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— Il y a aussi cette banque de Naples, discrète, qui ne paraît pas une grosse affaire et qui reçoit énormément d’argent de la part de groupes financiers mondiaux.

Le sénateur italien écoutait les dernières nouvelles dont disposait Holden.

— Ce serait donc l’argent du terrorisme noir ?

— Très certainement. Il faudrait trouver des clients du V.E.C., les interroger sur leurs voyages à l’étranger.

— Oh, pour les armes, il s’en vole des quantités incroyables en Italie et elles se revendent très bien. Il n’y a pas besoin de les faire venir de l’étranger, sauf pour certains modèles spéciaux, certains explosifs sophistiqués…

Holden parut vexé que l’on mette en doute sa théorie des touristes transformés en petits trafiquants. C’était un schéma déjà utilisé pour le trafic de la drogue. On faisait une ristourne à des touristes revenant du sud-est asiatique s’ils acceptaient de rapporter une toute petite quantité de drogue dans un objet souvenir, une statuette, un plateau truqué, un tapis de prière imbibé adroitement de morphine-base.

— Il y a quand même des policiers dignes de confiance, lui dit le sénateur italien. Si vous m’y autorisez, je peux les prévenir. Ils enquêteront sur les clients de cette société… Je connais un commissaire de la D.I.G.O.S., la police politique, qui n’est pas très indulgent pour le terrorisme, qu’il soit de droite ou de gauche. Vous croyez que certaines sections des Brigades Rouges auraient été manipulées ? Vous savez, nous étions parvenus à la même conclusion après l’affaire Aldo Moro… Mais nous n’avons jamais pu le prouver vraiment.

— Cette fille, Macha Loven, a pris contact avec moi avant de disparaître du côté de Dioni. Dioni comme par hasard. Je suppose qu’elle pensait trouver là-bas des éléments importants pour clôturer son enquête.

— Mais d’où vient l’argent de ces banques américaines, françaises et allemandes qui approvisionnent Cremodina ?

— Il suffit d’un prélèvement d’un millième sur les dépôts des multinationales, pour constituer un fond énorme… Certaines opérations de spéculation financière sur le dollar, le franc, le mark ont pu être utilisées pour alimenter ce trésor. Ce sera ensuite notre tâche, au retour dans notre pays, de démonter le mécanisme. Mais si nous avons des résultats en Italie, ce sera quand même plus facile. Je pourrai réunir une commission, même extraparlementaire. Il y aura des volontaires… Nous trouverons une chaîne de télévision qui accepte ce genre de débats. Ceux auxquels nous demanderons de comparaître sans y être forcés seront obligés de le faire sous la pression de l’opinion publique.

30

Pendant que Peter distribuait aux survivants de Dioni ce que contenait la jeep, Kovask s’était dirigé vers la Fiat immobilisée à côté d’une Volvo ancien modèle. Les moteurs des deux voitures étaient froids. Lorsqu’il revint, deux vieilles femmes paraissaient attendre son retour.

— Vous cherchez la signora Pepini ? Surpris, Kovask fit signe qu’effectivement il s’étonnait de ne pas la voir.

— Elle a voulu aller là-bas.

Elles désignaient la masse sombre et formidable du monastère à travers les quelques flocons rapides qui tombaient du ciel à nouveau bas. Le froid venait avec l’obscurité et les feux s’allumaient sur le terrain d’aviation, laissant planer une fumée âcre qui accroissait cette impression d’avoir atteint le bout de la terre.

— Nous avons essayé de la retenir mais elle y est allée… Les deux jeunes aussi.

— Deux jeunes ?

— Deux Allemands… Ils l’ont suivie et elle n’a pas reparu depuis ce matin. Elle avait découvert la Lancia écrasée là-bas… Celle de la fille d’une amie.

— Depuis ce matin vraiment ?

— Oui.

Kovask rejoignit Peter qui venait de vider la jeep, le mit au courant.

— Elle serait tombée dans un piège ? Et ces deux jeunes qui semblent l’avoir suivie ? Des Allemands ? Tu crois qu’ils la surveillaient ?

— Je ne sais pas, dit Kovask. Nous allons nous rendre là-bas, essayer d’y pénétrer.

— Sous quels prétextes ?

— Nous demanderons s’ils n’ont pas besoin de secours… Si nous pouvons téléphoner…

— D’accord.

Ils roulèrent vers la masse imposante des bâtiments conventuels. La neige tombait un peu plus dru et un vent soufflait depuis la vallée et la faisait tourbillonner.

— Encore une nuit dégueulasse pour les sinistrés, dit Peter. Quant à moi je commence à sentir des engelures aux pieds. On va encore coucher dehors ce soir ?

Ils approchèrent à pied d’un monumental portail de bois de style gothique primitif et ne découvrirent tout d’abord qu’une simple chaîne pour appeler. Une clochette tinta au-delà de l’épaisseur des murs. Mais Peter, qui avait l’œil aigu, venait de découvrir l’objectif d’un circuit vidéo, juste dans l’arête cassée d’une pierre d’angle.

— Mélange d’archaïsme et de modernisme, dit-il. On nous épie. Ça ne me dit rien.

Et puis la petite porte aménagée dans le grand portail s’entrouvrit. Il y avait là deux jeunes garçons d’une vingtaine d’années vêtus de parkas noirs et de knickers.

— Bonjour, dit gaiement Kovask… Nous venons d’arriver à Dioni avec des couvertures, des vêtements chauds, des vivres… Nous aimerions savoir si vous avez besoin de secours… Nous sommes à votre entière disposition pour vous aider…

— Merci, dit un des jeunes gens, mais nous n’avons pas eu trop d’ennuis avec ce tremblement de terre. L’aile orientale a un peu souffert mais sans faire de victimes. Nous sommes ici en une sorte de retraite et ne voulons pas être dérangés.

— Si vous n’avez pas subi de dégâts, s’énerva soudain Peter, pourquoi alors ne pas recueillir ces malheureux qui grelottent dans la neige sous de méchants abris ? Il doit y avoir ici de quoi abriter ces gens-là et même deux fois plus ?

— Notre règle nous le défend, dit le garçon sans perdre son calme. Nous n’avons pas d’ordre. Nous sommes responsables des lieux et ne pouvons pas prendre seuls des initiatives…

— Et si on fait réquisitionner votre machin, bredouilla Peter prêt à lui sauter dessus.

— Oh ! Cela m’étonnerait, dit le garçon…

Personne n’y parviendra… Je sais que ces gens-là sont malheureux mais il y a dans l’existence des impératifs autrement importants.

— Je peux téléphoner ? demanda Kovask en avançant d’un pas, très calme lui aussi, très souriant.

— Téléphoner ? Je crains que…

— La ligne est intacte.

— Oh ! C’est une ligne privée et vous n’aurez personne au bout du fil. Elle nous relie à la vallée. Et il n’y a désormais pas de terminal.

— Dommage, dit Kovask… Nous nous excusons pour le dérangement.

— Hé, fit Peter en bloquant la porte, doucement, je ne suis pas de cet avis. Vous n’avez pas le droit étant donné les circonstances de vivre ainsi… Sans vous soucier des autres. Qui êtes-vous donc pour vous croire au-dessus des lois et des contingences matérielles ? Des moines ? Des contemplatifs ?