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Elle se gara assez loin pour que personne n’entende le bruit du moteur et s’approcha à pied de la maison, qui paraissait déserte et abandonnée. Il y avait cependant des traces de pneus fraîches dans la neige. Elle ouvrit la porte d’entrée le plus doucement possible, et dressa l’oreille. D’abord elle n’entendit rien, puis il lui sembla percevoir un bruit faible venant du sous-sol. Quelqu’un appelait à l’aide.

Toute prudence s’envola. Elle se rua sur la porte de la cave qu’elle ouvrit à la volée.

— Qui est là ?

Elle entendit une voix affolée de femme âgée, et tenta fébrilement de se rappeler où se trouvait l’interrupteur.

— C’est Erica Falck. Et vous, qui êtes-vous ?

— C’est moi. Et mamie, fit une voix de jeune fille paniquée, probablement celle de Molly.

— Restez calmes. Je vais essayer d’allumer la lumière.

Erica poussa un juron avant de finalement trouver l’interrupteur. Soulagée, elle tourna le bouton et pria pour que l’ampoule fonctionne encore. Quand elle s’alluma, Erica plissa les yeux par réflexe jusqu’à ce qu’ils s’habituent à la forte luminosité. Dans la cave, elle vit deux personnes blotties contre le mur, se protégeant les yeux des deux mains.

— Oh mon Dieu ! s’exclama Erica.

Elle dévala le raide escalier, se précipita sur Molly qui s’agrippa à elle en sanglotant. Elle la laissa pleurer un instant contre son épaule avant de doucement se dégager.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? Où sont tes parents ?

— Je ne sais pas, tout est tellement bizarre… réussit à articuler Molly.

Erica regarda les menottes et la lourde chaîne. Elle la reconnaissait, elle l’avait déjà vue lors de sa première visite dans cette cave. C’était celle qui avait maintenu Louise prisonnière, bien des années auparavant. Elle se tourna vers la femme âgée et la regarda d’un air apitoyé. Son visage était sale, et les rides profondes.

— Vous savez où je peux trouver les clés pour vous libérer ?

— Celles de mes menottes sont là, dit Helga en montrant un banc en face, le long du mur. Détachez-moi, et nous chercherons l’autre clé ensemble. Je ne sais pas où elle est passée, en tout cas ce n’est pas la même.

Erica fut impressionnée par le calme de la vieille femme. Elle se releva pour aller chercher la clé, puis revint s’agenouiller à côté de Helga. Derrière elle, Molly était secouée de sanglots et murmurait des paroles incompréhensibles.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? Où sont Jonas et Marta ? Ce sont eux qui vous ont enchaînées ici ? Bon sang, comment peut-on faire ça à son propre enfant ?

Elle bafouillait nerveusement en essayant d’ouvrir les menottes, avant de s’arrêter net. Elle parlait du père et de la mère de Molly. Qui qu’ils soient et quoi qu’ils aient fait, ils demeuraient ses parents.

— Ne vous inquiétez pas, la police va les retrouver, dit-elle à mi-voix. Ce que votre fils vous a fait, à vous et à Molly, est monstrueux, mais je vous promets qu’il sera arrêté. J’en sais suffisamment pour que sa femme et lui ne soient jamais remis en liberté.

Le mécanisme des menottes se débloqua et Erica se releva et se brossa les genoux. Puis elle tendit la main pour aider Helga à se mettre debout.

— Essayons de trouver l’autre clé maintenant, dit-elle.

La grand-mère de Molly lui jeta un regard qu’Erica eut du mal à interpréter, et l’inquiétude se mit lentement à tambouriner dans son ventre. Après un étrange silence, Helga inclina la tête sur le côté et dit calmement :

— Jonas est mon fils. Désolée, mais je ne peux pas vous laisser gâcher sa vie.

Avec une rapidité inattendue, elle se pencha et ramassa une pelle par terre. Elle la leva. La dernière chose qu’Erica entendit fut le cri aigu de Molly qui résonnait entre les murs. Puis tout devint noir.

C’était étrange de revenir à la ferme après toutes les heures qu’ils y avaient passées. À la lueur des projecteurs, ils y avaient découvert des choses dont aucun être humain ne devrait être témoin. Tout était calme et silencieux. On avait rattrapé les chevaux, ils étaient pris en charge par les fermiers alentour. Leurs propriétaires n’étant plus là, c’était la meilleure solution.

— Sachant ce qu’on sait maintenant, on aurait dû laisser un policier en faction, dit Gösta alors qu’ils traversaient la cour déserte.

— Ça, c’est sûr, renchérit Mellberg.

Patrik hocha la tête. Avec le recul, il était facile de se montrer avisé, mais Gösta avait raison. Des marques de pneus menaient à la maison d’Einar et Helga, et en partaient. En revanche, il n’y avait rien devant la maison de Marta et Jonas, pas de traces de pas ni de voiture. Ils avaient peut-être cru que leur maison était surveillée par la police. Patrik sentit son malaise grandir. Étant donné la théorie incroyable qui avait commencé à prendre forme, comment savoir ce qui les attendait ?

Martin ouvrit la porte d’entrée et entra dans le vestibule.

Ils pénétrèrent en silence, sans s’annoncer, en regardant attentivement autour d’eux. Une sorte de vide planait sur les pièces, et Patrik se dit que tous ceux qui le pouvaient étaient déjà partis d’ici. Ce serait leur prochaine tâche : localiser quatre personnes portées disparues, certaines de leur plein gré, d’autres pas. Il fallait espérer que tous seraient en vie, mais il en doutait.

— OK, Martin et moi, on monte, dit-il. Vous, vous restez au rez-de-chaussée au cas où, contre toute attente, quelqu’un arriverait.

À chaque pas, Patrik était de plus en plus certain qu’un drame s’était produit, et tout son être semblait redouter ce qu’il allait découvrir à l’étage. Mais ses pieds continuèrent d’avancer.

— Chut, dit-il en tendant un bras pour stopper Martin sur le point de le doubler. On ne sait jamais, autant se tenir prêt.

Il dégaina son pistolet et débloqua le cran de sûreté, et Martin suivit son exemple. Les armes à la main, ils montèrent doucement les quelques marches restantes. Les premières pièces qui donnaient sur le couloir étaient vides, ils poursuivirent jusqu’à la chambre du fond.

— Oh putain, dit Patrik en baissant son arme.

Son cerveau enregistra ce qu’il voyait, mais ne parvint pas à l’assimiler.

— Oh putain ! répéta Martin derrière lui, avant de reculer de quelques pas pour vomir dans le couloir.

— On n’entre pas, dit Patrik.

Il s’était arrêté sur le pas de la porte et observait la scène macabre. Einar était en position assise dans le lit. Ses moignons de jambes étaient posés sur la couverture et ses bras pendaient mollement le long de son corps. Une seringue était posée à côté de son bras, qui avait sûrement contenu de la kétamine. Ses orbites étaient vides et béantes. Cela semblait avoir été fait à la hâte, l’acide avait aussi rongé ses joues et sa poitrine. Du sang avait coulé de ses oreilles, et sa bouche n’était qu’une grimace barbouillée de rouge.

À gauche du lit, la télé était allumée et Patrik réalisa alors ce qui se déroulait sur l’écran. Incapable d’articuler un mot, il pointa un doigt sur l’appareil, puis entendit Martin déglutir derrière lui.

— Putain, mais c’est quoi ce truc ?

— Je crois que nous avons trouvé une partie des DVD qui manquaient sous la grange.