a été si prompt que je n’ai pas pu le prévenir. Néanmoins, comme j’ai des réflexes épatants, j’ai pu le parer quelque peu, ce qui fait que le stylet a dévié et, au lieu de me chatouiller l’aorte, a glissé en biais sur une côte.

Je l’arrache de ma poitrine et un flot de sang gicle à deux mètres. Greta recule. Les gonzesses ont toujours peur de tacher leur pelure.

— T’as raison de te tirer de devant, lui dis-je, tu sais, Greta, le sang ne s’en va pas comme ça.

Elle est haletante. On dirait une hyène.

Je fais un tampon avec mon mouchoir pour arrêter l’hémorragie.

— T’es ben une grognasse importée de Bochie, je lui dis. T’as de ces coups fourrés, pardon. C’est à l’école qu’on vous apprend ça ?

— Tais-toi ! ordonne-t-elle durement.

— Ma petite, c’est toi qui va te taire. Non mais qu’est-ce qui m’a foutu une môme pareille ! Ça vient faire une partie de jambes en l’air avec des coupe-choux plein sa culotte !.. Trêve de discours, tu vas me dire où tu as planqué le B Z 22, et puis non ! Auparavant, tu vas me dire ce que c’est que ce B Z-là.

— Comment, s’exclame-t-elle, tu n’en sais rien ?

— Puisque je te le dis… Tu ne crois pas que j’ai envie de jouer aux devinettes, non ?

— Tu as entendu parler de l’énergie atomique ?

— Non.

— C’est un truc que nos savants mettent au point et qui désagrégera la matière.

— Charmant.

— Cette ampoule contient un gaz qui hâte le travail de désagrégation. Ce gaz est d’une extrême rareté. Il n’existe pas plus de quatre ampoules comme ça dans le monde, et c’est l’Allemagne qui les a.

— Moins une…

— Oui, moins une. Les Alliés font les mêmes recherches, mais ils n’ont pas ce gaz et ils donneraient gros pour l’avoir.

— Si je comprends bien, t’es pas tellement patriote ?

Ma remarque la cingle comme un coup de cravache.

— Je te dispense de tes appréciations.

— Entendu. Dis-moi où tu as mis l’ampoule et nous ferons des projets d’amour…