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— C’est des blagues, a dit Rufus. Les grands racontent toujours des blagues.

— Qu’est-ce qui est des blagues ? a demandé Joachim.

— Que des docteurs vont venir ce matin nous faire des vaccinations, a répondu Rufus.

— Tu crois que c’est pas vrai ? a dit Joachim, drôlement inquiet.

— Qu’est-ce qui n’est pas vrai ? a demandé Maixent.

— Que des docteurs vont venir nous faire des opérations, a répondu Joachim.

— Mais je veux pas, moi ! a crié Maixent.

— Qu’est-ce que tu veux pas ? a demandé Eudes.

— Je veux pas qu’on m’enlève l’appendicite, a répondu Maixent.

— C’est quoi, l’appendicite ? a demandé Clotaire.

— C’est ce qu’on m’a enlevé quand j’étais petit, a répondu Alceste ; alors, vos docteurs, moi, ils me font bien rigoler. Et il a rigolé.

Et puis le Bouillon – c’est notre surveillant – a sonné la cloche et on s’est mis en rangs. On était tous très embêtés, sauf Alceste qui rigolait et Agnan qui n’avait rien entendu parce qu’il repassait ses leçons. Quand nous sommes entrés en classe, la maîtresse nous a dit :

— Mes enfants, ce matin, des docteurs vont venir pour...

Et elle n’a pas pu continuer, parce qu’Agnan s’est levé d’un coup.

— Des docteurs ? a crié Agnan. Je ne veux pas aller chez les docteurs ! Je n’irai pas chez les docteurs ! Je me plaindrai ! Et puis je ne peux pas aller chez les docteurs, je suis malade !

La maîtresse a tapé avec sa règle sur son bureau, et pendant qu’Agnan pleurait, elle a continué :

— Il n’y a vraiment pas de raison de s’alarmer, ni d’agir comme des bébés. Les docteurs vont tout simplement vous passer à la radio, ça ne fait pas mal du tout et...

— Mais, a dit Alceste, moi on m’a dit qu’ils venaient pour enlever les appendicites ! Les appendicites je veux bien, moi, mais les radios, je ne marche pas.

— Les appendicites ? a crié Agnan, et il s’est roulé par terre.

La maîtresse s’est fâchée, elle a tapé encore avec sa règle sur son bureau, elle a dit à Agnan de se tenir tranquille s’il ne voulait pas qu’elle lui mette un zéro en géographie (c’était l’heure de géographie) et elle a dit que le premier qui parlerait encore, elle le ferait renvoyer de l’école. Alors, plus personne n’a rien dit, sauf la maîtresse :

— Bien, elle a dit. La radio, c’est tout simplement une photo pour voir si vos poumons sont en bon état. D’ailleurs, vous êtes déjà sûrement passés à la radio, et vous savez ce que c’est. Donc, inutile de faire des histoires ; ça ne servirait à rien.

— Mais, mademoiselle, a commencé Clotaire, mes poumons...

— Laissez vos poumons tranquilles et venez plutôt au tableau nous dire ce que vous savez au sujet des affluents de la Loire, lui a dit la maîtresse.

Clotaire avait fini d’être interrogé, et il était à peine allé au piquet, que le Bouillon est entré.

— C’est au tour de votre classe, mademoiselle, a dit le Bouillon.

— Parfait, a dit la maîtresse. Debout, en silence, et en rangs.

— Même les punis ? a demandé Clotaire.

Mais la maîtresse n’a pas pu lui répondre, parce qu’Agnan s’était remis à pleurer et à crier qu’il n’irait pas, et que si on l’avait prévenu il aurait amené une excuse de ses parents, et qu’il en amènerait une demain, et il se tenait des deux mains à son banc, et il donnait des coups de pied partout. Alors, la maîtresse a fait un soupir et elle s’est approchée de lui.

— Écoute, Agnan, lui a dit la maîtresse. Je t’assure qu’il n’y a pas de quoi avoir peur. Les docteurs ne te toucheront même pas ; et puis tu verras, c’est amusant : les docteurs sont venus dans un grand camion, et on entre dans le camion en montant un petit escalier. Et dans le camion, c’est plus joli que tout ce que tu as vu. Et puis, tiens : si tu es sage, je te promets de t’interroger en arithmétique.

