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- Et maintenant, marche ! lui dit la femme qui le poussa vers la porte avec son arme.

- À droite, tout droit, encore à droite !

Dirigeant ainsi Malberg, elle le fit sortir du couloir qui menait aux archives et prendre la direction du donjon.

Malberg s'immobilisa au pied de l'escalier qui conduisait au sommet du donjon. Sans oser se retourner, il demanda en hésitant :

- Marlène, c'est vraiment toi ?

- Oui, mais pas la petite niaise que tu as connue sur les bancs de l'école. Pas celle qui n'avait jamais voix au chapitre. Pas celle qui devait se contenter des mecs qui restaient sur la touche.

- Ce n'est pas possible ! s'exclama Malberg alors que Marlène le poussait plus loin. Je t'ai vue de mes propres yeux, morte dans ta baignoire ! Dans l'eau ! Je deviens complètement fou ?

- Qui sait, répondit Marlène sur un ton sarcastique que Malberg n'aurait jamais attendu d'elle. Les hommes, tous autant qu'ils sont, sont fous à leur manière.

Malberg s'arrêta une nouvelle fois devant la porte qui menait à la tour et tourna la tête vers elle.

- Allez, on monte ! aboya Marlène en appuyant plus fort son arme dans le dos de Lukas.

Malberg émit un cri, moins parce qu'il avait mal que parce qu'il espérait ainsi attirer l'attention. En vain.

Puis il entendit un léger déclic. Il s'y connaissait suffisamment en armes pour savoir ce que cela signifiait : Marlène venait d'armer son revolver. Il retint sa respiration.

- Que veux-tu faire ?

- On monte ! répéta Marlène en montrant l'escalier d'un coup de menton.

La peur au ventre, Malberg se mit à grimper une à une les marches. Pouvait-il se retourner et assommer Marlène ? Il eut l'impression que ce n'était pas la bonne solution. Elle avait l'air si tendue, si en colère. Elle n'hésiterait pas à l'abattre froidement.

- Qu'est-ce que je t'ai fait ? parvint-il à bégayer tandis qu'il gravissait les marches. Je t'ai admirée, je t'ai même aimée. Tu le sais ?

- La ferme ! l'interrompit Marlène. Tu mens ! Si c'était vrai, tu te serais comporté autrement. Tu es comme les autres. J'ai souffert toute ma vie de voir que les hommes préféraient ma sœur Liane. Pendant que Liane se payait un tas d'hommes, moi, la petite souris grise, je me consacrais à des études de biologie. De biologie !

- Mais je ne connaissais absolument pas ta sœur. Je ne savais même pas que tu en avais une !

- Encore une fois, tu mens ! Tu as même essayé de lui téléphoner.

- Oui, mais seulement après avoir appris son existence par le plus grand des hasards. J'espérais qu'elle pourrait me donner des renseignements sur toi.

- Qu'est-ce que cela pouvait bien te faire ?

- Marlène, je croyais que tu étais morte, qu'on t'avait assassinée ! Et c'est là que j'ai brutalement compris que je t'aimais à la folie. Et j'ai remué ciel et terre pour découvrir ce qui avait bien pu se passer.

- C'est justement cela que tu n'aurais pas dû faire !

- Mais pourquoi pas ?

Malberg avait fait une pause.

- Parce que tu as déclenché une véritable avalanche de catastrophes. Tu t'es cru intelligent en t'infiltrant ici, en te faisant passer pour un cryptologue. Richard m'a raconté que tu avais écrit ton mémoire de maîtrise sur les œuvres disparues de la littérature mondiale, et c'est cela qui m'a mis la puce à l'oreille.

- Richard ?

- Richard Murath. J'ai fait sa connaissance pendant mes études de biologie, à Berlin.

- Le professeur Murath ? Le biologiste ?

- Lui-même. Tu ne l'as pas reconnu ? Il t'a pourtant téléphoné. Et maintenant, bouge-toi !

Malberg repensa à cette voix basse et froide qui l'avait menacé.

Ils finirent par atteindre le sommet du donjon. C'était ici qu'à peine quelques heures auparavant, Lukas avait appris de la bouche de Gruna et de Dulazek ce qui se passait au château. Le jour déclinait. Malberg, hors d'haleine, se cramponna à l'un des créneaux.

