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FIGARO, à part. Et c'est Suzon! God-dam!

SUZANNE, du ton de la Comtesse. Vous paraissez inquiet.

FIGARO, à part. Traîtresse! qui veut me surprendre!

SUZANNE. Il faut nous venger, Figaro.

FIGARO. En sentez-vous le vif désir?

SUZANNE. Je ne serais donc pas de mon sexe! Mais les hommes en ont cent moyens.

FIGARO, confidemment. Madame, il n'y a personne ici de trop. Celui des femmes… les vaut tous.

SUZANNE, à part. Comme je le souffletterais!

FIGARO, à part. Il serait bien gai qu'avant la noce…

SUZANNE. Mais qu'est-ce qu'une telle vengeance, qu'un peu d'amour n'assaisonne pas?

FIGARO. Partout où vous n'en voyez point, croyez que le respect dissimule.

SUZANNE, piquée. Je ne sais si vous le pensez de bonne foi, mais vous ne le dites pas de bonne grâce.

FIGARO, avec une chaleur comique, à genoux. Ah! madame, je vous adore. Examinez le temps, le lieu, les circonstances, et que le dépit supplée en vous aux grâces qui manquent à ma prière.

SUZANNE, à part. La main me brûle!

FIGARO, à part. Le coeur me bat.

SUZANNE. Mais, monsieur, avez-vous songé?…

FIGARO. Oui, madame; oui, j'ai songé.

SUZANNE… Que pour la colère et l'amour…

FIGARO. Tout ce qui se diffère est perdu. Votre main, madame?

SUZANNE, de sa voix naturelle et lui donnant un souffler.

La voilà.

FIGARO. Ah! demonio! quel soufflet!

SUZANNE lui en donne un second. Quel soufflet! Et celui-ci?

FIGARO. Et ques-à-quo, de par le diable! est-ce ici la journée des tapes?

SUZANNE le bat à chaque phrase, Ah! ques-à-quo? Suzanne; et voilà pour tes soupçons, voilà pour tes vengeances et pour tes trahisons, tes expédients, tes injures et tes projets. C'est-il çà de l'amour? dis donc comme ce matin?

FIGARO rit en se relevant. Santa Barbara! oui, c'est de l'amour. Ô bonheur! à délices! à cent fois heureux Figaro! Frappe, ma bien-aimée, sans te lasser. Mais quand tu m'auras diapré tout le corps de meurtrissures, regarde avec bonté, Suzon, l'homme le plus fortuné qui fut jamais battu par une femme.

SUZANNE. Le plus fortuné! Bon fripon, vous n'en séduisiez pas moins la Comtesse, avec un si trompeur babil que m'oubliant moi-même, en vérité, c'était pour elle que je cédais.

FIGARO. Ai-je pu me méprendre au son de ta jolie voix?

SUZANNE, en riant. Tu m'as reconnue? Ah! comme je m'en vengerai!

FIGARO. Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin! Mais dis-moi donc par quel bonheur je te vois là, quand je te croyais avec lui; et comment cet habit, qui m'abusait, te montre enfin innocente…

SUZANNE. Eh! c'est toi qui es un innocent, de venir te prendre au piège apprêté pour un autre! Est-ce notre faute, à nous, si voulant museler un renard, nous en attrapons deux?

FIGARO. Qui donc prend l'autre?

SUZANNE. Sa femme.

FIGARO. Sa femme?

SUZANNE. Sa femme.

FIGARO, follement. Ah! Figaro! pends-toi! tu n'as pas deviné celui-là.

– Sa femme! Oh! douze ou quinze mille fois spirituelles femelles!

– Ainsi les baisers de cette salle?…

SUZANNE. Ont été donnés à Madame.

FIGARO. Et celui du page?

SUZANNE, riant. A Monsieur.

FIGARO. Et tantôt, derrière le fauteuil?

SUZANNE.A personne.

FIGARO. En êtes-vous sûre?

