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La troisième tactique politique de Gloder, dans ces premiers temps consista dans l’organisation d’un corps interne sous la direction impitoyable d’Ernst Röhm [voir ce nom], qui recourait à des techniques de violence, au combats de rue et à l’intimidation, pour effrayer les adversaires et museler les quolibets et les contre-manifestations de la gauche. Malgré la crainte et le mépris qu’inspiraient auprès des intellectuels de gauche de l’époque ces escadrons incontrôlés composés d’anciens militaires et de travailleurs manuels au chômage, Gloder réussit en privé à désavouer et à minimiser, auprès des gens qui comptaient, les méthodes brutales de son propre parti. Il se lia personnellement d’amitié avec nombre d’écrivains, de savants, d’intellectuels, d’industriels et de juristes à qui le Nazisme semblait un anathème, les convainquant, semble-t-il, que les tactiques de Röhm, le second du parti et l’adjoint personnellement choisi par Gloder, représentaient un expédient temporaire, un prix à payer pour obtenir la défaite du communisme.

En même temps, Gloder voyagea de façon régulière et fréquente, pour visiter la France, la Grande-Bretagne, la Russie et les États-Unis, employant largement ses talents de polyglotte et le charme de ses manières. Bien que le Parti nazi, au cours de cette période (1922-1925), n’ait participé à aucune élection, il avait grandi pour devenir en quatre ans, après les Socio-démocrates [voir ce nom] et les Communistes, le troisième plus grand parti d’Allemagne et une puissance réelle, avec laquelle on devait compter. Les voyages à l’étranger de Gloder dans son célèbre avion Fokker rouge (exploitant sans trop de subtilité l’image universellement respectée du baron von Richthofen avec lequel il revendiqua plus tard une parenté) avaient pour but de démontrer au monde, et aux Allemands eux-mêmes, qu’il était un homme sensé et civilisé, cultivé, un politicien d’une stature crédible sur la scène mondiale. Il expliqua aux politiciens étrangers qui acceptaient de le recevoir (et ils furent nombreux) qu’il ne pouvait pas présenter son parti aux élections tant qu’il ne serait pas à même d’améliorer les termes du Traité de Versailles [voir ces mots]. De cette façon, il prit de flanc les Socio-démocrates, noua des liens avec les puissants d’Europe et d’Amérique et se fit un nom dans l’arène internationale à une époque où la nation allemande vivait presque totalement repliée sur elle-même, toujours traumatisée par la honte d’une défaite militaire et l’humiliation d’une paix imposée. Au cours de ces années de voyage, Gloder apparut à Hollywood dans un film muet, satirisant sa propre réputation d’orateur et de bel esprit (The Public Speaker/L’orateur, Hal Roach, 1924), joua au golf avec le Prince de Galles [voir ce nom], dansa avec Joséphine Baker [voir ce nom], gravit le mont Cervin et forgea maintes amitiés et alliances qui se révèleraient cruciales dans les années à venir.

En 1923, Gloder repoussa les avances d’Erich Ludendorff [voir ce nom] dont le rêve de puissance s’articulait autour du démantèlement de la République de Weimar [voir ce nom] et son remplacement par une junte de type militaire. Une fois déjà, à Berlin durant le putsch avorté de Kapp en 1920, Ludendorff avait voulu s’emparer du pouvoir et Gloder se méfiait du jugement politique de ce général vétéran. Il se méfiait encore plus des formes extrêmes de paranoïa contre la Franc-maçonnerie, les Jésuites et le Judaïsme qui transparaissaient dans les mises en cause réitérées par Ludendorff contre les « puissances supranationales » qui avaient provoqué l’assassinat de l’archiduc Ferdinand [voir ce nom] à Sarajevo, ainsi que la défaite militaire de l’Allemagne en 1918. Le général avait même affirmé que Mozart aussi bien que Schiller avaient été assassinés par « la grande Tcheka de la société secrète supranationale. » Gloder ordonna qu’aucun Nazi n’assiste Ludendorff dans sa nouvelle tentative pour s’emparer des rênes du pouvoir et il est probable qu’il a prévenu les autorités de Weimar en novembre, quand, à la tête d’une armée d’à peine deux cents hommes, Ludendorff entra à cheval au centre de Munich depuis la Bürgerbräukeller, pour être arrêté sur-le-champ et inculpé de trahison.

Cette capacité de Gloder à attendre le bon moment trouva sa meilleure mise à l’épreuve cinq ans plus tard, en 1928, quand il refusa une fois de plus de laisser le NSDAP se présenter aux élections nationales. Il convainquit les échelons supérieurs de son parti qu’ils ne pouvaient espérer remporter une telle élection et que, même s’ils y parvenaient, les conditions économiques n’étaient pas propices. Une certaine prospérité entrait dans la vie allemande et les Socio-démocrates étaient portés par la faveur publique. Mieux valait faire preuve de patience et attendre.

Quelques mois plus tard, le Krach de Wall Street [voir ces mots] et le début de la Grande Dépression [voir ces mots] devaient démontrer la sagacité de ce jugement politique. Hjalmar Schacht, Fritz Thyssen, Gustav Krupp, Friedrich Flick [voir ces noms] et autres magnats de l’industrie allemande jaugèrent vite l’incompétence des Socio-démocrates face à une crise mondiale sans précédent et commencèrent à déverser l’argent dans les coffres du parti nazi de Gloder, désormais convaincus que lui seul détenait la combinaison nécessaire de sens politique complexe et de soutien populaire pour tirer l’Allemagne de la spirale de cette crise économique.

À l’automne 1929, tandis que l’hyperinflation se donnait libre cours et que le chômage prenait des proportions épidémiques, il apparut clairement que…

« Bon Dieu, Mikey, tu vas encore y passer combien de temps ? »