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— Qu’est-ce qui se passe ?

— Marta, c’est Louise ! dit Patrik par-dessus son épaule.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

Patrik ouvrit violemment la portière du conducteur et s’engouffra dans la voiture, et Martin et Gösta suivirent son exemple.

— Erica est allée voir Laila ce matin. Marta, c’est Louise, la petite fille qui était enchaînée dans la cave de ses parents. Celle qu’on croyait morte noyée. Elle est en vie, c’est Marta ! Je n’ai pas d’autres détails, mais si Erica le dit, c’est que c’est vrai. Elle pense que Marta et Molly sont dans la maison d’enfance de Marta, de Louise donc, et elle y est allée. Il faut qu’on fonce !

Il démarra sur les chapeaux de roues et sortit de la cour. Martin ne comprenait rien de ce qui se passait et le dévisagea d’un air ahuri.

— Quelle foutue cinglée ! siffla Patrik entre des dents serrées, en ajoutant aussitôt : Pardon, ma petite chérie.

Il n’avait pas l’intention de traiter sa femme adorée de cinglée, mais la peur le mettait hors de lui.

— Attention ! s’écria Gösta quand la voiture dérapa sur la chaussée.

Patrik s’obligea à ralentir alors qu’il brûlait d’envie d’appuyer sur le champignon. L’inquiétude le labourait comme les griffes d’un animal sauvage.

— On devrait peut-être dire à Bertil où on est allés ? suggéra Martin.

Ah oui, Mellberg. Il venait d’entrer dans la maison pour “assister à l’examen technique” quand ils avaient décidé de partir. Il devait être train de faire tourner en bourrique Torbjörn et son équipe.

— Appelle-le, dit Patrik sans quitter la route des yeux.

Martin s’exécuta, et après quelques phrases brèves, il raccrocha.

— Il dit qu’il va venir nous rejoindre.

— Il a intérêt à se tenir tranquille, celui-là, je vous le dis.

Ils bifurquèrent sur le chemin d’accès, et Patrik serra encore plus fort les dents en voyant leur Volvo break stationnée un peu plus loin. Erica s’était sûrement garée à l’écart pour ne pas être découverte, ce qui ne le rassura pas le moins du monde.

— On avance jusqu’à la maison, dit-il.

Personne ne fit d’objections. Il freina brutalement devant le bâtiment quasi en ruine et entra en courant sans attendre Gösta et Martin. Une fois la porte franchie, il les entendit arriver derrière lui.

— Chut ! fit-il en posant son index sur ses lèvres.

Bien que la porte de la cave soit fermée, une intuition lui dit que c’était l’endroit logique où chercher. C’était là qu’irait Louise, il en était certain. Il ouvrit la porte, qui ne grinça pas, heureusement. Mais au moment où il posait le pied sur la première marche, un couinement se fit entendre, et aussitôt après, des cris stridents en bas :

— Au secours ! Au secours !

Il dévala l’escalier, suivi de près par Martin et Gösta. Une unique ampoule éclairait la pièce et il s’arrêta net devant le spectacle qui s’offrait à lui. Molly était assise, les genoux remontés, elle se balançait de gauche à droite en hurlant, les yeux écarquillés. Par terre, Erica était étendue à plat ventre, visiblement blessée à la tête.

Le cœur battant, Patrik se précipita sur elle et tâta son cou. Un immense soulagement s’empara de lui quand il sentit qu’elle était chaude et qu’elle respirait. Il put constater que le sang venait d’une arcade sourcilière.

Elle ouvrit lentement les yeux et gémit :

— Helga…

Martin et Gösta avaient aidé Molly à se mettre debout, et Patrik se tourna vers elle. Ils essayèrent de la détacher de la chaîne qui la tenait prisonnière, et Patrik réalisa qu’Erica aussi était attachée.

— Où est ta grand-mère ? demanda-t-il.

— Partie. Il n’y a pas très longtemps.

Il plissa le front. Ils auraient dû la croiser sur la route.

