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C'est peut-être ton appartement, un café, une bibliothèque, ton lieu de travail, ton lieu de vacances.

Ou bien un wagon de métro, un bus, un train, un avion ou un bateau.

Cet endroit doit être suffisamment éclairé, suffisamment aéré, suffisamment silencieux pour que tu l'oublies.

Passons maintenant au siège.

Ton siège

Il faut trouver un fauteuil confortable, où aucun muscle ne sera froissé, aucune articulation tordue, où il n'y aura plus dans ton corps la moindre tension.

Un hamac serait l'idéal, ou un divan rembourré dans lequel tu t'enfoncerais complètement.

Ou le moelleux d'un gazon fraîchement coupé.

Ou un lit tiède.

Dans ce dernier cas, fais bien attention à ce que tes pieds soient parfaitement bordés. Pas de courants d'air sur les orteils.

Si ton compagnon ou ta compagne de lit tient à coller ses pieds glacés contre ta peau: refuse énergiquement.

Si il (ou elle) n'obtempère pas, insiste, menace, sois ferme, parle-lui de ses parents qui t'ennuient le week-end, des corvées ménagères mal réparties, du tube de dentifrice pas rebouché et de ses affaires qui traînent partout.

Je ne suis pas là pour semer la zizanie dans ton couple mais je considère que tu n'as pas non plus à te laisser dominer.

Tu as droit à une heure de quiétude, ne serait-ce qu'une fois dans ton existence. Une heure durant laquelle personne ne te réclamera rien, personne ne te menacera de rien, personne ne viendra parasiter ton esprit avec ses soucis.

Une heure de tranquillité.

Pour me lire.

Zut!

Je suis un livre, mais je suis aussi une maîtresse, ou un amant exclusif durant les moments où nous fusionnons.

Après ma lecture tu fais ce que tu veux, mais quand tu es avec moi, j'exige ton attention.

Sois attentif.

Si tu n'as pas assez de courage pour affronter le partenaire de tes nuits, ou les fâcheux auxquels tu t'es, bon gré mal gré, habitué, ce n'est pas grave, referme-moi,

il n'est pas encore trop tard,

je te libère de ton contrat.

Il y a des tas d'autres livres qui ne te demandent rien et se laissent lire dans les situations les plus inconfortables.

Il y a même des livres qui ne te demandent qu'une seule chose: être achetés.

Même pas lus, juste achetés.

Si tu as poursuivi ta lecture jusqu'ici, il est temps de te libérer de tes dernières entraves.

Quitte tes entraves

Tout d'abord ôte tes chaussures, ta ceinture, ta montre, tes bagues, tes bijoux et tout ce qui te pèse sur l'épidémie.

Tes boucles d'oreilles te grattent?

Enlève-les.

Ton piercing rouille? Enlève.

Il y a des moustiques?

Utilise une moustiquaire.

Tu as froid, tu as chaud?

Règle la température au mieux et ne reprends la lecture que lorsque tu te sentiras bien.

Décroche le téléphone et débranche la sonnette de la porte.

Éteins la télé.

Oublie les actualités, c'est trop démoralisant.

Attends que les enfants soient couchés. Range leurs jouets qui traînent dans le salon, ça fait désordre.

Débarrasse la table.

Empile la vaisselle sale dans l'évier.

Crache ton chewing-gum.

Éteins ta cigarette et vide le cendrier pour ne pas subir l'odeur du tabac froid.

Tu n'as même pas besoin de musique.

Tu vas voir, c'est moi qui produirai de la musique dans ta tête.

Je suis assez puissant pour occuper tous tes sens.

Comme ça, juste par le pouvoir grandiose des mots.

Apprécie cette éphémère tranquillité que tu t'es aménagée.

Détends-toi encore.

Il faut que tu saches que, chaque fois que tu tourneras une page, nous franchirons une étape supplémentaire,

pour que tu sois encore plus détendu et pourtant encore plus conscient.

Bientôt des images vont venir.

Si cela peut t'aider, ferme les yeux quelques instants pour mieux les voir.

Respire un grand coup, ça va commencer.

