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Marie-Edwige

Maman m’a permis d’inviter des copains de l’école venir goûter à la maison, et j’ai aussi invité Marie-Edwige. Marie-Edwige a des cheveux jaunes, des yeux bleus, et c’est la fille de M. et Mme Courteplaque, qui habitent dans la maison à côté de la nôtre.

Quand les copains sont arrivés, Alceste est tout de suite allé dans la salle à manger, pour voir ce qu’il y avait pour le goûter et, quand il est revenu, il a demandé : « Il y a encore quelqu’un qui doit venir ? J’ai compté les chaises, et ça fait une part de gâteau en plus. » Alors, moi, j’ai dit que j’avais invité Marie-Edwige, et je leur ai expliqué que c’était la fille de M. et Mme Courteplaque, qui habitent la maison à côté de la nôtre.

— Mais c’est une fille ! a dit Geoffroy.

— Ben oui, quoi, je lui ai répondu.

— On joue pas avec les filles, nous, a dit Clotaire ; si elle vient, on ne lui parle pas et on ne joue pas avec elle ; non, mais, sans blague...

— Chez moi, j’invite qui je veux, j’ai dit, et si ça ne te plaît pas, je peux te donner une baffe.

Mais je n’ai pas eu le temps pour le coup de la baffe, parce qu’on a sonné à la porte et Marie-Edwige est entrée.

Elle avait une robe faite dans le même tissu que celui des doubles rideaux du salon, Marie-Edwige, mais en vert foncé, avec un col blanc tout plein de petits trous sur les bords. Elle était très chouette, Marie-Edwige ; mais, ce qui était embêtant, c’est qu’elle avait amené une poupée.

— Eh bien, Nicolas, m’a dit Maman, tu ne présentes pas ta petite amie à tes camarades ?

— Ça, c’est Eudes, j’ai dit ; et puis il y a Rufus, Clotaire, Geoffroy et puis Alceste.

— Et ma poupée, a dit Marie-Edwige, elle s’appelle Chantal ; sa robe est en tussor.

Comme plus personne ne parlait, Maman nous a dit que nous pouvions passer à table, que le goûter était servi.

Marie-Edwige était assise entre Alceste et moi. Maman nous a servi le chocolat et les parts de gâteau ; c’était très bon, mais personne ne faisait de bruit ; on se serait cru en classe, quand vient l’inspecteur. Et puis Marie-Edwige s’est tournée vers Alceste et elle lui a dit :

— Ce que tu manges vite ! Je n’ai jamais vu quelqu’un manger aussi vite que toi ! C’est formidable !

Et puis elle a remué les paupières très vite, plusieurs fois.

Alceste, lui, il ne les a plus remuées du tout, les paupières ; il a regardé Marie-Edwige, il a avalé le gros tas de gâteau qu’il avait dans la bouche, il est devenu tout rouge et puis il a fait un rire bête.

— Bah ! a dit Geoffroy, moi je peux manger aussi vite que lui, même plus vite si je veux !

— Tu rigoles, a dit Alceste.

— Oh ! a dit Marie-Edwige, plus vite qu’Alceste, ça m’étonnerait.

Et Alceste a fait de nouveau son rire bête. Alors Geoffroy a dit :

— Tu vas voir !

Et il s’est mis à manger à toute vitesse son gâteau. Alceste ne pouvait plus faire la course, parce qu’il avait fini sa part de gâteau, mais les autres s’y sont mis.

— J’ai gagné ! a crié Eudes, en envoyant des miettes partout.

— Ça vaut pas, a dit Rufus ; il ne t’en restait presque plus de gâteau, dans ton assiette.

— Sans blague ! a dit Eudes, j’en avais plein !

— Ne me fais pas rigoler, a dit Clotaire ; c’est moi qui avais le morceau le plus grand, alors celui qui a gagné c’est moi !

J’avais bien envie, de nouveau, de lui donner une baffe, à ce tricheur de Clotaire ; mais Maman est entrée et elle a regardé la table avec de grands yeux.

— Comment ! elle a demandé, vous avez déjà fini le gâteau ?

— Moi, pas encore, a répondu Marie-Edwige, qui mange par petits bouts, et ça prend longtemps, parce qu’avant de les mettre dans sa bouche, les petits morceaux de gâteau, elle les offre à sa poupée ; mais la poupée, bien sûr, elle n’en prend pas.

