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— Et vous continuez à éviter le nom.

— Ah oui ? Heu, ce n’est pas délibéré, je vous assure », lui dis-je, nettement décontenancé, désormais. Ce que je viens de dire représente un assez long discours, pour moi. « Pour répondre à votre question, je crois que j’en sais autant sur l’enfance d’ADOLF HITLER que n’importe qui et dans certains domaines, oui, davantage.

— Tiens, tiens.

— Pourquoi ?

— Heu, pardon ?

— Pourquoi voulez-vous savoir, exactement ?

— Hé bien, je vais commencer par lire votre travail, si vous permettez. » Il va vers la porte, signalant la fin de l’entrevue. « Et ensuite, peut-être, vous me ferez la faveur de revenir me rendre visite ?

— Bien sûr. Absolument. D’accord.

— Parfait.

— Je voulais dire. » Je regarde de nouveau sa bibliothèque. « Vous êtes visiblement un peu un expert, vous aussi, alors votre opinion aurait beaucoup de valeur. »

Je reste planté gauchement près de la porte, sans savoir comment prendre congé.

« En fait, finis-je par bredouiller, ma petite amie est juive. »

Pas rose, cette fois-ci : écarlate. Je sens la pleine rougeur se propager sur mon dos et mon torse, envahir ma gorge et submerger tout mon visage, jusqu’à devenir un grand fanal clignotant de malaise et d’embarras. Quel connard ! Pourquoi est-ce que j’ai dit ça ? Mais pourquoi est-ce que j’ai été dire ça ?

Il me surprend en me passant un bras autour du cou et en me tapotant doucement l’épaule. « Merci, Michael, dit-il.

— Elle travaille en biochimie. Cette université. Vous la connaissez, peut-être ?

— Peut-être. Et elle est toujours votre amie ? Après ce que vous avez fait à sa voiture ?

— Oh… Ben… Elle est très indulgente. En fait, ça l’a amusée.

— Ça m’a amusé aussi. Un compliment si chevaleresque, à vrai dire. Alors, vous reviendrez me rendre visite ? Et peut-être, la prochaine fois, vous voudrez voir mon laboratoire, hein ?

— Hem, dis-je, ce serait passionnant. »

Il rejette sa tête en arrière et éclate de rire. « En fait, mon garçon, je crois, et vous en serez surpris, que ce sera vraiment passionnant.

— Bon, très bien. Et merci pour le café. Oh, je ne l’ai pas fini…

— Inutile. Je ne sais pas comment il était avant, mais il est cool, maintenant. »

Faires des menaces

Rapport scolaire n°1

Klara toucha malgré elle le bras d’Alois, pour une pressante intercession.

« Vous serez gentil ? Vous ne vous mettrez pas en colère ?

— Lâche-moi, toi ! Contente-toi de le faire entrer. »

Elle baissa la tête avec abattement et quitta la pièce. En refermant les doubles portes sur Alois, elle le vit prendre sa pipe. Klara se mordit la lèvre avec tristesse : il réservait la pipe aux moments de sévérité paternelle.

Dans le couloir, Anna époussetait un globe de verre sous lequel, ailes figés en un déploiement triomphal, deux chardonnerets lançaient un regard vif. Klara lui adressa un timide signe de tête et gravit l’escalier, le chêne tendu, noir et brillant, craquetant comme une sorcière sous ses pas.

Il était étendu à plat ventre sur le lit, en train de lire, les mains collées sur les oreilles. Malgré le grincement des planches, il ne l’avait pas entendue, aussi l’observa-t-elle un moment avec amour. Il lisait à une vitesse prodigieuse, tournant les pages et parlant tout seul ce faisant, de petits rires, des hoquets et des grognements dégoûtés accompagnant chaque paragraphe. Encore un livre d’histoire, supposa-t-elle. Récemment, à la fête d’anniversaire d’un camarade de classe, il avait impressionné le bibliothécaire de Linz en discutant de l’Empire romain avec un savoir consommé, tandis que les autres enfants dansaient et cabriolaient les uns sur les autres au son d’un piano. « Gibbon se trompe totalement », l’avait-elle entendu déclarer sur un ton de reproche. Ce qui avait fait rire le bibliothécaire, qui lui avait tapoté l’épaule. Il s’était déhanché et avait fulminé sous ce traitement et s’en était amèrement plaint pendant leur retour à pied à la maison. « Pourquoi faut-il qu’ils me traitent comme un enfant ?