— Elle a frappé Erica, ajouta Molly, et sa lèvre inférieure tremblota.

Patrik examina le visage de sa femme. La blessure aurait pu être beaucoup plus grave. Si elle ne lui avait pas laissé le message pour lui dire où elle allait, il n’aurait peut-être jamais eu l’idée de chercher ici. Molly et elle seraient mortes de faim dans cette cave.

Il se leva et prit son téléphone. La couverture réseau était mauvaise mais suffisante. Il donna ses instructions, puis raccrocha et se tourna vers Gösta et Martin qui avaient trouvé la clé des menottes de Molly.

— J’ai eu Mellberg, je lui ai demandé d’ouvrir les yeux et d’arrêter Helga s’il la voit.

— Pourquoi a-t-elle frappé Erica ? demanda Gösta tout en passant maladroitement sa main dans le dos de Molly.

— Pour protéger Jonas, répondit Erica, et elle se redressa avec un gémissement et toucha sa tête. Je saigne, constata-t-elle en regardant ses doigts poisseux.

— Ce n’est pas très profond, dit Patrik sèchement.

Maintenant que sa plus grande inquiétude s’était calmée, il avait envie de lui remonter les bretelles.

— Vous avez trouvé Jonas et Marta ?

Erica se releva en chancelant, puis proféra un juron en sentant la menotte autour de sa cheville.

— Mais, c’est quoi cette co… !

— L’idée était sans doute que tu meures ici.

Des yeux, Patrik chercha une clé. Il avait bien envie de la laisser attachée un petit moment, et d’ailleurs c’était peut-être ce qui allait se passer, car il ne voyait de clé nulle part. Elle serait obligée d’attendre qu’on vienne couper les entraves.

— Non, on ne les a pas trouvés.

Il ne lui raconta pas la découverte macabre faite chez Einar et Helga, après le probable passage de Jonas et Marta. Pas avec Molly qui écoutait. Elle sanglotait, les bras autour de la taille de Gösta et le visage caché contre sa poitrine.

— J’ai le pressentiment qu’on ne les reverra jamais, déclara Erica, mais après un regard à Molly, elle se tut.

Le téléphone de Patrik sonna, c’était Mellberg. Tout en l’écoutant, il fit comprendre aux autres qu’il tenait Helga.

Il écouta encore un peu avant de parvenir, non sans une certaine peine, à interrompre le flot verbal triomphal de Mellberg.

— Il l’a croisée sur la route, apparemment. Il l’emmène au poste.

— Il faut que vous trouviez Jonas et Marta. Ils sont… ce sont des malades, dit Erica à mi-voix pour éviter que Molly ne l’entende.

— Je sais, chuchota Patrik.

Incapable de se retenir plus longtemps, il prit Erica dans ses bras et la serra fort. Bon sang, qu’aurait-il fait s’il l’avait perdue ? Si les enfants l’avaient perdue ? Puis il la tint à bout de bras et dit avec gravité :

— On a déjà émis un avis de recherche. Les aéroports et les frontières sont avertis. Demain, leurs photos seront dans tous les journaux. Ils ne pourront pas s’échapper.

— Tant mieux, dit Erica en passant les bras autour des épaules de Patrik et en croisant ses mains derrière sa nuque. Maintenant, dépêche-toi de me détacher !

Fjällbacka, 1983

En voyant les affiches annonçant l’arrivée du Cirkus Gigantus à Fjällbacka, son cœur avait cogné fort dans sa poitrine. C’était un signe. Elle s’était immédiatement décidée. Le monde du cirque faisait partie d’elle. Elle connaissait son odeur et ses bruits, elle avait l’impression de connaître aussi les artistes et les animaux. Elles avaient joué à ce jeu tant de fois. Elle était la princesse de cirque à laquelle les chevaux obéissaient sous les applaudissements et les acclamations du public.

Elle aurait tant voulu qu’elles le fassent ensemble ! Si seulement tout n’était pas allé de travers. Maintenant, elle était seule, et elle se présenterait seule au cirque.