Il détourna le regard du vide menaçant qui s'ouvrait en contrebas dans l'obscurité. Son front était couvert de sueur.

Marlène se posta de l'autre côté, en face de lui ; elle tenait toujours le revolver braqué sur lui. Mais elle semblait en proie à une terrible agitation. Malberg vit l'arme trembler dans sa main. La situation devenait encore plus dangereuse.

- Tu peux m'expliquer ce que signifie cette mascarade ! dit Malberg. Qu'attends-tu de moi ?

Il essayait de donner le change. Mais cette assurance feinte dissimulait mal son angoisse.

- Ça me paraît pourtant simple, répliqua Marlène froidement. Tu en sais trop. Alors maintenant, tu vas m'écouter ! cria-t-elle en le fixant de ses yeux de démente. Murath n'avait rien d'un homme attrayant. De plus, après son divorce, il était criblé de dettes. Mais il était intelligent et me faisait la cour. Le premier homme à m'avoir jamais témoigné de l'admiration. Je pense que tu sais qu'entre-temps, Murath a fait une découverte très importante.

- Je sais. Le gène de la foi.

- Je savais que tu étais au courant. Pour éponger ses dettes, Murath a voulu céder les résultats de ses recherches à la curie, en échange d'une somme de dix millions d'euros. Ces messieurs se sont montrés intéressés au plus haut point, mais ils n'ont pas voulu débourser une telle somme. Murath n'était pas prêt à négocier. Il a laissé au Vatican sa carte de visite en indiquant qu'il était encore à Rome pour une semaine, et qu'on pouvait le joindre à mon adresse. Le lendemain, un homme chauve en costume croisé gris, qui empestait le parfum, est venu frapper à ma porte. Il voulait parler à Murath. Lorsqu'il m'a vue, il a eu le coup de foudre. C'est ce qu'il m'a expliqué par la suite. Un cardinal, que dis-je ! le cardinal secrétaire d'État s'était épris de moi !

Malberg secouait la tête, incrédule. Cette vision d'une Marlène qui avait tout d'une gorgone ne contribuait pas vraiment à éclairer sa lanterne.

- Et alors, s'enhardit-il, l'affaire a été conclue ?

- Non. Gonzaga était venu de sa propre initiative, tout en connaissant le caractère explosif du dossier. Mais il ne disposait que de fonds limités.

Pensant que Marlène s'était un peu radoucie, Malberg fit un pas vers elle.

Elle leva aussitôt son arme et cria :

- Recule, pas un pas de plus !

Dans la lumière déclinante, Malberg pouvait à peine voir son visage. Mais, même sans distinguer ses traits, il comprit qu'elle ne plaisantait pas.

Malberg était coincé entre deux créneaux. Il eut soudain le vertige. Le sang bourdonnait dans ses oreilles. Obnubilé par l'idée qu'il se trouvait à une bonne trentaine de mètres au-dessus du sol, il s'agrippa aux murs. Il était tétanisé, incapable de concevoir la moindre pensée lucide. Comment sortir de cette situation ? Il avait peur. Il n'avait encore jamais eu aussi peur. Les questions se bousculaient dans sa tête, mais il n'osait pas les poser. Marlène pouvait tirer d'un instant à l'autre. Cette femme était folle, complètement folle !

Il n'écoutait que d'une oreille ce que Marlène lui disait.

- C'est à cette époque que ma sœur Liane est venue me voir. Lorsqu'elle faisait escale à Rome et qu'elle n'avait rien de mieux à faire, elle me rendait visite. Elle avait eu vent de ma liaison avec le cardinal Gonzaga. Elle voulait absolument faire sa connaissance. Je n'avais rien contre. Ce dont je ne pouvais pas me douter, c'était que Liane avait l'intention de séduire Gonzaga. Coucher avec un cardinal, pour une fille comme elle, c'était une aventure particulièrement excitante. Un jour, alors qu'elle revenait d'une excursion dans les Abruzzes, j'ai remarqué que ses vêtements étaient imprégnés d'une odeur que je connaissais. Les excursions se succédèrent, si bien que j'ai fini par lui demander des explications. Liane n'a même pas tenté de nier. Elle m'a expliqué froidement qu'elle avait tous les hommes à sa botte. C'est là que j'ai eu l'idée de me venger. Écoute-moi !