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La Mamma se tenait sur les toits du monastère en compagnie des jeunes Allemands. Depuis le milieu de l’après-midi ils n’osaient plus bouger. Ils avaient pu visiter une partie des bâtiments, vérifier certaines choses, puis brusquement les occupants du monastère, une vingtaine de jeunes, avaient entrepris des recherches systématiques dans tous les locaux. Elle ne pouvait savoir qu’une question imprudente de Peter avait déclenché cette opération.

Ils n’avaient eu que le temps, Olga, Stefan et elle, de se réfugier sur les tuiles. Une chance que chaque façade forme fronton, dépasse le toit par un muret qui leur permettait de se dissimuler. Ils avaient froid, faim et soif. Et de leur poste d’observation ils avaient pu voir deux ombres traverser devant les fenêtres ogivales de l’ancien prieuré. La Mamma avait reconnu la silhouette de Kovask, ses cheveux blancs, en fait blonds décolorés, qui formaient comme un halo.

Elle savait ce qu’Olga et Stefan venaient faire dans le coin. Eux aussi avaient mené l’enquête depuis Munich, à la suite de l’attentat néonazi. Mais ils n’avaient que le V.E.C. comme point de chute et le nom de Macha Loven fourni par des amis.

— Il faut que je prévienne mon ami Kovask, murmura-t-elle. Mais ils se trouvent dans cette bâtisse. Si jamais ils pouvaient revenir dans la grande cour…

— Je ne compte que six types dans la cour du Duce. Il en reste quatorze éparpillés un peu partout, dit Stefan. Si nous avions une corde nous pourrions trouver un endroit pour descendre.

— Impossible de repasser par les combles. Ils doivent être surveillés de près.

Elle pensait que Macha et son ami s’étaient laissé coincer dans l’aile située à l’est. Les autres essayaient de les en déloger mais avec prudence. Preuve que Macha et son ami avaient des armes, s’en étaient servis depuis une semaine qu’ils étaient enfermés dans les ruines. Avaient-ils aussi de quoi boire, de quoi manger ?

L’hélicoptère n’était venu que pour apporter des renforts et reviendrait le lendemain si jamais l’affaire n’était pas réglée d’ici là.

En visitant un bureau, la Mamma avait découvert un poste de téléphone, s’était branchée sur l’extérieur. À l’autre bout une voix lui avait déclaré : « Ici agence locale de Potenza du Credito Mobile di Napoli. »

— Excusez-moi c’est une erreur, avait-elle dit en raccrochant.

Dans la pièce où ils étaient réfugiés, Kovask expliquait son plan à Peter.

— L’un de nous va sortir par le grand portail, prendre la jeep, descendre pour téléphoner au sénateur, lui demander des instructions. Savoir si nous devons avertir la police, laquelle d’ailleurs. Je sais que c’est grotesque mais je ne vois pas comment nous en tirer. Ceux qui résistent dans les ruines doivent être sauvés. À tout prix. Il faut faire peur à cette bande de néofascistes…

— On pourrait faire sauter le portail d’entrée, dit Peter.

— Avec quoi ? grogna Kovask… Facile à dire…

— Dans la Peugeot accidentée j’ai quand même pris quelques pains de plastic et des détonateurs. Ils sont dans mon sac, c’est ça que je trimbale depuis que nous errons dans ce monastère.

Kovask sourit. Cette initiative c’était lui qui aurait dû l’avoir. Il commençait à se faire vieux, la preuve, on voulait faire de lui le remplaçant de Holden ! Un sénateur !

— Nous pourrions préparer plusieurs charges réduites. Je suis certain qu’ils s’affoleront, se replieront ou même essayeront de quitter le monastère au plus vite.

— Il faut les répartir au mieux. De combien de détonateurs disposes-tu ?

— Une vingtaine… On peut les synchroniser. Ils croiront qu’ils sont attaqués. On fait d’abord péter le portail puis les détonations se suivront dans le grand corridor, jusqu’ici. Ils tireront dans tous les sens, perdront la tête.