— Sur les fractions ? a demandé Agnan.

La maîtresse lui a répondu que oui, alors Agnan a lâché son banc et il s’est mis en rang avec nous en tremblant drôlement et en faisant « hou hou hou » tout bas et tout le temps.

Quand nous sommes descendus dans la cour, nous avons croisé les grands qui retournaient en classe.

— Hé ! Ça fait mal ? leur a demandé Geoffroy.

— Terrible ! a répondu un grand. Ça brûle, et ça pique, et ça griffe, et ils y vont avec des grands couteaux et il y a du sang partout !

Et tous les grands sont partis en rigolant, et Agnan s’est roulé par terre et il a été malade, et il a fallu que le Bouillon vienne le prendre dans ses bras pour l’emmener à l’infirmerie. Devant la porte de l’école, il y avait un camion blanc, grand comme tout, avec un petit escalier pour monter à l’arrière et un autre pour descendre, sur le côté, en avant. Très chouette. Le directeur parlait avec un docteur qui avait un tablier blanc.

— Ce sont ceux-là, a dit le directeur, ceux dont je vous ai parlé.

— Ne vous inquiétez pas, Monsieur le Directeur, a dit le docteur, nous sommes habitués ; avec nous, ils marcheront droit. Tout va se passer dans le calme et le silence.

Et puis on a entendu des cris terribles ; c’était le Bouillon qui arrivait en traînant Agnan par le bras.

— Je crois, a dit le Bouillon, que vous devriez commencer par celui-ci ; il est un peu nerveux.

Alors, un des docteurs a pris Agnan dans ses bras, et Agnan lui donnait des tas de coups de pied en disant qu’on le lâche, qu’on lui avait promis que les docteurs ne le toucheraient pas, que tout le monde mentait et qu’il allait se plaindre à la police. Et puis le docteur est entré dans le camion avec Agnan, on a encore entendu des cris et puis une grosse voix qui a dit : « Cesse de bouger ! Si tu continues à gigoter, je t’emmène à l’hôpital ! » Et puis il y a eu des « hou, hou, hou », et on a vu descendre Agnan par la porte de côté, avec un grand sourire sur la figure, et il est rentré dans l’école en courant.

— Bon, a dit un des docteurs en s’essuyant la figure. Les cinq premiers, en avant ! Comme des petits soldats !

Et comme personne n’a bougé, le docteur en a montré cinq du doigt.

— Toi, toi, toi, toi et toi, a dit le docteur.

— Pourquoi nous et pas lui ? a demandé Geoffroy en montrant Alceste.

— Ouais ! nous avons dit, Rufus, Clotaire, Maixent et moi.

— Le docteur a dit toi, toi, toi, toi et toi, a dit Alceste. Il n’a pas dit moi. Alors, c’est à toi d’y aller, et à toi, et à toi, et à toi, et à toi ! Pas à moi !

— Oui ? Eh ben si toi t’y vas pas, ni lui, ni lui, ni lui, ni lui, ni moi n’y allons ! a répondu Geoffroy.

— C’est pas un peu fini ? a crié le docteur. Allez, vous cinq, montez ! Et en vitesse !

Alors, nous sommes montés : c’était très chouette dans le camion ; un docteur a inscrit nos noms, on nous a fait enlever nos chemises, on nous a mis l’un après l’autre derrière un morceau de verre et on nous a dit que c’était fini et qu’on remette nos chemises.

— Il est chouette, le camion ! a dit Rufus.

— T’as vu la petite table ? a dit Clotaire.

— Pour faire des voyages, ça doit être terrible ! j’ai dit.

— Et ça, ça marche comment ? a demandé Maixent.

— Ne touchez à rien ! a crié un docteur. Et descendez ! Nous sommes pressés ! Allez, ouste... Non ! Pas par-derrière ! Par là ! Par là !

Mais comme Geoffroy, Clotaire et Maixent étaient allés derrière pour descendre, ça a fait un drôle de désordre avec les copains qui montaient. Et puis le docteur qui était à la porte de derrière a arrêté Rufus qui avait fait le tour et qui voulait remonter dans le camion, et il lui a demandé s’il n’était pas déjà passé à la radio.