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— Et si vous preniez mes empreintes digitales ? Ça devrait vous satisfaire.

— Nous l’avons déjà fait, répondit Hubbard.

— Et ?

— Vous devez connaître la réponse, répondit Hubbard avec douceur, sinon vous n’auriez pas suggéré cette éventualité, allons.

— Bon, alors quoi ? Vous pensez qu’on m’a fait une greffe de peau ? Vous croyez que je suis un genre de clone ? Quoi ? »

Hubbard ne donna aucune réponse, mais ouvrit un petit calepin et parcourut soigneusement les pages.

« Comment vous vous en êtes tiré, avec le professeur Taylor ? me demanda-t-il.

— Comment ça, comment je m’en suis tiré ? Je ne comprends pas, de quoi parlez-vous ? Comme vous, il m’a posé beaucoup de questions. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter. Il m’a dit que j’allais passer des tests.

— Pourquoi le professeur Taylor est-il ici, à votre avis ?

— Pardon ?

— Un Anglais en Amérique, c’est curieux. À votre avis, qu’est-ce qu’il fait ici ? »

Je réfléchis un instant.

« C’est un transfuge ? suggérai-je. Un dissident européen, quelque chose comme ça ?

— Un transfuge. » Hubbard évalua le mot. « Et vous, alors ? Vous êtes un transfuge européen, aussi ?

— Je ne suis pas européen.

— Vous parlez comme un Européen, Mikey. Vos parents sont européens. »

Je baissai la tête, exaspéré. « Qu’est-ce que vous suggérez ? Que je suis un espion ?

— À vous de nous le dire. »

Je les regardai tous les deux avec stupeur. « Mais vous êtes sérieux ? Franchement, quel espion se donnerait tant de mal pour se déguiser à la perfection en étudiant américain typique, jusqu’aux empreintes digitales, et irait ensuite se balader sur place en employant un sonore accent anglais ?

— Le genre d’espion qui s’ignore, peut-être ? dit Brown.

— Ça veut dire quoi, ça ?

— Ça ne veut rien dire du tout », fit Hubbard avec un léger froncement de sourcils adressé à Brown.

« Bon, écoutez, si vous avez discuté avec Steve et que vous avez parlé au professeur Taylor, au docteur Ballinger et à n’importe qui d’autre, vous devez savoir qu’hier soir je me suis cogné la tête contre un mur, et que je ne suis plus le même depuis. Ça ne va pas plus loin. Un peu d’amnésie, l’élocution qui est devenue bizarre. C’est curieux, mais rien de plus. Bizarre.

— Alors, comment ça se fait, Mikey ? répondit Hubbard. D’où sortent ces noms, Hitler, Auschwitz, Pölzl et Braunau-am-Inn ?

— J’ai dû les entendre quelque part. Dans mon subconscient. Et pour une raison ou une autre, le coup sur la tête les a ramenés à la surface de mon esprit. Je veux dire, qu’ont-ils de tellement important, bordel ? Ça ne représente rien, si ? Ils n’ont aucune signification. Personne d’autre ne semble en avoir entendu parler.

— C’est exact, Mikey. En dehors de cette pièce, je ne crois pas qu’il y ait plus d’une douzaine de personnes dans tous les États-Unis d’Amérique qui aient jamais entendu ces noms dans leur vie. Je ne les avais jamais entendus moi-même jusqu’à ce que vous les prononciez devant Steve à la terrasse de ce petit bar coquet de Witherspoon Street, cet après-midi. Mais vous savez, quand nous avons fait écouter l’enregistrement à quelques amis à nous à Washington, ils ont failli se faire dans le futal. Vous y croyez, vous ? Des futals à cent dollars.

— Mais pourquoi ? » Je passai les doigts dans mes cheveux, perplexe. « Je ne comprends pas pourquoi ces noms devraient avoir la moindre signification. »

Hubbard tendit l’oreille au bruit d’une voiture dans l’allée. « Excusez-moi, Mike. Je reviens tout de suite », dit-il en se mettant debout. Il quitta la pièce avec un signe de tête à l’adresse de Brown, refermant la porte derrière lui, et quelques instants plus tard j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir et le murmure bas de voix dans le couloir.

