Le temps, ensuite, d’un passage sous l’onde tiède cadumisée, et voilà ma Jehanne d’Arc de braguette repartie pour une nouvelle épopée sur l’avers. Là, ça déglingue, espère ! Tu lâches tout le quadrige, les rênes te servant de fouet. Hue, dia ! Hop ! Cette chevauchée, ma doué ! Les Comanches ? Des petits va-de-la-gueule peinturlurés. Les Cosaques ? Des jouvencelles de manège ! Même le prince Charles, quand il joue au polo, monté sur Di, sa jument poulinière, il ressemble à un postillon de Longjumeau, le grand fané, comparé à Messire Moi-même.
Lorsque j’abandonne ma cavalière après cette fantasia héroïque, elle est crouni complet ! Notre attachée au culturel, tu pourrais pas lui tirer la moindre fable de La Fontaine, le plus fastoche alexandrin d’Hugo « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! » Refermée comme une huître farouche, la voici. Soûlée de paf, de sensations fortes. Après une ramonée pareille, elle doit se gaffer de pas paumer ses légumes en marchant. C’était un séisme, quoi ! Typhon sur le clito ! La matrice en portefeuille ! Les cuisses en parenthèses. La toison défrisée. Le pubis déboîté. Le bas-ventre en flammes. Va lui falloir huit jours pour récupérer son sensoriel et la panoplie de ménage qui va avec. Durant ce laps, elle ne pourra guère être baisée que par un tube de vaseline, et encore sans le contenant ! Elle chuchote, en état second, voire tertiaire, que je suis un assassin de frifri, un chatticide, un dévasteur de cramouille ! Que je lui ai mis le sac à sac. Que j’y ai arraché les trompes, disloqué l’obturateur au point qu’elle a maintenant le pot plus grand qu’une porte de grange ! Un soudard vandale à se pisser contre ! Un nergumène du zob ! Mon braque, c’est un pic pneumatique ! Fait pour dépaver les rues ! Entreprendre une gonzesse avec un tel outil, c’est faire d’elle une épave du frigounet. Tu la froisses papier-cul, la pauvrette ! Lui cigognes le soubassement pis qu’une secousse sismique ! Elle conclut en affirmant que c’était fabuleusement bon tout de même et, pour tout dire, royal.
Je nous sers deux scotches. Pas réparateurs le moindre. L’alcool ne répare jamais rien, mais faut bien se donner l’air de héros de cinoche. Toujours, si t’as remarqué, après la louche grand style, ces monsieur-dame éclusent un whisky.
— Henriette de France, lui dis-je en caressant son pied de mon pied, il serait temps que tu t’expliques à propos de mon ami Jérémie.
— Il revient de loin !
— Je m’en doute, Metz-Angkor ?
Elle m’en raconte une vachement raide, je te prie. Du jamais vu ! Faut être négro pour vivre une semoulée pareille !
Gure-toi que, dans la noye, tandis qu’il en concassait, mon pote, deux mecs se sont introduits dans sa turne, masqués. L’ont réveillé en sursaut. L’un d’eux le menaçait d’une pétoire énorme. Il lui tenait le canon braqué dans les narines. « Si tu cries, ta tête explose ! ». Alors, M. Blanc la cadenasse, c’est humain. Le deuxième mec sort d’une sacoche un étrange appareil qui ressemble à une pompe à vélo, en moins long et en beaucoup plus large. Le type lui a déclaré qu’il lui appliquait ça sur le cœur, que c’était un piston à air comprimé terminé par une lancette empoisonnée. Qu’il allait crever instantanément et très proprement. Bon, il pose l’engin contre le thorax de Jérémie. Celui-ci exécute alors un saut de carpe fantastique. Mais, en même temps, le coup part et mon pote retombe, foudroyé. Les deux mecs se sont tirés, certains que leur victime avait trépassé.
