LEO lève les yeux de son ordinateur, surpris.
LEO
Michael !
MICHAEL
(avec nervosité)
Professeur. Il faut que je vous parle.
LEO
Bien sûr, bien sûr. Entrez, entrez.
COLLÈGE ST-MATTHEW, APPARTEMENT DE LEO – INT. MATIN
MICHAEL rougit, nerveux et essoufflé. Il s’avance au centre de la pièce, mais semble incapable de trouver quoi dire. LEO le fixe avec intensité.
LEO
(suite)
Asseyez-vous. Je vous prépare une tasse de café.
LEO disparaît dans la kitchenette. Plan fixe sur MICHAEL.
Nous entendons, comme auparavant, s’entrechoquer des tasses de café et se remplir une bouilloire, HORS CHAMP.
MICHAEL avance vers les rayonnages et les regarde une fois de plus. Il ne tient pas en place. Il tapote ses dents avec ses ongles, nerveusement. Il parvient à une décision.
MICHAEL
(élevant la voix)
Professeur…
LEO
(sortant de la kitchenette)
Combien de fois faut-il que je le dise à ce garçon ? Je m’appelle Leo.
MICHAEL
Leo, bon, je ne suis pas un savant, vous le savez, mais est-ce qu’il n’est pas vrai que, lorsque Marconi a inventé la TSF, la première chose qu’il a faite a été de diffuser ?
LEO
Que voulez-vous dire ?
MICHAEL
Hé bien, il ne pouvait pas se contenter de recevoir, non ? Je veux dire, il n’y avait aucun signal à recevoir, hein ? Donc, il devait transmettre et recevoir.
LEO hoche lentement la tête.
LEO
C’est logique.
MICHAEL
Cool. Alors, ce que je dis, c’est que la découverte de… comment vous appelez ça… la télégraphie sans fil ?
LEO
La télégraphie sans fil, c’est ça.
MICHAEL
La découverte de la télégraphie sans fil impliquait la capacité de recevoir et d’émettre. Sinon, ça n’aurait eu aucun sens, d’accord ?
LEO
Aucun sens.
MICHAEL
Et vous disiez que votre machine… celle que vous m’avez montrée hier…
(s’interrompt alors qu’une pensée le frappe)
…comment elle s’appelle, à propos ?
LEO
Comment elle s’appelle ? De quoi parlez-vous ?
MICHAEL
Son nom. Quel est son nom ?
LEO
(perplexe)
Son nom ? Elle n’a pas de nom.
MICHAEL
Oh. On devrait peut-être l’appeler…
(réfléchit)
…on devrait l’appeler Tem.
LEO
Tem ?
MICHAEL
Oui, comme pour Temps. Ou… attendez ! Ouais, Tim, ça pourrait vouloir dire… euh, vous avez dit comment, déjà ? Imagerie temporelle… Donc, Tim veut dire Temporal Imaging Machine : machine à imagerie temporelle. Cool ! Tim. Tim. Pas mal.
LEO
Tim. D’accord, on l’appelle Tim.
MICHAEL
Qu’est-ce que je disais ?
LEO
(avec un haussement d’épaules)
Quelque chose qui avait un vague rapport avec Marconi.
MICHAEL
Oui, voilà. Vous m’avez dit que Tim ressemblait à un poste de radio qui pouvait juste capter, sans pouvoir transmettre.
LEO
C’est ce que j’ai dit.
MICHAEL
Bon, ce que je veux dire, alors, un ingénieur un tant soit peu compétent pourrait prendre une radio ordinaire, la trifouiller un peu et la transformer en émetteur, d’accord ?
Une radio ordinaire, oui. Mais qui parle de radio ordinaire ?
La bouilloire commence à SIFFLER furieusement en fond.
MICHAEL
C’est la même chose ! Le même principe.
(une pause)
Vous êtes capable de le faire, non ? Vous savez le faire !
LEO soutient le regard pressant de MICHAEL.
LEO
Je vais prendre le café.
MICHAEL
(parlant plus fort pour se faire entendre)
Vous pouvez ! Vous en êtes capable !
MICHAEL suit LEO dans la kitchenette. LEO verse de l’eau bouillante dans une cafetière. MICHAEL observe dans un état d’excitation maîtrisée.
MICHAEL
(suite)
C’est vrai, non ? C’est vrai.
LEO lève un doigt pour lui imposer silence et, avec calme et délibération, réunit sur un plateau un pot de lait, un petit bol de sucre et une tasse pour son propre chocolat chaud. Il prend le plateau et sort : MICHAEL le suit, sur ses talons, bouillonnant toujours d’excitation.
LEO dépose le plateau, observant du coin de l’œil les allées et venues énergiques de MICHAEL.
Je comprends maintenant pourquoi on vous appelle P’tit Chiot. Vous suivez les gens partout, vous avez le souffle court, vous jappez. Si ça se trouve, vous faites pipi sur le plancher.
MICHAEL
Je veux simplement savoir…
LEO
(lui coupant la parole)
Écoutez. Asseyez-vous et écoutez.
MICHAEL se laisse choir sur une chaise, morose.
LEO
(suite)
Pendant que je verse votre café, vous écoutez. Vous ne savez rien de l’appareil que j’ai construit, ce Tim. Vous ne connaissez rien de la physique sur laquelle il se base, ni de la technologie sur laquelle il se base. J’ai dit pour le décrire qu’il ressemblait à une radio parce que j’ai pensé que c’était quelque chose… un modèle, une analogie… que vous pourriez comprendre.
(il lui tend sa tasse de café)
Mais ça ne veut pas dire que cet appareil, ce Tim, fonctionne vraiment comme un poste de radio. Sur beaucoup de points, l’analogie ne s’applique plus.
MICHAEL
(avec une expression de défi)
Mais vous pouvez, non ? Vous pouvez !
LEO prend sa tasse de chocolat et se cale dans son siège. Il ferme les yeux.
LEO
Oui. En théorie, c’est possible.
MICHAEL
(triomphalement)
Je le savais ! Qu’est-ce que je disais ? Nous pouvons y arriver ! Remonter le temps.
LEO
Pas remonter le temps. Je peux, comme vous dites, transmettre. Du moins, je le crois. C’est possible. Dans le principe, c’est possible.
MICHAEL
Alors, nous l’effaçons ! Si nous voulions, nous pourrions liquider Hitler.
LEO
(avec violence)
Non ! Absolument pas !
MICHAEL
Mais…
LEO
Vous croyez que cette pensée ne m’a pas traversé l’esprit ? Vous croyez que la possibilité de débarrasser l’humanité de la malédiction d’Adolf Hitler n’est pas une idée à laquelle je pense à chaque minute de ma vie éveillée ? Mais écoutez-moi, Michael, écoutez-moi. Le jour où on m’a dit pour la première fois ce qui était arrivé à mon père, ce qui s’est passé là-bas, à Auschwitz, ce jour-là, je me suis juré une chose. J’ai juré devant Dieu et l’Univers que jamais, au grand jamais, je ne prendrais part à une guerre, un meurtre, une atteinte contre un autre être humain. Vous me comprenez ?