— On y va, dit Kovask. Autant ne pas perdre de temps.

— S’ils s’enfuient on ne les retrouvera pas.

— C’est du menu fretin. Que la police italienne fasse son travail. Ce n’est pas ce que nous cherchons. Ces nazillons se feront un jour alpaguer.

— Nazillons qui peuvent tuer, dit Peter… La gare de Bologne par exemple.

Ils avaient prévu une marge d’une demi-heure entre le moment où la charge du grand portail exploserait et la détonation de la dernière. Ils durent parcourir de grandes distances pour se faufiler jusque dans le hall immense, éviter des ombres qui allaient et venaient, très affairées.

Depuis leur toit, la Mamma et ses deux compagnons pouvaient se rendre compte des agissements de Kovask et de Peter mais ignoraient ce qui se préparait.

— Sont-ils armés ? demanda Stefan.

— Je ne pense pas, dit la Mamma. Nous menons surtout un travail d’enquête et d’information et il est rare que nous soyons face à une situation comme celle-ci.

Il y eut un incident. Un des assiégeants des ruines s’énerva et tira une rafale. Aussitôt une longue rafale répliqua et tous se terrèrent au sol. Kovask qui était en train de revenir vers la pièce qui leur servait de cachette en profita pour abréger son itinéraire. Mais il fut repéré par un des gars qui croyait avoir mal vu et arriva sans trop se méfier. Peter lui tomba sur les épaules, l’assomma et dès lors ils disposèrent d’un pistolet-mitrailleur. Juste à cet instant le portail vola en éclats. Dans la cour ce fut un moment décisif. Ils se dressèrent tous, mais depuis les ruines une rafale les força à se planquer.

— On attaque la grande porte, dit une voix altérée, un commando certainement. Que tout le monde se disperse selon le plan G.

Puis les autres détonations achevèrent de semer l’affolement. En quelques secondes il n’y eut plus personne dans la cour. Tous refluaient vers le grand bâtiment. Pensaient-ils se frayer une sortie ou bien existait-il une issue inconnue, quelque souterrain moyenâgeux comme le veut toute légende ?

Laissant Peter surveiller la situation, Kovask se glissa en direction des ruines.

— Je suis un collaborateur du sénateur Holden, cria-t-il avant qu’une rafale ne le transforme en passoire.

Mais il put continuer de progresser et soudain des pierres bougèrent et un visage noir apparut.

— Je me suis barbouillée avec du bouchon brûlé, expliqua Macha, pour ne pas être repérée. Il fallait qu’ils croient que nous étions plusieurs, alors que je suis seule. Mon compagnon Paulo di Maglio a été tué dimanche soir par un pan de mur.

— Qu’y a-t-il dans cette aile du bâtiment que vous défendez autant ?

— Ce qu’il y a, venez, vous allez voir.

À ce moment-là Peter cria un avertissement et se mit à tirer en direction de la cour d’honneur.

34

Lorsque le groupe de terroristes crut pouvoir quitter le monastère en comprenant que si le portail avait volé en éclats il n’y avait aucun commando qui attaquait, ils furent vite saisis de stupeur en découvrant que tous les rescapés du village alertés par l’explosion se tenaient devant le monastère en un rang compact. Et ce fut un face-à-face impressionnant durant une minute.

— Écoutez, dit le chef de cette cohorte… Laissez-nous partir et il n’arrivera rien de fâcheux.

Mais les villageois, tous des vieux, des hommes, des femmes restèrent immobiles.

— Il y a des gens qui sont entrés et ne sont pas ressortis, cria d’une voix aiguë Élisa. Nous n’allons pas redevenir vos complices, vos domestiques comme il y a quarante ans. Tuez-nous si vous l’osez mais vous ne passerez pas ici.

Et soudain ils ramassèrent des pierres et se tinrent prêts.

— Il faut passer ailleurs, dit le chef. Ce serait une erreur que de tirer sur eux. Mais nous les retrouverons un jour.