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Elle éclate de rire.

— Tu es tombé sur la tête ! sourit-elle.

— Pas tellement…

Je tire la valise de Bravard de sous le lit. Je débranche le micro et j’écris l’adresse de mon copain sur une feuille de bloc-notes. Ensuite je sonne le garçon.

— Voilà mille balles, lui dis-je. Mais il faut que dans un quart d’heure cette valise soit parvenue à destination.

Il m’assure qu’il va s’en occuper, toutes affaires cessantes. Je le congédie d’un geste et je me verse un verre de porto. Puis j’ouvre ma veste que j’avais fermée pour que le garçon n’aperçoive pas ma blessure. Le sang s’est arrêté de couler.

— Sais-tu le tour que je t’ai joué, douce horreur ? J’avais placé dans cette pièce un microphone et tout ce que nous avons dit a été enregistré. Je te jure que ton ami Karl donnerait une petite fortune pour avoir le disque. Il le préférerait à un disque de Tino Rossi, crois-moi.

Elle n’en mène pas large.

— Maintenant, l’appareil est en route pour regagner sa base. Un de mes amis va tirer deux copies de notre charmante conversation. Il les mettra en lieu sûr.

« Pas mal combiné, n’est-ce pas ?

Elle est tellement suffoquée qu’on peut contempler tranquillement ses amygdales.

— Tu espères quoi ? dit-elle dans un souffle.

— Tout…

— C’est-à-dire ?

Je m’attribue une nouvelle rasade de porto.

— Il me faut trois choses essentielles : l’ampoule, Gisèle et la possibilité de filer en Angleterre…

— C’est trop ! ricane-t-elle. Tu peux, enfin, tu pourrais peut-être avoir le B Z et prendre la fuite… Remarque que c’est improbable. Mais tu ne pourras avoir ta poule puisque Karl ne lui laissera la vie sauve qu’en échange de l’ampoule.

Elle réfléchit.

— J’ai beau remuer la question, je ne vois qu’une solution possible.

— Dis toujours…

— Eh bien je t’offre ta liberté et c’est tout. Rends-moi les disques et je te laisse filer en Angleterre, mieux, je t’en donne le moyen !

Je hausse les épaules.

— Je ne reviendrai pas sur ma décision, cocotte, il me faut les trois choses précitées ou rien. Maintenant je suis jusqu’aux sourcils dans cette histoire et je n’ai pas l’habitude d’ergoter quand je suis engagé dans une aventure de cette envergure.

« Ou je réussirai, ou bien j’y laisserai mon bulletin de naissance. Y a pas de milieu.

— Tu n’as pas une cigarette ? demande-t-elle.

Je sors une roulée de ma poche et la lui allume.

Elle tire quelques bouffées, voluptueusement, et soupire : « merci ».

— Tu es un garçon vraiment gonflé, susurre-t-elle.

— Une vraie montgolfière…

— Seulement le cran ne fait pas tout. Si tu permets, je vais, MOI, reprendre l’exposé de la situation. Tu te crois bien malin à cause de cet appareil d’enregistrement, mais au fond, il n’a d’importance que pour moi.

— Explique-toi !

— Eh bien, pauvre innocent, il peut me mettre la Gestapo à dos, d’accord, mais comme je suis la prudence même, je vais sans plus attendre m’embarquer pour Londres. En somme tu ne fais que brusquer les choses.

Je me glisse un grand verre de porto dans le bec afin de m’éclaircir la voix.

— Dans ces conditions, chérie, j’emploie les grands moyens. Je téléphone à Karl de rappliquer. Je lui explique la vérité et lui fournis le petit enregistrement comme preuve de ce que j’avance. Il se chargera de te faire avouer où tu as planqué l’ampoule, crois-moi. Tu sais les arguments qui sont de mise chez toi ? De cette façon j’obtiendrai la vie sauve, ainsi que Gisèle.

Elle ne répond pas tout de suite, puis elle tousse à cause de la fumée qui lui picote le nez.

