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Le soleil se trouve à cent cinquante millions de kilomètres de la Terre. Plus ou moins.

Le deuxième prénom de L. P. Hartley était Poles.

Le passé est un pays étranger ; les choses s’y font différemment.

D’accord, donc pas de dégâts au cerveau.

Ivre, par contre. Bien rond. Pas de doute là-dessus. Et étourdi par un coup sur la tête.

Suis le mouvement, mon fils.

Quelqu’un me soutient en me serrant tellement que ça me tire la peau des aisselles.

Hé ! Oh, le drôle de petit bus !

Qu’est-ce que le chauffeur fiche là ?

Je vais peut-être essayer de dormir un peu.

Hum…

« Réveille-toi, Vodka Boy…

— Henry Hall…

— Henry Hall ? Qui c’est, Henry Hall ?

— Y a qu’à simplement le laisser là, dans l’entrée, qu’est-ce que vous en dites ?

— Essaie de te conduire en adulte, Williams.

— Ça va, je vais le porter dans sa chambre…

— Tu es un héros, Steve.

— Non, sérieux : où je suis ?

— Oh là là… Contente-toi de me suivre, vieux. Je suis juste derrière toi. Bonne nuit, les gars.

— Bonne nuit, Steve.

— Vous croyez que ça va ?

— Ça va aller. Je vais y veiller.

— C’est quoi, cet endroit ?

— Retour au bercail, Mikey. Allez, on y va… un pas à la fois.

— Où vont les autres ?

— Les autres sont partis se coucher. Maintenant, tu dois en faire autant. Ensuite, je pourrai faire pareil. Ce qui me déplairait pas. La clef, s’il te plaît…

— Hein ? La clef ?

— Ouais, ouais. La clef.

— Mais quelle clef ?

— Je t’en prie, arrête de faire l’idiot, Mikey. J’ai vraiment besoin de ta clef.

— Ma clef ? Mikey ? Qui c’est, Mikey ? Qui est ma clef ?

— Où est-elle ?

— Clef ? J’ai pas de clef.

— Mais si, bien sûr…

— Pas clef.

— Si, clef. Mikey, on va réveiller quelqu’un, dans une minute.

— Hé ! Qu’est-ce que tu fabriques ?

— Rien de personnel, Mikey. J’ai simplement besoin de trouver…

— Sors tes mains de mes poches, tu veux ? Je te répète que j’ai pas de…

— D’accord. Et c’est quoi, ça ? Ton porte-bonheur ?

— J’ai jamais vu ce truc de ma vie.

— Tu délires sérieusement, tu le sais, ça, Mikey ? Tu vas bien, tu es sûr ? Bon, allez. On entre… Sur le lit où le gentil Marchand de Sable attend de t’emporter. Loin, au pays des rêves où tout le monde est heureux et mange de la tarte aux cerises.

— Elle est à qui, cette chambre ?

— Couche-toi, ne dis rien. Tout va bien. Je ne vais pas te déshabiller.

— Mais qu’est-ce qu’il se passe ?

— Je veux juste m’assurer que tu ne vas pas recommencer à vomir et t’étouffer. Regarde-moi, Mikey. Tu ne vas plus vomir, hein ?

— Qui êtes-vous ?

— Allez, réponds-moi. Est-ce que tu as envie de vomir ?

— Non. J’ai pas envie de vomir…

— D’accord. Très bien. Tu as tes clefs et ton argent là, sur la table…

— Qu’il fait chaud…

— Oh, je voudrais pas avoir ta tête, demain matin.

— Il est bien, ce lit. Confortable.

— Mais oui, il est confortable. Très confortable. J’éteins la lumière, à présent.

— Bonne nuit… Comment je vous appelle ? Quel est votre nom ?

— Ah, dis donc…

— Vous ne seriez pas américain, par hasard ?

— Oh là là… Dors bien, Mikey. Fais de beaux rêves. »

Oh, bon Dieu de crotte. Je croyais que je n’avais jamais la gueule de bois. Y aurait de quoi hurler. Je crois que je vais rester un peu allongé. Laisser ma langue se décoller de mon palais. Tp-tp-tp. Tp-tp-tp. Amasser un petit stock de salive. La chanson la plus crade d’Oily-Moily.

Un peu de salive

Fera

L’affaire.

Hem.

De l’eau.

Essaie d’ouvrir les yeux. Simplement de les entrouvrir. Tu peux y arriver.

Oh là là…

C’est comme lorsqu’on était petit et qu’on prenait l’emballage en cellophane d’un caramel Quality Street pour se l’appliquer sur les yeux, en riant et en pourchassant autour de la cuisine une mère couleur safran. « Oheuuu… t’es toute jaune, Maman. »

Ça ne se borne pas à la couleur jaune d’œuf maladive sur tout, il y a un autre problème. La chambre est…

Minute. C’est pas possible. C’est vraiment pas possible. Dresse une liste. Inscris ce que tu sais. De façon schématique, en n’employant qu’un côté du cerveau.

Une chambre qui contient :

Une table, qui contient :

• Un trousseau de clefs

• Un paquet de cigarettes Lucky Strike

• Un billet de train marqué :

– New Jersey Transit

• Un portefeuille

• Un téléphone mobile

• Une bouteille d’Évian qui contient :

– de l’eau d’Évian (je présume)

• Une pendule qui indique :

– 09:12

Un lit qui contient :

• mon corps, qui porte :

– des vêtements inconnus

– une bosse sur la tête

• mon esprit qui se sent :

– malade

– bizarre

– affolé

Des fenêtres qui contiennent :

• des volets (fermés)

Un bureau, qui contient :

• un ordinateur :

– éteint

• des livres

• un téléphone

• des papiers

Une porte (entrouverte), qui donne sur :

• une salle de bains

Des murs où sont accrochés :

• des posters :

– de groupes que je ne connais pas

– d’une équipe de base-ball

– de stars sexy de la pop (H & F)

• un drapeau orange et noir

Une garde-robe qui contient :

• des vêtements (entrevus) qui appartiennent à :

– ??

Une autre porte (close) qui donne sur :

• ??????

Bel inventaire. Que nous apprend-il ? Il nous apprend que nous avons la gueule de bois. Il nous apprend que nous sommes dans un lit inconnu. Il nous apprend qu’il y a du bizarre dans l’air.

Mais nous ne paniquons pas. Nous essayons de détendre notre esprit pour l’ouvrir, comme un constipé qui relâche un sphincter récalcitrant. Heu, gracieuse, la métaphore, Mikey.

Mikey ?

Détends-toi. Habitue-toi à cette lumière.

De l’eau. Là, ça va mieux.

La fleurette d’un souvenir s’épanouit dans le cerveau.

Moi, en train de vomir dans un jardin.

Non, pas un jardin : une place. Une place dans une petite ville.

Un Burger King qui ne ressemblait pas à un Burger King.

Une librairie.

Des voitures qui se comportaient bizarrement. Bizarrement ? Comment ça, bizarrement ? Nous y reviendrons.