— Bon, a dit Maman, quand vous aurez fini, vous pourrez aller jouer dans le jardin ; il fait beau.

Et elle est partie.

— T’as le ballon de foot ? m’a demandé Clotaire.

— Bonne idée, a dit Rufus, parce que pour avaler des morceaux de gâteau, vous êtes peut-être très forts ; mais pour le foot, c’est autre chose. Là, je prends le ballon et je dribble tout le monde !

— Ne me fais pas rigoler, a dit Geoffroy.

— Celui qui est terrible pour les galipettes, c’est Nicolas, a dit Marie-Edwige.

— Les galipettes ? a dit Eudes. Je suis le meilleur pour les galipettes. Ça fait des années que je fais des galipettes.

— Tu as un drôle de culot, j’ai dit ; tu sais bien que pour les galipettes, le champion, c’est moi !

— Je te prends ! a dit Eudes.

Et nous sommes tous sortis dans le jardin, avec Marie-Edwige, qui avait enfin fini son gâteau.

Dans le jardin, Eudes et moi nous nous sommes mis tout de suite à faire des galipettes. Et puis Geoffroy a dit qu’on ne savait pas, et il en a fait aussi, des galipettes. Rufus, lui, il n’est vraiment pas très bon, et Clotaire a dû s’arrêter très vite, parce qu’il a perdu dans l’herbe une bille qu’il avait dans sa poche. Marie-Edwige, elle faisait des applaudissements, et Alceste, d’une main, il mangeait une brioche qu’il avait amenée de chez lui pour après le goûter, et de l’autre il tenait Chantal, la poupée de Marie-Edwige. Ce qui m’a étonné, c’est qu’Alceste offrait des bouts de brioche à la poupée ; d’habitude, il n’offre jamais rien, même aux copains.

Clotaire, qui avait retrouvé sa bille, a dit :

— Et ça, vous savez le faire ?

Et il s’est mis à marcher sur les mains.

— Oh ! a dit Marie-Edwige, c’est formidable !

Le truc de marcher sur les mains, c’est plus difficile que de faire des galipettes ; j’ai essayé, mais je retombais chaque fois. Eudes, il fait ça assez bien et il est resté sur les mains plus longtemps que Clotaire. C’est peut-être parce que Clotaire a dû se remettre à chercher sa bille, qui était tombée encore une fois de sa poche.

— Marcher sur les mains, ça ne sert à rien, a dit Rufus. Ce qui est utile, c’est de savoir grimper aux arbres.

Et Rufus s’est mis à grimper à l’arbre ; et je dois dire que notre arbre n’est pas facile, parce qu’il n’y a pas tellement de branches, et les branches qu’il y a sont tout en haut, près des feuilles.

Alors nous, on a rigolé, parce que Rufus il tenait l’arbre avec les pieds et les mains, mais il n’avançait pas très vite.

— Pousse-toi, je vais te montrer, a dit Geoffroy.

Mais Rufus ne voulait pas lâcher l’arbre ; alors, Geoffroy et Clotaire ont essayé de grimper les deux à la fois, pendant que Rufus criait :

— Regardez-moi ! Regardez-moi ! Je monte !

C’est une veine que Papa n’ait pas été là, parce qu’il n’aime pas tellement qu’on fasse les guignols avec l’arbre du jardin. Eudes et moi, comme il n’y avait plus de place sur l’arbre, on faisait des galipettes, et Marie-Edwige comptait pour voir qui en faisait plus.

Et puis Mme Courteplaque a crié de son jardin :

— Marie-Edwige ! Viens ! C’est l’heure de ta leçon de piano !

Alors, Marie-Edwige a repris sa poupée des bras d’Alceste, elle nous a fait au revoir de la main et elle est partie.

Rufus, Clotaire et Geoffroy ont lâché l’arbre, Eudes a cessé de faire des galipettes et Alceste a dit :

— Il se fait tard, je m’en vais.

Et ils sont tous partis.

C’était une chouette journée et on a drôlement rigolé ; mais je me demande si Marie-Edwige s’est amusée.

C’est vrai, on n’a pas été très gentils avec Marie-Edwige. On ne lui a presque pas parlé et on a joué entre nous, comme si elle n’avait pas été là.