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FIGARO. Puisque mes yeux vous servent si bien de miroir, étudiez-y l'effet de ma prédiction. Si vous faites mine seulement d'approximer Madame…

BARTHOLO, en riant. Eh pourquoi? Laisse-le parler.

BRID'OISON s'avance entre deux. Fau-aut-il que deux amis?…

FIGARO. NOUS, amis!

BAZILE. Quelle erreur!

FIGARO, vite. Parce qu'il fait de plats airs de Chapelle?

BAZILE, vite. Et lui, des vers comme un journal?

FIGARO, vite. Un musicien de guinguette!

BAZILE, vite. Un postillon de gazette!

FIGARO, vite. Cuistre d'oratorio!

BAZILE, vite. Jockey diplomatique!

LE COMTE, assis. Insolents tous les deux!

BAZILE. Il me manque en toute occasion.

FIGARO. C'est bien dit, si cela se pouvait!

BAZILE. Disant partout que je ne suis qu'un sot.

FIGARO. Vous me prenez donc pour un écho?

BAZILE. Tandis qu'il n'est pas un chanteur que mon talent n'ait fait briller.

FIGARO. Brailler.

BAZILE. Il le répète!

FIGARO. Et pourquoi non, si cela est vrai? Es-tu un prince, pour qu'on te flagorne? Souffre la vérité, coquin, puisque tu n'as pas de quoi gratifier un menteur; ou si tu la crains de notre part, pourquoi viens-tu troubler nos noces?

BAZILE, à Marceline. M'avez-vous promis, oui ou non, si, dans quatre ans, vous n'étiez pas pourvue, de me donner la préférence?

MARCELINE. A quelle Condition l'ai-je promis?

BAZILE. Que si vous retrouviez un certain fils perdu, je l'adopterais par complaisance.

TOUS ENSEMBLE. Il est trouvé.

BAZILE. Qu'à cela ne tienne!

TOUS ENSEMBLE, montrant Figaro. Et le voici.

BAZILE, reculant de frayeur. J'ai vu le diable!

BRID'OISON, à BAZILE. Et vou-ous renoncez à sa chère mère?

BAZILE. Qu'y aurait-il de plus fâcheux que d'être cru le père d'un garnement?

FIGARO. D'en être cru le fils; tu te moques de moi!

BAZILE, montrant Figaro. Dés que Monsieur est quelque chose ici, je déclare, moi, que je n'y suis plus de tien.

Il sort.

Scène II

LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, excepté BAZILE

BARTHOLO, riant. Ah! ah! ah! ah!

FIGARO, sautant de joie. Donc à la fin j'aurai ma femme!

LE COMTE, à part. Moi, ma maîtresse.

Il se lève.

BRID'OISON, à Marceline. Et tou-out le monde est satisfait.

LE COMTE. Qu'on dresse les deux contrats; j'y signerai.

TOUS ENSEMBLE. Vivat!

ils sortent.

LE COMTE. J'ai besoin d'une heure de retraite.

Il veut sortir avec les autres.

Scène 12

GRIPE-SOLEIL, FIGARO, MARCELINE, LE COMTE

GRIPE-SOLEIL, à Figaro. Et moi, je vais aider à ranger le feu d'artifice sous les grands marronniers, Comme on l'a dit.

LE COMTE revient en courant. Quel sot a donné un tel ordre?

FIGARO. Où est le mal?

LE COMTE, vivement. Et la Comtesse qui est incommodée, d'où le verra-t-elle, l'artifice? C'est sur la terrasse qu'il le faut, vis-à-vis son appartement.

FIGARO. Tu l'entends, Gripe-Soleil? la terrasse.

LE COMTE. Sous les grands marronniers! belle idée! (En s'en allant, à part.) Ils allaient incendier don rendez-vous!

Scène 13

FIGARO, MARCELINE

FIGARO. Quel excès d'attention pour sa femme!

Il veut sortir.

MARCELINE l'arrête. Deux mots, mon fils. Je veux m'acquitter avec toi: un sentiment mal dirigé m'avait rendue injuste envers ta charmante femme; je la supposais d'accord avec le Comte, quoique j'eusse appris de BAZILE qu'elle l'avait toujours rebuté.

FIGARO. Vous connaissiez mal votre fils de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m'en faire accroire.

MARCELINE. Il est toujours heureux de le penser, mon fils; la jalousie…

FIGARO…N'est qu'un sot enfant de l'orgueil, ou c'est la maladie d'un fou. Oh! j'ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable; et si Suzanne doit me tromper un jour, je le lui pardonne d'avance; elle aura longtemps travaillé…

Il se retourne et aperçoit Fanchette qui cherche de côté et d'autre.

Scène 14

FIGARO, FANCHETTE, MARCELINE

FIGARO. Eeeh!… ma petite cousine qui nous écoute!

FANCHETTE. Oh! pour ça, non: on dit que c'est malhonnête.

FIGARO. Il est vrai; mais comme cela est utile, on fait aller souvent l'un pour l'autre.

FANCHETTE. Je regardais si quelqu'un était là.

FIGARO. Déjà dissimulée, friponne! vous savez bien qu'il n'y peut être.

FANCHETTE. Et qui donc?

FIGARO. Chérubin.

FANCHETTE. Ce n'est pas lui que je cherche, car je sais fort bien où il est; c'est ma cousine Suzanne.

FIGARO. Et que lui veut ma petite cousine?

FANCHETTE. A vous, petit Cousin, je le dirai. – C'est… ce n'est qu'une épingle que je veux lui remettre.

FIGARO, vivement. Une épingle! une épingle!… Et de quelle part, Coquine? A votre âge, vous faites déjà un mét… (Il se reprend et dit d'un ton doux.) Vous faites déjà très bien tout ce que vous entreprenez, Fanchette; et ma jolie cousine est si obligeante…

FANCHETTE. A qui donc en a-t-il de se fâcher? Je m'en vais.

FIGARO, l'arrêtant. Non, non, je badine. Tiens, ta petite épingle est celle que Monseigneur t'a dit de remettre à Suzanne, et qui servait à cacheter un petit papier qu'il tenait: tu vois que je suis au fait.

FANCHETTE. Pourquoi donc le demander, quand vous le savez si bien?

FIGARO, cherchant. C'est qu'il est assez gai de savoir comment Monseigneur s'y est pris pour te donner la Commission.

FANCHETTE, naïvement. Pas autrement que vous le dites: Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c'est le cachet des grands marronniers.

FIGARO. Des grands?…

FANCHETTE. Marronniers. Il est vrai qu'il a ajouté: Prends garde que personne ne te voie…

FIGARO. Il faut obéir, ma cousine: heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission, et n'en dites pas plus à Suzanne que Monseigneur n'a ordonné.

FANCHETTE. Et pourquoi lui en dirais-je?.Il me prend pour un enfant, mon cousin.

Elle sort en sautant.

Scène 15

FIGARO, MARCELINE

FIGARO. Eh bien, ma mère?

MARCELINE, Eh bien, mon fils?

FIGARO, comme étouffé. Pour Celui-ci!… Il y a réellement des choses!…

MARCELINE. Il y a des choses! Hé, qu'est-ce qu'il y a?

FIGARO, les mains sur sa poitrine. Ce que je viens d'entendre, ma mère, je l'ai là comme un plomb.

MARCELINE, riant. Ce coeur plein d'assurance n'était donc qu'un ballon gonflé? une épingle a tout fait partir!

FIGARO, furieux. Mais cette épingle, ma mère, est celle qu'il a ramassée!