Выбрать главу

Un glorieux bruit de chasse d’eau ! La porte des zinzins s’ouvre. Béru surgit, détendu, sûr de lui, satisfait, conquérant.

— C’est pas que ça enrichisse, dit-il, mais ça soulage !

Tout en mastiquant, le Bonhomme me demande :

— Au fait tu as des explications sur la manière dont auquel ces sagouins s’y sont pris pour buter le consul ?

— Je les ai.

— Alors passe-moi-z’en la moitié, c’est pour faire un cataplasme à ma curiosité.

— Certains des membres du consulat faisaient partie d’un groupement extrémiste chargé de fomenter des troubles en Europe. Leurs vues : la guerre, le chaos !

— Ah, les tantes ! Alors qu’il fait si bon vivre ! meugle l’Obèse en s’étouffant avec une oreille de sa tête d’âne gris aux haricots rouges.

— Ils ont préparé leur coup savamment, de façon à faire croire à la femme du consul et aux membres réguliers du consulat qu’il s’agissait d’un attentat extérieur. Le tueur qui a essayé de buter la môme Danlhavvi s’était introduit chez Morpion à cause de la situation géographique de son appartement qu’il savait vide…

— Et alors ?

— Il a attaché un ruban à la croisée pour indiquer à Wadonk Hétaurdu qu’il était à son poste…

— Et puis ?

— Il y avait réunion dans le burlingue du consul : Madame, le consul son époux, Wadonk et deux autres membres du personnel…

— Et puis ?

— Le tueur a bousillé le consul devant tous ces témoins. Sur-le-champ, Hétaurdu a pris l’initiative des opérations. Il a persuadé les autres qu’il ne fallait pas prévenir la police avant d’en avoir référé à la capitale alabanienne. L’événement était trop grave. Tous ont marché devant le critique de la situation. Ça a permis à Hétaurdu de prendre tout le monde en main et de s’installer au poste. Il a alors mis ses hommes aux leviers de commande, puis quand il a été maître absolu de la situation, il a séquestré Mme la consule. Il en avait besoin pour la soirée d’hier. Elle devait le patronner, comprends-tu ?

— Pas étonnant, puisque c’était sa patronne ! objecte Béru.

Il me semble distrait, le Gros. Je pensais le captiver… Mais sa tronche de bourricot aux flageolets rouquinos le sollicite probable. À certaines heures de la journée, son cerveau, son cœur et son sexe se filent rancart dans son estomac.

— Ce qui a contrecarré ses plans, poursuis-je pourtant (plus à l’intention du lecteur attentif que de Béru) c’est la mitraillade du consulat, puis la mort de son tueur. Privé d’effectifs, il a dû faire appel à la main-d’œuvre étrangère. D’où cette annonce à laquelle j’ai répondu et qui, somme toute, m’a permis de…

Je plante mon couteau rageusement dans le bois de la table.

— Mais, sapristi, Béru, qu’est-ce que tu regardes au lieu de m’écouter !

— Mande pardon, réagit l’Enflure, mais il y a juste derrière toi une de ces petites rouquines que si tu la verrais tu en aurais le vertige. Je me demande si j’aurais pas une touche. Elle ne cesse pas de me regarder, la friponne.

Je file un coup de périscope sur mes arrières. Il me faut trois dixièmes de seconde pour comprendre, à moi qui pige tout si vite ! Il y a une poupée de ma connaissance à la table voisine. Et cette gosse n’est autre que la nurse du petit consul, vous savez, la ravissante demoiselle qui préfère le gigot à l’ail à la saucisse de Toulouse. J’en avale de traviole ma bouchée de Gomulka.

— Pas possible ! bouche pleine-je dis-je. C’est un drôle de phénomène le hasard, admettez !

Elle me sourit gentiment. À la voir on ne dirait pas que les hommes ne l’intéressent que lorsqu’ils portent ses bagages ou viennent réparer le robinet de sa salle de bains.

— Dans le cas présent, dit-elle, le hasard est un grand bonhomme chauve, avec la Légion d’Honneur et une forêt de téléphones devant lui.

Le signalement me décroche l’aorte, me ramollit le bulbe et me stratifié la moelle épinière.

— Le Vieux, je bégaie.

— C’est lui qui m’a dit que vous déjeuniez ici.

Elle vient s’installer à notre table vu qu’elle n’a pas encore commencé de becqueter.

— Vous le connaissez donc ?

— C’EST MON PERE !

Si vous trouviez le troisième étage de la Tour Eiffel dans votre lit au moment de vous zoner, vous ne feriez pas plus curieuse frimousse que moi en ce moment.

— Votre père !

— Tu vois bien que c’est un homme ! murmure le Gros.

Claire rit. Au fait, s’appelle-t-elle Claire ? Oui : elle confirme. Le dabe l’a mise dans la place comme nurse. Il est gonflé, pas vrai ? Il n’a pas peur de prendre des risques. Ça doit être tout de même pour cela qu’il ne voulait rien risquer.

— Je suis venue vous rejoindre afin de dissiper un malentendu, murmure Claire.

— Quel malentendu ?

— À propos de mes… heu… mœurs… Papa m’avait prévenu que vous étiez un Casanova et il m’avait dit de prendre garde à ma vertu. D’après lui, elle était plus exposée que ma vie dans cette histoire. Je lui ai juré de garder mes distances. Et j’ai trouvé ce subterfuge, vous ne m’en voulez pas.

Je secoue bêtement la tête.

— Pas du tout.

Le Gros, radieux, essuie ses lèvres graisseuses avec l’envers de sa cravate qui en a vu d’autres !

— Vous êtes plus liante que votre papa, affirme-t-il.

Mes yeux s’engloutissent dans ceux de la jeune fille. Une douce chaleur monte en moi, j’espère qu’il en va de même pour elle.

— Qu’est-ce que vous faites, cet après-midi ? je croasse.

— La même chose que vous, coasse-t-elle.

Vous me croirez si vous voulez, mais elle a tenu parole !

FIN