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— Une punaise ? diagnostiqué-je.

— Pas tout à fait, répond Bérurier en me montrant un bouton de col.

Je pousse une exclamation tellement sourde qu'elle devrait passer un examen auditif.

— C'est le bouton de col de Morpion !

— Tu es sûr !

— Il n'y a plus que lui qui porte des cols de celluloïd. Vois-tu ; Béru, quand je t'ai répondu que j'ignorais ce que je cherchais, je mentais. C'est le pauvre Morpion que je cherche. Je me doutais bien que ces crapules l'avaient amené ici.

— Pour lui faire le coup du père François ?

— Naturellement.

— Alors son cadavre ne doit pas être loin !

Nous nous mettons à chercher avec frénésie. A chaque instant je dois solliciter le silence car le Gros est aussi léger qu'une pelleteuse de travaux publics.

Nous sondons le charbon, nous fouillons dans le tas de choses démantelées qui occupent une partie du sous-sol, nous secouons les tonneaux : en vin (pardon, c'est à cause des tonneaux, je voulais dire : en vain).

— Conclusion : pas de chance, fait ma brave Guenille, ruisselant d'une belle sueur prolétarienne. S'ils ont tué ton Prof ils l'ont enterré depuis dans le jardin ; ou alors…

Et il me désigne la chaudière.

J'opine. J'adore. Il n'y a pas un type qui aime autant opiner que moi.

— On fait quoi maintenant ? s'inquiète Alexandre-Benoît.

Au lieu de répondre, je passe dans un petit appentis sorcier situé à la suite de la cave. C'est une buanderie. Il y a un bassin en pierre, une pompe, des fils d'étendage tout rouillés.

Je regarde dans le bassin. On y a mis de la farine, ou bien… Je touche : c'est de la chaux ! De la chaux de Pise, même : la meilleure !

Armé d'un bâton je la touille et je rencontre un volume compact. Alors, frénétique, j'écarte la chaux au moyen d'une pelle que j'avais prévue dans la construction de mon roman. Je finis par mettre à jour un cadavre déjà rongé jusqu'au trognon par la chaux vive.

— Eh ben, tu vois, murmure l'objectif Béru : tu l'as retrouvé, ton prof !

CHAPITRE XVII

Avec une pièce à conviction pareille, le consul d'Alabanie risque d'avoir des ennuis.

— On appelle des renforts ? demande le gros. Moi, je te préviens que je ne suis pas chargé. Les mains dans les pockets je suis venu.

Il me faut un petit bout de temps pour reprendre mes esprits. Vouloir tenter une action à nous deux serait pure folie et risquerait de tout fiche en l'air. Et puis, parvenu à ce point de l'affaire j'ai le devoir d'en référer au Vieux.

— Filons d'ici ! tranché-je, à la satisfaction évidente de mon camarade d'équipée.

Je remets la chaux par-dessus le cadavre et on se taille par où on est venu. Notre visite n'a réveillé personne. Tout est calme : la lumière s'est éteinte chez la dame blonde.

— Et la chienne ? demande Béru lorsque nous atteignons le portail.

— On la récupèrera plus tard, laissons-la faire un coucher.

Le lendemain, qui tombe justement le surlendemain de la veille, il y a conférence au sommet chez le Tondu. Y participent, par ordre d'importance : lui et moi.

Je lui ai fait une relation succincte des faits dans leur ordre chronologique et dans le sens des aiguilles d'une montre.

Il a tout écouté, tout assimilé, tout envisagé.

— Décidément, conclut-il, nous nous trouvons devant une véritable association de malfaiteurs. Je ne m'explique pas comment un membre du Corps Diplomatique a pu devenir le chef d'une pareille entreprise.

— Les faits sont là, coupé-je. Les meurtres succèdent aux meurtres…

Il me coupe.

— J'ai eu la visite du légiste. La Jeune Yapaksa Danlhavvi est morte de mort naturelle. On n'a pas trouvé le moindre poison. Elle était atteinte d'une lésion cardiaque et le cœur a lâche tout seul.