Ton corps s'apaise

Voilà.

Pense à ton corps.

Au moins une fois dans ta vie, pense à ton corps.

Sens ta respiration devenir plus fluide, telle une vague te balançant d'avant en arrière.

En avant, tu inspires.

En arrière, tu expires.

Quand tu inspires, visualise le sang qui surgit de tes extrémités, qui remonte les capillaires, les veines, les artères, jusqu'à ton cœur.

Milliers de ruisseaux rouges qui se transforment en petits fleuves moutonnants.

Ton cœur les aspire.

Effet de pompe.

Ça puise.

Quand tu expires, perçois ton cœur qui repousse le sang vers tes poumons.

Tout le stress et le gaz carbonique res-sortent à travers ton souffle.

Ça fuse.

Inspire.

Expire.

Nettoie ton sang.

Charge-le d'air pur. Charge-le d'énergie.

Inspire.

Expire.

Ton corps n'est plus que cette vague souple et lente qui te berce mollement.

En avant.

En arrière.

Ta mâchoire se décrispe.

Tes paupières battent plus lentement.

Tu te détends encore un peu plus.

Maintenant que tu es apaisé

tu vas profiter de cet instant de totale relaxation pour t'envoler.

Ton envol

Imagine un rayon de lumière qui part de ton nombril.

Sens ce rayon d'énergie qui chauffe ton ventre et monte vers le plafond.

Laisse-toi guider par ma voix.

Là, je suis là, à côté de toi, et je ne te quitte pas.

Tout va bien.

Laisse ton esprit se détacher de ton corps.

Comme un papillon se libérant de son enveloppe de chenille.

Imagine-le, ça suffit.

Tu n'as pas à avoir peur, il ne s'agit pas d'un vrai décollage, mais d'une simple escapade de l'esprit.

Tu restes quoi qu'il arrive «le maître de ce livre», et donc de tout ce qui pourra s'y passer. Strictement de tout.

Quand ce sera fini, tu te souviendras de chaque instant.

Il n'y a rien de grave dans ce voyage.

Nous sommes juste deux copains en balade.

Tu me suis?

Alors viens, mon lecteur.

Sens ton esprit doucement s'affranchir

de ton corps.

Regarde-toi de l'extérieur.

Regarde le type qui lit un livre:

C'est toi.

Et l'autre qui le regarde:

C'est aussi toi.

C'est ça le vrai détachement.

Quand on s'observe de l'extérieur.

Dégage-toi complètement de celui qui lit.

Deviens un esprit léger, transparent, immatériel.

Viens.

Agrippe-toi au rayon de lumière qui part de ton ventre.

Ce sera notre ascenseur.

Tu montes le long de ce rayon.

Bravo.

Tu vois, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Ton esprit est tellement puissant qu'il peut se permettre d'accomplir beaucoup de choses auxquelles tu n'avais pas pensé.

Hé, continue de monter pendant qu'on parle, ne t'arrête pas!

Regarde tout en bas le «toi» en train de lire, tu vois, il n'est pas du tout gêné par ton évasion spirituelle.

Il lit.

Et toi tu voles.

C'est parfait.

Élevons-nous.

Si un plafond te barre la route n'aie pas peur.

Ton esprit le traversera sans effort.

De même que l'appartement de ton voisin du dessus, et son corps, son chien, sa femme, son réfrigérateur, son plafond, tes autres voisins et le grenier.

On monte encore.

Nous voici sur le toit.

Tu te débrouilles pas mal pour un premier décollage.

Tu vois, ton esprit peut tout.

Le problème, c'est que, en général, tu ne l'utilises pas assez.

Alors moi, je vais t'aider à explorer quelques-unes de ses possibilités les plus étonnantes.

Tu me demandes pourquoi tu n'utilises pas assez ton esprit?

Entre nous, je pense que c'est parce que tu te sous-estimes.

En fait, tu te prends pour quelqu'un d'ordinaire.

C'est une question de confiance en toi.

Peut-être qu'avant moi personne ne s'était soucié de relever ce qu'il y a de plus intéressant chez toi.