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J'en arrive à mes deux avant-dernières lo1 i e s. L'antépénultième était bas-bleu !

La littérature manifuait /'.D'oi.s.s/c/v)//-' lit' Sninlr>-Lorr;lh <iiui^ ma vio. Grands l)icux! quelle consommation d'encre, ([ucllc tourmente épistolaire! Des lettres, des billets, des mots, c'est-à-dire quinze pages, huit pages, quatre pages! de l'amour, des larmes, des désespoirs — à propos de bottes! — Sommé de répondre, j'aurais avec elle dépensé ma cervelle et mon cœur en phrases brûlantes et mangé mes rentes en ports de lettres.

Je lus lâche, je m'enfuis à la campagne et pour retremper mon âme épuisée par les transports épistb-laires, je fis de longues courses à cheval, j'essayai de redevenir hussard.

Ce fut au cours de ces promenades équestres que je connus mon avant-dernière folie. Tous les jours je ])assais devant sa terrasse et je la voyais assise coii-ïem])lant l'horizon et le cavalier qui passait de ses yeux mélancoliques. Je la rencontrai chez des amis et je pus hii ex])rimer ma sympathie. La malheureuse, elle était mariée à un ])rosaïï[uc député, ancien avoué

La sympathie ])0ur son malheur m'entraîna un peu loin: quinze jours après, la pauvre âme incomprise, suspendue à mon cou, exigeait que je l'enlevasse! Italie! Italie ! Une chaumière au bord d'un lac! Amour éternel! Azur partout ! Quelle gloire pour un homme de mon âge ! Ah ! si j'avais on quinze ans de moins! Mais de Tân-'/lon hussard, hélas'.

il ne restait ([lie le ehe\;ill i'oiir eiiliuei'la pauvre nra'.il, je pj'is un ])arti liéi'oï(|U(! : ^— Auge adorée! ju'éci'iai-je. j'ai ('iii(|ua!ite-ii(Mir ans! l-ille'poussa un ci'i (riiorrciir et s'(''\anouit.

Au niènic instant je ressenlio une Muleute atta(pi<' (le i'huinalisine.

La PeintiU'c.

Regrclt;

VI

L'Expiation

BalicL Taupiii ciUrc dans ma vie. J'ai soixante ans! Un lait do poule et mon bonnet de nuit. Dérangei* l'a dit. voilà tout ce qu'il me faut désormais!

« 0 Tonps, sa-^pends ton vol! )>

Je proteste, j'ai des velléités de révolte, mon cœur est encore jeune, ventrebleu!

Babet n'est pas ma dernière folie, elle est .ma première bêtise. Babet n'a rpie trente-cinq ans. elle est douillette, grasse; le jour où elle débarque chez moi, douce, timide, avec de grands anneaux aux oreilles et le bonnet de sa province sur ses yeux ]>udiquemciit baissés, je la trouve gentille. C'est bien la gouvernante qu'il faut à un jeune vieux garçon • ommemoi, 1-llle e-t mariée. Elle a eu des malheurs, <•(' scélérai. d»' 'laiipiii la battait... horrible' horrible! Je ne rniiiiireuai^, pa.^ Taui)in alor,>!

rremiere tran.'-f >rmation, peu à peu Babet de\iem

Un lait de poule cl son bonnet de nuil.

moins tiniidc. ses yeux se relèvent, son nez prend des mines de petit effronté. Pauvre Taii-])in!... Bah! puisqu'il la battait! \'ais-je avoir des scrupules pour Taupin, pour ce brutal?...

Deuxième transformation, Ba-bet devient tout à fait familière. Troisième transformation, Ba-J)et devient autoritaire. Puisqu'elle est gouvernante, elle doit tenir les rênes du gouvernement. Et elle les saisit d'une main ferme. Je n'ai pour échapper à Babet d'autre ressource ([ue le mariage. Mes vieilles idées matrimoniales me reviennent, il est encore temps de me ranger, comme on dit. Justement une jeune et aimable veuve de mes connaissances ferait bien mon affaire, elle a trente-six ans, nos âges sont en rapport. Malgré les scènes avec Babet, je fais ma cour, je lui conviens à n'en pas douter, elle se laisse embrasser la main et sourit âmes galanteries respectueuses. Sans nul-doute ma demande sera bien accueillie, je puis la risquer. Je la risque ! Patatras ! Ballet a fait des siennes ! J'aurais dû m'i'n donlor à Sf^s soui'i-Lid'CL dcilcni fm-nix.-. i 0-. d-û tianquillitc.