Seul avec Brown, qui ne semblait pas enclin à la conversation, j’essayai de déterminer ce qui se passait.

Le professeur Taylor. Il devait avoir un rapport avec tout ça. Si l’Europe et les États-Unis se trouvaient en situation de guerre froide, comme tout ce que j’avais appris ce soir paraissait l’indiquer, alors Taylor pourrait bien être un genre de dissident pro-américain. Un peu l’équivalent de Soljenitsyne ou de Gordievski, qui avait réussi à un moment donné son passage aux États-Unis. Peut-être de temps en temps révélait-il des petits trucs à la CIA ou à l’organisation pour laquelle Hubbard et Brown devaient travailler. Et si Taylor avait entendu parler de ce curieux étudiant qui avait subitement pris l’accent anglais ? S’il avait conçu assez de soupçons, après un entretien personnel avec lui, pour recommander à ses maîtres de Washington d’enquêter et de tenir ce Michael Young à l’œil ?

Et pourtant, comment se faisait-il qu’ils s’intéressent au nom de Hitler ? Je me plaquai les mains sur le crâne pour pousser vers le bas, comme pour forcer mon cerveau à fonctionner. Ça n’avait aucun sens.

« Mal de tête ? demanda Brown avec sollicitude.

— Plus ou moins, dis-je en levant les yeux. Le genre qui vient quand on patauge complètement.

— Il vous suffit de raconter tout ce que vous savez. Laissez-nous le soin de patauger… après tout, c’est notre boulot.

— C’est drôle », dis-je, surpris par cette voix amicale. « J’avais plus ou moins dans l’idée que vous étiez le méchant.

— Pardon ?

— Vous savez, la vieille technique d’interrogatoire. Le flic gentil et le flic méchant. Je m’étais mis dans l’idée que vous étiez le méchant. »

Brown sourit avec gêne. « Hé bien, bon sang de bois, fiston, dit-il avec sa voix de Western de dessins animés, j’espérais bien qu’on était sympa tous les deux. »

La porte de la salle à manger s’ouvrit et Hubbard apparut. « Des gens qui veulent vous voir », dit-il en s’écartant de la porte.

Une femme d’âge mûr resta là un moment, clignant des yeux dans la lumière, puis elle s’élança en avant, les bras tendus.

« Mikey ! Oh, Mikey, mon chéri ! »

Je la dévisageai, bouche bée. « Maman ? »

Elle courut vers moi, tous bracelets s’entrechoquant. « Mon chou, nous sommes fous d’inquiétude depuis que nous avons appris. Pourquoi ne nous as-tu pas appelés ? »

Les bras remplis par elle, ses douces joues poudrées contre les miennes, je la laissai achever sa longue étreinte. Elle avait les cheveux teints d’un or brillant, et son parfum était étranger par son ampleur et son arôme fortement fruité, mais c’était bel et bien ma mère. Aucun doute là-dessus. Je regardai par-dessus son épaule pour voir un homme entrer lentement en boitant dans la pièce.

« Bon Dieu, chuchotai-je. Papa, c’est toi ? »

La dernière fois que j’avais vu mon père, j’avais dix ans. Il n’était ni chauve, ni fragile ni voûté, à l’époque. Il était fort, droit, séduisant, tout ce qu’un père mort reste à jamais dans le souvenir d’un enfant.

Il me jeta un bref coup d’œil. « Salut, fiston », dit-il avant de se tourner vers Hubbard en hochant la tête.

« Vous en êtes sûr, monsieur ? demanda Hubbard. Absolument sûr ?

— Vous croyez que je ne connais pas mon propre fils ?

— Bien sûr, que c’est Mike, dit ma mère en me caressant les cheveux. Que s’est-il passé, mon chou ? Ils ont dit que tu avais eu un accident. Pourquoi n’as-tu pas appelé ? »

Leurs accents me paraissaient totalement américains. Je ne voulais pas parler, les effrayer avec ma voix britannique. Je cherchai des mots qui resteraient neutres avec mon accent. Des mots qui ne contiendraient pas trop de r ou de a.