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— Je vais être honnête avec toi. Pour moi, c’est une excellente nouvelle.

Ziegler ne répondit pas. La Slovaque l’attira à elle. Elle l’embrassa et la prit dans ses bras. Irène eut conscience de l’odeur de sa peau et de ses cheveux, de son parfum léger, de la brise marine tournoyant autour d’elles comme si le dieu des vents voulait les unir. Elle sentit le désir revenir. Jamais elle n’avait éprouvé ça avant de rencontrer Zuzka, jamais avec une telle intensité.

— Hey, girls, this is not Lesbos island ![1]

Une voix d’ivrogne, des rires gras. Elles s’écartèrent, pivotèrent en direction du petit groupe qui venait de surgir de la pénombre. De jeunes Britanniques. Alcoolisés. Le fléau de certaines plages de Méditerranée… Ils étaient trois.

— Look at those fucking dykes ![2]

— Salut les filles, dit le plus petit en anglais, en faisant un pas pour sortir du rang.

Elles ne répondirent pas. Ziegler jeta un coup d’œil rapide autour d’elle. Il n’y avait personne d’autre sur la plage.

— Joli clair de lune, hein, les filles ? Super-romantique et tout et tout. Vous ne vous ennuyez pas un peu toutes seules ? lança-t-il en se tournant vers ses compagnons.

Les deux autres éclatèrent de rire.

— Tire-toi, connard, lâcha froidement Zuzka dans un anglais parfait.

Ziegler sursauta. Elle posa une main sur le bras de sa compagne.

— Z’avez entendu ça, les gars ? Elles sont pas du genre à se laisser faire, on dirait ! Moi c’que j’en dis, c’est pour vous. Tenez, vous voulez boire un p’tit coup ?

Le petit rouquin emprunta une bouteille de bière à son voisin, il la tendit à Irène dans la pénombre.

— Non merci, répondit celle-ci en anglais.

— Comme tu voudras.

Le ton était trop conciliant. La gendarme sentit chaque muscle de son corps se tendre et se durcir. Du coin de l’œil, elle surveillait les deux autres.

— Et toi, sale conne, t’en veux ? demanda le rouquin d’une voix sifflante à sa compagne.

La main d’Irène serra le bras de la Slovaque. Zuzka se tut, cette fois. Elle avait compris le danger.

— T’as perdu ta langue ? Ou tu t’en sers juste pour insulter les gens et pour brouter ?

Une bouffée de musique leur parvint d’une des tavernes. Ziegler songea que, même si elles criaient, on ne les entendrait pas.

— T’es drôlement bien gaulée pour une gouine, dit le rouquin en baissant les yeux sur le corps de la Slovaque.

Ziegler observait les deux autres. Ils ne bougeaient pas. Ils attendaient la suite des événements. Des suiveurs… Ou alors ils étaient déjà trop bourrés pour réagir. Depuis combien d'heures étaient-ils en train de s’imbiber ? La réponse à cette question avait son importance. Elle reporta son attention sur le leader. L’Anglais était un peu trop grassouillet, avec un visage laid, une mèche de cheveux qui lui tombait sur les yeux, des lunettes épaisses et un long nez pointu qui le faisait ressembler à un foutu rat. Il portait un short blanc et un ridicule maillot de Manchester United.

— Tu pourrais peut-être changer de menu, pour une fois. T’as déjà sucé un mec, beauté ?

Zuzka ne bougea pas.

— Hé, je te cause !

De son côté, Irène avait déjà pigé que ça ne s’arrêterait pas là. Pas avec cette tête de nœud. Elle évalua la situation en silence. Les deux autres étaient nettement plus grands et plus costauds, mais ils avaient l’air du genre lourd et lent. Et s’ils buvaient depuis plusieurs heures, leurs réflexes devaient être sérieusement amoindris. Elle se dit que, dans l’immédiat, l’abruti à la mèche était le plus dangereux. Elle se demanda s’il avait quelque chose dans sa poche — couteau ou cutter. Elle regretta d’avoir laissé sa bombe lacrymo à l’hôtel.