— Hé bien, mon chéri, ils te voient comme un enfant. Les gens estiment que les enfants devraient se conduire comme des enfants, et les adultes comme des adultes.

— Quelle bêtise ! La vérité reste la vérité, qu’elle sorte de la bouche d’un petit campagnard de dix ans ou d’un vieux professeur viennois. Quelle différence ça peut-il bien faire, l’âge que j’ai ? »

Il avait parfaitement raison. Après tout, Notre Seigneur, enfant, n’avait-Il pas débattu au Temple avec les prêtres ? Et n’avait-Il pas déclaré : Laissez venir à moi les petits enfants ? Elle ne lui en fit pas part, toutefois. Cela n’aboutirait qu’à encourager des déclarations arrogantes qui fâchaient Alois.

Pour l’heure, sous les yeux de Klara, il cessa subitement de tourner les pages et leva la tête.

« Mutti », dit-il sur un ton tranquille, sans regarder derrière lui.

Elle se mit à rire. « Comment l’as-tu su ? »

Il se retourna pour lui faire face. « Les violettes. Tu viens à moi par les airs, tu sais. » Il lui adressa un clin d’œil et s’assit sur le lit.

« Oh, Dolfi, lui dit-elle sur un ton de reproche en remarquant un accroc à ses culottes de peau et des égratignures sur son genou. Tu t’es battu.

— Ce n’était rien, Mutti. En plus, j’ai gagné. Un garçon plus grand et plus fort, d’ailleurs.

— Hé bien, il faut te débarbouiller. Ton père désirerait te voir. »

Elle prépara pour lui un des vieux costumes d’Alois junior tandis qu’il faisait sa toilette dans la salle de bains. Un petit peu trop grand pour lui, peut-être, mais il avait l’air très chic et sérieux là-dedans. Elle ramassa le livre qu’il lisait et eut la surprise de découvrir L’Île au trésor, un roman pour enfants qui ne parlait que de pirates, de perroquets et de rhum.

Il revint de la salle de bains, une serviette autour de la taille. Il se rembrunit en voyant qu’elle tenait son livre à la main. « Je dois me changer, maintenant », annonça-t-il sans bouger. Elle poussa un soupir et se retira. Un an plus tôt, il l’aurait laissée le baigner ; désormais, il refusait même de s’habiller en sa présence. Sa voix changeait, également, et il devenait chaque jour plus secret et plus réservé ; c’était le problème, avec les garçons, ils s’éloignaient de vous en grandissant. Elle descendit lentement et alla dans la cuisine. Anna s’y trouvait, en train de préparer le thé de la petite Paula. Klara décida de sortir s’occuper du jardin. De façon commode, une platebande devant le bureau d’Alois avait besoin qu’on y arrache les mauvaises herbes.

« Entre, s’il te plaît ! » Alois avait adopté son ton de douanier, d’une politesse glaciale. Klara s’agenouilla sous la fenêtre ouverte, la main autour d’une tige de liseron, et entendit la porte du bureau s’ouvrir et se refermer.

Un long silence suivit. Cette habitude puérile de faire semblant de lire pendant que le pauvre Dolfi restait là, abandonné sur le tapis.

« Tu a des chaussures sales ?

— Non, monsieur.

— Alors, pourquoi les frottes-tu contre ton pantalon ? Tiens-toi sur tes deux jambes, mon garçon ! Tu n’es pas une cigogne, que je sache ?