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En classe, la lumière était allumée, et ça faisait tout drôle, et une chose que j’aime bien, c’est de regarder sur les fenêtres les gouttes d’eau qui font la course pour arriver jusqu’en bas. On dirait des rivières. Et puis la cloche a sonné, et la maîtresse nous a dit : « Bon, c’est la récréation ; vous pouvez parler entre vous, mais soyez sages. »

Alors, on a tous commencé à parler à la fois, et ça faisait un drôle de bruit ; il fallait crier fort pour se faire écouter et la maîtresse a fait un soupir, elle s’est levée et elle est sortie dans le couloir, en laissant la porte ouverte, et elle s’est mise à parler avec les autres maîtresses, qui ne sont pas aussi chouettes que la nôtre, et c’est pour ça qu’on essaie de ne pas trop la faire enrager.

— Allez, a dit Eudes. On joue à la balle au chasseur ?

— T’es pas un peu fou ? a dit Rufus. Ça va faire des histoires avec la maîtresse, et puis c’est sûr, on va casser une vitre !

— Ben, a dit Joachim, on n’a qu’à ouvrir les fenêtres !

Ça, c’était une drôlement bonne idée, et nous sommes tous allés ouvrir les fenêtres, sauf Agnan qui repassait sa leçon d’histoire en la lisant tout haut, les mains sur les oreilles. Il est fou, Agnan. Et puis, on a ouvert la fenêtre ; c’était chouette parce que le vent soufflait vers la classe et on s’est amusés à recevoir l’eau sur la figure, et puis on a entendu un grand cri : c’était la maîtresse qui venait d’entrer.

— Mais vous êtes fous ! elle a crié, la maîtresse. Voulez-vous fermer ces fenêtres tout de suite !

— C’est à cause de la balle au chasseur, mademoiselle, a expliqué Joachim.

Alors, la maîtresse nous a dit qu’il n’était pas question que nous jouions à la balle, elle nous a fait fermer les fenêtres et elle nous a dit de nous asseoir tous. Mais ce qui était embêtant, c’est que les bancs qui étaient près des fenêtres étaient tout mouillés, et l’eau, si c’est chouette de la recevoir sur la figure, c’est embêtant de s’asseoir dedans. La maîtresse a levé les bras, elle a dit que nous étions insupportables et elle a dit qu’on s’arrange pour nous caser sur les bancs secs. Alors, ça a fait un peu de bruit, parce que chacun cherchait où s’asseoir, et il y avait des bancs où il y avait cinq copains, et à plus de trois copains on est très serrés sur les bancs. Moi, j’étais avec Rufus, Clotaire et Eudes. Et puis la maîtresse a frappé avec sa règle sur son bureau et elle a crié : « Silence ! » Plus personne n’a rien dit, sauf Agnan qui n’avait pas entendu et qui continuait à repasser sa leçon d’histoire. Il faut dire qu’il était tout seul sur son banc, parce que personne n’a envie de s’asseoir à côté de ce sale chouchou, sauf pendant les compositions. Et puis Agnan a levé la tête, il a vu la maîtresse et il s’est arrêté de parler.

— Bien, a dit la maîtresse. Je ne veux plus vous entendre. A la moindre incartade, je sévirai ! Compris ? Maintenant, répartissez-vous un peu mieux sur les bancs, et en silence !

Alors, on s’est tous levés, et sans rien dire nous avons changé de place ; ce n’était pas le moment de faire les guignols, elle avait l’air drôlement fâchée, la maîtresse ! Je me suis assis avec Geoffroy, Maixent, Clotaire et Alceste, et on n’était pas très bien parce qu’Alceste prend une place terrible et il fait des miettes partout avec ses tartines. La maîtresse nous a regardés un bon coup, elle a fait un gros soupir et elle est sortie de nouveau parler aux autres maîtresses.