— C'est assez incroyable, soupiré-je.

— Vous connaissez notre médecin légiste : il ne se prononce jamais à la légère, s'il affirme que cette fille est morte naturellement, nous pouvons le croire.

— Avouez tout de même, Patron, que c'est un hasard bien surprenant. Enfin voilà une fille qui décède quelques heures après qu'on ait tenté de l'assassiner et vous voudriez que je n'aie pas d'arrière-pensées.

— C'est peut-être l'émotion violente causée par cette tentative de meurtre qui l'a tuée ?

— Si cette explication vous parait valable, c'est qu'elle l'est, dis-je avec une innocence tellement fausse qu'un aveugle-sourd-muet la détecterait.

— Revenons à nos moutons, bêle le déplumé. Voyez-vous, San-Antonio, je pense qu'il ne faut rien faire de définitif dans l'immédiat. Vous avez sans doute raison lorsque vous estimez que ces gredins préparent une opération d'envergure. Une action trop rapide pourrait s'avérer négative. Tissons les mailles du filet et…

En plein délire ! Le voilà qui réinvente les mailles, notre Bernard Palissy. Son filet, s'il a trop envie de tisser, risque fort de capturer des courants d'air, et encore à condition qu'ils ne soient pas trop gros.

— Je vais faire surveiller discrètement le consulat et la propriété du consul. Quant à vous, restez à votre poste et ouvrez l'œil. Vous devez emmener Son Excellence à une réception m'avez-vous dit ?

— Il paraîtrait. Une réception officielle, m'a dit le secrétaire.

— Je vais me renseigner à ce propos, tranche le Vioque, il est important de contrôler tous les déplacements du consul. Maintenant, nous devons tout prévoir…

Je lève le doigt, comme un écolier qui demande la permission d'y aller.

— Oui ? fait le Dabe.

— A mon avis, Patron, on obtiendrait de meilleurs résultats en embarquant le secrétaire, son garde du corps, la femme blonde et peut-être aussi le consul. Il est facile de les confondre maintenant que nous avons le cadavre de Morpion à leur brandir sous le nez !

Monsieur Chauve-qui-peut donne un petit coup de poing sur sa table.

— Faisons ce que j'ai décidé. Encore une fois, une enquête dans les milieux diplomatiques, demande plus de… diplomatie qu'une autre.

— Parce que vous prenez des gants avec des diplomates qui zigouillent d'honnêtes professeurs et qui font diluer chez eux son cadavre dans la chaux ?

Il se dresse.

— Excusez-moi, San-Antonio, j'ai un rendez-vous.

J'en prendrais bien un pour ses fesses avec mon 42 fillette, mais je suis sûr que ça ne serait pas apprécié dans la maison.

Dans ces cas-là il est préférable de s'aérer les soufflets et d'aller s'humecter le tout à l'égout.

J'y vais.

La journée s'écoule dans le calme. Je vais gratter : la jambe droite, le cou, la joue gauche, la fesse gauche ; l'oreille droite, le nez, l'anus, la nuque et les paupières de Pinaud. Le cher Lamentable prend son mal en patience. Il est bien soigné et joue les vedettes.

Avec quelques ménagements je lui apprends la mort de son ancienne secrétaire, mais Pinuche sait accueillir les mauvaises nouvelles quand elles ne le concernent pas étroitement.

— Pauvre Yapaksa, fait-il pour toute oraison funèbre, elle était gentille et ne faisait presque pas de fautes de frappe.

— Se plaignait-elle du cœur lorsqu'elle était à ton service ?

Il réfléchit.

— Je ne crois pas. Quoique… Si, attends, je me souviens qu'un soir, en sortant du bureau, elle a vu un accident et elle a failli s'évanouir. J'ai été obligé de la conduire chez un pharmacien où on lui a administré…

— Les derniers sacrements ?

— Non, un vulnéraire. Note bien que beaucoup de femmes tournent de l'œil en voyant les accidents…

Je quitte le cher blessé en lui promettant de revenir très bientôt pour un grattage général.