— Allons, dit-elle, ne fais pas l’enfant. Tu sais bien que nous n’avons jamais eu l’intention de te laisser la vie sauve, non plus qu’à ta donzelle. Les promesses de Karl…

Je fronce les sourcils. Je me doutais bien qu’on ne pouvait se fier à la parole de ces gens-là… Je suis bien aise d’en avoir la confirmation. De la sorte, je suis face à la situation. Elle n’est pas merveilleuse, mais p’t-être que si je sais m’y prendre tout peut être sauvé.

— Tu as bien fait de me dire ça, fais-je. Puisqu’il le faut, je vais employer la méthode qui s’impose.

Je m’approche de Greta et je lui mets un formidable taquet à la pointe du menton. Elle se répand sur le tapis en émettant un petit gloussement discret.

Il y a un bon moment que j’avais envie de me payer ce petit crochet du droit. Je suis tellement satisfait que je finis le litre de porto.

Je me penche : la môme Greta roupille comme un lion. Je lui ai mis un de ces somnifères dans le portrait qui compte dans la vie d’une souris grise. Oh ma douleur ! Pendant qu’elle navigue du côté du septième ciel, je l’attache solidement après les montants de cuivre du lit. Après quoi, je ramasse sa cigarette qui est tombée et je la finis en attendant qu’elle revienne à elle… et à moi.

La chose ne tarde pas à se produire. Elle ouvre les yeux et me regarde comme une tigresse regarde le boa qui va la morfiller.

— Le temps presse, Greta. Tu vas immédiatement me dire où tu as caché l’ampoule !

Elle ne répond pas.

Je dégrafe ma ceinture de cuir et j’arrache les vêtements de la môme. Je n’aime pas beaucoup jouer au père Fouettard, mais je me dis qu’une séance de martinet ne serait pas volée. La blessure causée par le stylet saigne encore et me rappelle cruellement quel genre de poupée est Greta. Je commence donc à lui administrer quelques coups de ceinture. Elle les supporte très bien. Je comprends rapidement que cette cérémonie n’est pas suffisante pour la pousser dans la voie des aveux. Je la déchausse et brûle quelques allumettes sous la plante de ses pieds histoire de lui faire comprendre que je suis prêt à me montrer méchant. Elle hurle comme une chienne. Je la bâillonne pour éviter que Police-Secours rapplique. Mais je ne suis pas en forme. Il y a des besognes que je ne peux me résoudre à accomplir. J’ai beau me dire que cette fille est ce qu’on a fait de mieux jusqu’ici comme ordure ménagère, qu’elle me crèverait les yeux avec volupté si les rôles étaient inversés et qu’elle m’a déjà causé pas mal d’ennuis, je renonce à poursuivre mes voies de faits sur sa trop charmante personne. Pourtant il doit exister un moyen indolore pour rendre cette souris loquace…

Je me frappe le front. Voyez-vous, espèces de foies blancs, quand on est dans l’embarras, il faut toujours revenir à la bonne vieille psychologie. Il n’y a qu’elle qui puisse sauver les populations laborieuses… Par exemple, prenez mon cas : je suis dans une impasse car j’ai à faire à une femme que je suis incapable de tabasser. Normalement, vous estimez que je n’ai plus qu’à la détacher et à lui acheter un bouquet de violettes pour essayer de rentrer dans ses bonnes grâces. Eh non ! le salut vient précisément de ce qui causait la perte. Je suis dans la mouscaille parce qu’il s’agit d’une gonzesse ; je vais avoir satisfaction parce que c’en est une. Si la force est inemployable, j’ai d’autres moyens… Des moyens qui ne seraient pas efficaces avec un homme.

Je fouille dans le sac de Greta et j’y trouve ce qui doit se trouver dans tous les sacs à main de toutes les femmes civilisées : un nécessaire à ongles. Dans ce nécessaire il y a une paire de ciseaux. J’ai de la peine à passer mes gros doigts dans les minuscules boucles mais j’y parviens tout de même.

— Rassure-toi, dis-je à Greta qui surveille mes faits et gestes avec angoisse, je ne veux pas te crever les yeux. Dis-moi, tu as dû visiter des camps d’internement, dans ton beau pays ?

« Tu as dû remarquer alors que tous les détenus, hommes ou femmes avaient les cheveux tondus ? Je vais te déguiser en détenue…