SUZANNE, riant. Il pleut des soufflets, Figaro.

FIGARO lui baise la main. Ce sont des bijoux que les tiens. Mais celui du Comte était de bonne guerre.

SUZANNE. Allons, superbe, humilie-toi!

FIGARO fait tout ce qu il annonce. Cela est juste: à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.

SUZANNE, en riant. Ah! ce pauvre Comte! quelle peine il s'est donnée…

FIGARO se relève sur ses genoux… Pour faire la conquête de sa femme!

Scène 9

LE COMTE,

entre par le fond du théâtre et va droit au pavillon à sa droite;

FIGARO, SUZANNE

LE COMTE, à lui- même. Je la cherche en vain dans le bois, elle est peut-être entrée ici.

SUZANNE, à Figaro, parlant bas. C'est lui.

LE COMTE, ouvrant le pavillon. Suzon, es-tu là-dedans?

FIGARO, bas. Il la cherche, et moi je croyais…

SUZANNE, bas. Il ne l'a pas reconnue.

FIGARO. Achevons-le, Veux-tu?

Il lui baise la main.

LE COMTE se retourne. Un homme aux pieds de la Comtesse!… Ah! je suis sans armes.

Il s'avance.

FIGARO se relève tout à fait en déguisant sa voix. Pardon, madame, si je.n'ai pas réfléchi que ce rendez-vous ordinaire était destiné pour la noce.

LE COMTE, à part. C'est l'homme du cabinet de ce matin.

Il se frappe le front.

FIGARO continue. Mais il ne sera pas dit qu'un obstacle aussi sot aura retardé nos plaisirs.

LE COMTE, à part. Massacre! mort! enfer!

FIGARO, la conduisant au cabinet. (Bas). Il jure. (Haut.) Pressons-nous donc, madame, et réparons le tort qu'on nous a fait tantôt, quand j'ai sauté par la fenêtre.

LE COMTE, à part. Ah! tout se découvre enfin.

SUZANNE, près du pavillon à sa gauche. Avant d'entrer, Il la baise au front.

LE COMTE s'écrie: Vengeance! Suzanne s'enfuit dans le pavillon où sont entrés Fanchette, Marceline et Chérubin.

Scène 10

LE COMTE, FIGARO

Le Comte saisit le bras de Figaro.

FIGARO, jouant la frayeur excessive. C'est mon maître!

LE COMTE le reconnaît. Ah! scélérat, c'est toi! Holà! quelqu'un! quelqu'un!

Scène 11

PÉDRILLE, LE COMTE, FIGARO

PÉDRILLE, botté. Monseigneur, je vous trouve enfin.

LE COMTE. Bon, c'est Pédrille. Es-tu tout seul?

PÉDRILLE. Arrivant de Séville, à étripe-cheval.

LE COMTE. Approche-toi de moi, et crie bien fort!

PÉDRILLE, criant à tue-tête. Pas plus de page que sur ma main. Voilà le paquet.

LE COMTE le repousse. Eh! l'animal!

PÉDRILLE. Monseigneur me dit de crier.

LE COMTE, tenant toujours Figaro. Pour appeler. – Holà, quelqu'un! Si l'on m'entend, accourez tous!

PÉDRILLE. Figaro et moi, nous voilà deux; que peut-il donc vous arriver?

Scène 12

LES ACTEURS PRÉCÉDENTS,

BRID'OISON, BARTHOLO,

BAZILE, ANTONIO, GRIPE-SOLEIL,

toute la noce accourt avec des flambeaux.

BARTHOLO, à Figaro. Tu vois qu'à ton premier signal…

LE COMTE, montrant le pavillon à sa gauche. PÉDRILLE, empare-toi de cette porte.

PÉDRILLE y va.

BAZILE, bas, à Figaro. Tu l'as surpris avec Suzanne?

LE COMTE, montrant Figaro. Et vous, tous mes vassaux, entourez-moi cet homme, et m'en répondez sur la vie.

BAZILE. Ah! ah!