Qu'a-t-elle pu raconter, inventer? De mes rhumatismes, gagnés au service de la France quand j'étais hussard, elle a fait je ne sais quoi, des montagnes! Elle m'a peint en valétudinaire! En cacochyme ! en podagre !... Et celle que je considérais déjà comme ma fiancée, me répond par une lettre dans laquelle, sans périphrases, elle m'envoie prendre mes invalides ailleurs ! Mes invalides à 61 ans et demi !

Et voilà comment je ne pus mener à bonne fin ma dernière folie! Mon énergie m'abandonna. Babet reprit son sceptre. J'allais expier toutes mes vieilles fautes! Je commençai la série de mes testaments, léguant à Babet d'abord 600 livres de rente viagère, puis 800, puis 1,030, puis 1,200. En 1850, j'en étais à trois mille.

Un lait de poule et mon bonnet de nuit ! Je n'étais plus fringant du tout. Babet devenait une grosse bourgeoise portant châle et chapeau. Son nez n'avait plus la gentillesse de 1840 et son caractère s'aigrissait de plus en plus. 0 Tau-pin, tu avais pris le parti le plus sage, tu l'avais plantée là jadis! Moi je ne pouvais pas; à soixante-quinze ans passés, on n'aime pas les scènes. Et puis était-ce bien la peine de lutter pour les quelques jours qui me restaient à vivre? car je comptais bien que mes rhumatismes et mes ennuis allaient abréger mes jours et je me préparais à

Dabcl se transforme.

— salaire bonne mine au nautonier Caron, comme on disait dans mon temps. Les années passèrent et, à mon grand étonnement, je durais toujours. Je

Dernières velléités matrimo7iiales.

reverdissais même pendant que Babet grossissait et s'alourdissait. Par mon testament de 1860, je lui léguai cinq mille francs de rente viagère, je ne lésinais plus, un vague espoir venait de naître dans mon cœur, l'espoir d'enterrer Babet. Hé, hé ! une bonne farce à lui faire! Avec une volonté ferme, avec de la ténacité je pouvais y arriver. La gaîté revint, ma vie avait un but !

Comme tout changeait autour de moi, les gouvernements, les gens, les mœurs, Babet et tout ! Retiré à la campagne dans le village de Belleville, en 1840. j'avais vu la ville me gagner et enfermer peu à peu mon jardin plein de roses dans une ceinture de maisons; il poussait des cheminées oîi j'avais vu pousser du blé ; à la place des vignes qui donnaient de la

Les scènes de Dabet.

I)i<|uettc pour les cabarets de la barrière, je voyais de laides bâtisses ou des usines. Plus de poésie dans ce triste monde, plus beaucoup d'amour peut-être, ce sentiment doit s'être transformé lui aussi, plus de galanterie, de la grossièreté! plus rien! Comme les femmes doivent être malheureuses! je suis certain (pi'en ce siècle plein de prosaïsme, on ne voit plus aucune jeune fille s'engager par amour dans les luissards!

Babet continuait à se transformer, elle devenait monstrueuse; dans le quartier elle était très considérée, c'était Madame Taupin, « une cligne parente qui se dévoue à soigner ce vieux M. Aubespin de Saint-Ainour !...)) J'avais parlé de la faire ma légataire universelle et elle ne inc pressait nullement de porter ces nouvelles dispositions sur papier timbré. Elle me regardait d'un œil inquiet, évidemment elle commençait à craindre de partir avant moi, le vieux qui n'avait plus d'âge. Je savourais ses frémissements et ses inquiétudes, c'était ma vengeance!...