En réalité, il s’est produit ceci : l’agresseur a tiré à travers le pyjama. Or, M. Blanc porte sur sa poitrine une amulette qui lui a été remise par le père de Ramadé, sa très chère épouse, lequel, je le rappelle à ceux qui ont de la paille d’emballage en guise de cerveau, est sorcier sur les rives du fleuve Sénégal. L’amulette en question est confectionnée en peau de porc-épic d’une résistance à toute épreuve. La lancette à air comprimé l’a frappée sans la percer, mais l’a enfoncée dans la chair du négus, à cinq centimètres du cœur, à droite en entrant. Le poison (du cul-rare) s’est écoulé à l’intérieur de la poche ainsi formée. C’est la violence de l’impact qui a fait perdre connaissance à mon vaillant. Il est resté plusieurs heures dans une espèce de k.-o. voisin du coma et n’a repris connaissance qu’à l’hôpital d’infortune de Denpasar où, en l’auscultant, un médecin a découvert l’amulette enfouie dans la chair et l’en a retirée proprement. Grâce à Dieu et à son amulette, M. Blanc est sauf ! Henriette lui a fait quitter l’hosto pour le confier à des Français amis qui tiennent un commerce d’exportation d’art local dans l’île.
Admirable fille !
Dis, elle mérite l’hyper-coup de rapière que je lui ai administré, non ?
De savoir mon camarade sain et sauf me plonge dans une euphorie infinie.
La môme me caresse encore les testicules, mais en camarade, comme Prost caresse le capot de sa guinde quand il vient de remporter une course.
— Je vais devoir vaquer à ma mission, s’excuse-t-elle. Je me demande comment je vais pouvoir clamer les louanges de notre pays dans l’état de délabrement où tu m’as mise, voyou chéri !
La pelle ardente du pardon, après l’appel des sens. Elle aime. En revoudrait déjà, mais son devoir avant tout, non ?
— C’est quoi, la France, selon toi, beau commissaire casanovesque ? questionne-t-elle, songeuse.
— Une peuplade de prolétaires endettés, réponds-je, en espérant que le président Mitterrand ne lira pas ce livre.
Elle sourit, merci.
— Que vas-tu faire en mon absence, mon amour dur comme l’acier ?
— T’attendre, sublime forniqueuse au cul enchanteur et à la chatte délectable. Boire un peu pour tromper le temps, en visionnant quelques documentaires consacrés à la vie et à l’œuvre édifiantes du président Suhardo. Je sens que cet homme éminent est en train de me devenir indispensable.
L’ARÈNE MORTE
Sâli-Sang est une petite localité située à une vingtaine de kilbus de Denpasar (si Denpasar on te donnera autre chose). Les maisons y sont humbles, comme presque partout à Bali, les échoppes nombreuses, où l’on vend des babioles d’argent ciselé : bijoux de semi-pacotille que les touristes marchandent d’autant plus âprement qu’ils valent des prix dérisoirement bas. Un temple un peu plus fameux que les autres célèbre la foi bouddhiste. Des autochtones portant le sarong viennent y déposer des offrandes en pyramides précaires dressées sur des plateaux d’osier tressé. Une quantité de nourritures bigarrées : paquets de biscuits et de bonbons, fruits exotiques, poulets rôtis, sacs de riz, fleurs, pièces d’étoffe, artistiquement assemblés et fixés, ornés de rubans aux teintes vives. Les nabus du coin queueleuleutent et disposent leurs pièces montées sur l’entablement des espèces d’autels en plein air, sous les regards atones des statues et des prêtres, pour la plus grande allégresse des mouches à reflets bleus. Ils se prosternent, ravis d’offrir, eux si pauvres, des denrées qu’ils estiment riches à ces divinités roupillantes. Ils surveillent en coin l’offrande du voisin, plus somptueuse ou plus modeste que la leur, car même en pleine crise de foi, les hommes sont vermines que tu peux pas savoir l’à quel point, bordel ! A s’entre-jalouser comme des gorets !
Henriette et moi les regardons manigancer. Des touristes épars flashent à tout-va, quand bien même ils ne sont pas japonais. Voleurs d’images ! Agaçants grappilleurs d’existences. Voyeurs de rien ! Connards ! Connards ! Et je dirai même : connards !
Elle a l’habitude, Mme Mombauc-Surtabe, de cicéroner les personnalités gouvernementales en déplacement à Bali. Un vrai guide bleu des Vosges, la mère. Te récite par cœur le pourquoi du comment des trucs. L’origine des traditions. L’historique, tout bien. En connaît un monstre rayon sur les mœurs, les races, les religions et tout le bazar. Very interesting, je la trouve. D’ailleurs, même si elle était analphabète, avec un cul pareil et un brio amoureux aussi performant, elle ne me laisserait pas indifférent.