Et puis Geoffroy s’est levé, il est allé vers le tableau noir, et avec la craie il a dessiné un bonhomme amusant comme tout, même s’il lui manquait le nez, et il a écrit : « Maixent est un imbécile. » Ça, ça nous a tous fait rigoler, sauf Agnan qui s’était remis à son histoire et Maixent qui s’est levé et qui est allé vers Geoffroy pour lui donner une claque. Geoffroy, bien sûr, s’est défendu, mais on était à peine tous debout en train de crier, que la maîtresse est entrée en courant, et elle était toute rouge, avec de gros yeux ; je ne l’avais pas vue aussi fâchée depuis au moins une semaine. Et puis, quand elle a vu le tableau noir, ça a été pire que tout.

— Qui a fait ça ? a demandé la maîtresse.

— C’est Geoffroy, a répondu Agnan.

— Espèce de sale cafard ! a crié Geoffroy, tu vas avoir une baffe, tu sais !

— Ouais ! a crié Maixent. Vas-y, Geoffroy !

Alors, ç’a été terrible. La maîtresse s’est mise drôlement en colère, elle a tapé avec sa règle des tas de fois sur son bureau. Agnan s’est mis à crier et à pleurer, il a dit que personne ne l’aimait, que c’était injuste, que tout le monde profitait de lui, qu’il allait mourir et se plaindre à ses parents, et tout le monde était debout, et tout le monde criait ; on rigolait bien.

— Assis ! a crié la maîtresse. Pour la dernière fois, assis ! Je ne veux plus vous entendre ! Assis !

Alors, on s’est assis. J’étais avec Rufus, Maixent et Joachim, et le directeur est entré dans la classe.

— Debout ! a dit la maîtresse.

— Assis ! a dit le directeur.

Et puis il nous a regardés et il a demandé à la maîtresse :

— Que se passe-t-il ici ? On entend crier vos élèves dans toute l’école ! C’est insupportable ! Et puis, pourquoi sont-ils assis à quatre ou cinq par banc, alors qu’il y a des bancs vides ? Que chacun retourne à sa place !

On s’est tous levés, mais la maîtresse a expliqué au directeur le coup des bancs mouillés. Le directeur a eu l’air étonné et il a dit que bon, qu’on revienne aux places que nous venions de quitter. Alors, je me suis assis avec Alceste, Rufus, Clotaire, Joachim et Eudes ; on était drôlement serrés. Et puis le directeur a montré le tableau noir du doigt et il a demandé :

— Qui a fait ça ? Allons, vite !

Et Agnan n’a pas eu le temps de parler, parce que Geoffroy s’est levé en pleurant et en disant que ce n’était pas de sa faute.

— Trop tard pour les regrets et les pleurnicheries, mon petit ami, a dit le directeur. Vous êtes sur une mauvaise pente : celle qui conduit au bagne ; mais moi je vais vous faire perdre l’habitude d’utiliser un vocabulaire grossier et d’insulter vos condisciples ! Vous allez me copier cinq cents fois ce que vous avez écrit sur le tableau. Compris ?... Quant à vous autres, et bien que la pluie ait cessé, vous ne descendrez pas dans la cour de récréation aujourd’hui. Ça vous apprendra un peu le respect de la discipline : vous resterez en classe sous la surveillance de votre maîtresse !

Et quand le directeur est parti, quand on s’est rassis, avec Geoffroy et Maixent, à notre banc, on s’est dit que la maîtresse était vraiment chouette, et qu’elle nous aimait bien, nous qui, pourtant, la faisons quelquefois enrager. C’était elle qui avait l’air la plus embêtée de nous tous quand elle a su qu’on n’aurait pas le droit de descendre dans la cour aujourd’hui !

Les échecs

Dimanche, il faisait froid et il pleuvait, mais moi ça ne me gênait pas, parce que j’étais invité à goûter chez Alceste, et Alceste c’est un bon copain qui est très gros et qui aime beaucoup manger et avec Alceste on rigole toujours, même quand on se dispute.

Quand je suis arrivé chez Alceste, c’est sa maman qui m’a ouvert la porte, parce qu’Alceste et son papa étaient déjà à table et ils m’attendaient pour goûter.