— Laisse-la tranquille, dit-elle pour détourner son attention de Zuzka.

L’Anglais pivota vers elle. Elle vit ses petits yeux étinceler de fureur dans le clair de lune. Son regard était cependant voilé par l’alcool. Tant mieux.

— Qu’est-ce que t’as dit ?

— Laisse-nous tranquilles, répéta Ziegler dans un anglais approximatif.

Il fallait qu’elle l’amène plus près d’elle.

— Ta gueule, connasse ! Reste en dehors de ça.

— Fuck you, bastard, répliqua-t-elle.

Le visage de l’Anglais se déforma de manière presque comique et il ouvrit la bouche. Dans d’autres circonstances, sa grimace aurait pu paraître désopilante.

— QU’ESSSE-T’AS-DIT ???

La voix du rouquin sifflait comme un serpent. Elle tremblait de fureur.

— Fuck you, répéta-t-elle, très fort.

Elle vit les deux autres bouger et un signal d’alarme s’alluma dans son esprit. Attention : ils n’étaient peut-être pas aussi ivres qu’ils en avaient l’air ; ils avaient tout de même senti que la situation était en train d’évoluer. Le petit gros bougea aussi ; il fit un pas dans sa direction. Sans le savoir, il venait d’entrer dans sa zone. Fais un geste, pensa-t-elle, si fort qu’elle crut l’avoir dit à voix haute. Fais un geste…

Il leva brusquement une main pour la frapper. Malgré l’alcool et sa surcharge pondérale, il était rapide. Et il comptait sur l’effet de surprise. Cela aurait sans doute fonctionné avec quelqu’un d’autre — mais pas avec elle. Elle esquiva facilement et décocha un coup de pied en direction de la partie la plus vulnérable de tout individu de sexe masculin. Bingo, en plein dans le mille ! Le rouquin poussa un cri et tomba à genoux sur le sable noir. Irène vit l’un des deux autres se ruer vers elle et elle allait s’en occuper quand Zuzka lui vida sa bombe lacrymo dans la figure au passage. Le deuxième Anglais hurla de douleur en portant les mains à son visage et se plia en deux. Le troisième hésitait à s’engager, soupesant la situation. Ziegler en profita pour reporter son attention sur le premier. Il se relevait déjà. Elle n’attendit pas qu’il fût debout, elle attrapa son bras au niveau du poignet et effectua un mouvement rotatif qu’elle avait appris à l’école de gendarmerie, jusqu’à lui tordre le bras dans le dos. Elle ne s’arrêta pas en si bon chemin. Si elle les laissait reprendre leurs esprits, elles étaient foutues. Sans stopper son élan, elle le tordit jusqu’au moment où un os craqua quelque part. Le rouquin poussa un rugissement de bête blessée. Elle le lâcha.

— Elle m’a cassé le bras ! Putain, elle m’a cassé le bras, cette gouine ! pleurnicha-t-il en tenant son membre brisé.

Ziegler sentit un mouvement sur sa droite. Elle tourna la tête juste à temps pour voir un poing venir à sa rencontre. Le choc fit partir sa tête en arrière et, pendant un bref instant, elle eut l'impression qu’on la lui enfonçait sous l’eau. Le troisième larron. Il avait fini par passer à l’action. Elle tomba dans le sable, sonnée, et aussitôt après un coup de pied la heurta dans les côtes. Elle roula sur le côté pour amortir le choc.

Elle s’attendait à recevoir d’autres coups. Mais, à sa grande surprise, ils ne vinrent pas. Elle leva la tête et vit que Zuzka avait sauté sur le dos du troisième et s’y agrippait. D’un coup d’œil rapide, Irène vit que le second commençait à récupérer même s’il clignait encore les yeux et larmoyait. Elle se redressa et se rua à la rescousse de sa compagne en ajustant un coup de pied en direction du plexus de son adversaire. Qui s’effondra, jambes et souffle coupés. Zuzka le repoussa dans le sable pour se dégager et se remettre debout.

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1

Hé, les filles, c’est pas l'île de Lesbos, ici !

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2

Regarde ces putains de gouines !