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Dehors, le ciel perdait la teinte pourpre qui accompagnait toujours l’aube, et les premiers rayons d’un soleil intense se profilaient au-dessus du bois qui s’étendait au-delà du jardin des statues. Il fallait attendre une bonne heure avant que l’ami de Max ne passe les prendre. Elle revint se glisser dans son lit et, tout en sachant qu’elle ne parviendrait pas à se rendormir, elle ferma les yeux et écouta le bruit lointain des vagues sur la plage.

Une heure plus tard, Max frappa doucement à sa porte.

Elle descendit l’escalier sur la pointe des pieds. Max et son ami attendaient sous le porche. Avant de sortir, elle s’arrêta une seconde dans l’entrée et écouta les voix des deux garçons qui bavardaient. Elle respira profondément et ouvrit.

Max, adossé à la rampe du porche, se retourna et lui sourit. À côté de lui se tenait un garçon très bronzé, les cheveux couleur paille, qui mesurait plusieurs centimètres de plus que Max.

— Voici Roland, intervint Max. Roland, voici ma sœur Alicia.

Roland salua cordialement et détourna les yeux vers les bicyclettes, mais Max eut le temps de voir le jeu des regards échangés en quelques dixièmes de secondes entre son ami et sa sœur. Il sourit pour lui-même et pensa que ce serait probablement plus amusant qu’il ne l’avait prévu.

— Comment va-t-on faire ? demanda Alicia. Il n’y a que deux bicyclettes.

— Roland peut te prendre sur la sienne, suggéra Max. N’est-ce pas, Roland ?

Roland fixa résolument le sol.

— Oui, bien sûr, murmura-t-il. Mais dans ce cas, c’est toi qui porteras les équipements.

À l’aide d’un sandow, Max fixa sur son porte-bagages le matériel de plongée apporté par Roland. Il savait qu’il y avait une autre bicyclette dans le garage, mais l’idée que Roland transporte sa sœur lui plaisait. Alicia s’assit en amazone sur la barre du cadre et s’accrocha au cou de Roland. Max remarqua que, sous la peau tannée par le soleil, Roland luttait sans succès pour ne pas rougir.

— Je suis prête, dit Alicia. J’espère que je ne suis pas trop lourde.

— En route, conclut Max qui se lança en pédalant sur le chemin de la plage, suivi de Roland et d’Alicia.

Peu de temps après, Roland passa en tête et, une fois de plus, Max dut accélérer pour ne pas rester en arrière.

— Ça va ? demanda Roland à Alicia.

Celle-ci acquiesça et regarda la maison de la plage se perdre dans le lointain.

La plage de l’extrême sud, de l’autre côté du port, formait une demi-lune vaste et désolée. Ce n’était pas une plage de sable : elle était couverte de petits galets polis par la mer et parsemée de coquilles et de débris apportés par la houle et la marée, et desséchés par le soleil. Derrière elle s’élevait un mur de falaises escarpées, presque verticales, en haut desquelles, sombre et solitaire, se dressait la tour du phare.

— C’est le phare de mon grand-père, indiqua Roland pendant qu’ils laissaient les bicyclettes à l’orée d’un des chemins qui descendaient entre les rochers jusqu’à la plage.

— Vous vivez là tous les deux ? questionna Alicia.

— Plus ou moins. Avec le temps, je me suis construit une petite cabane un peu plus bas, sur la plage, et on peut dire que c’est pratiquement ma maison.

— Ta propre cabane ? s’enquit Alicia en la cherchant des yeux.

— D’ici, tu ne la verras pas. En réalité, c’est une ancienne remise de pêcheurs abandonnée. Je l’ai arrangée et, aujourd’hui, elle n’est pas mal. Tu jugeras par toi-même.

Roland les guida jusqu’à la plage et, une fois arrivé, il ôta ses sandales. Le soleil montait dans le ciel et la mer brillait comme de l’argent en fusion. La plage était déserte et une brise chargée de sel soufflait de l’océan.

— Faites attention à ces cailloux. J’y suis habitué, mais il est facile de tomber quand on ne les connaît pas.

Alicia et son frère le suivirent à travers la plage jusqu’à sa cabane. Elle était en bois, peinte en bleu et rouge. Elle avait un petit auvent et Max remarqua une lanterne rouillée qui pendait au bout d’une chaîne.

— Ça vient du bateau, précisa Roland. J’ai remonté un tas de choses du fond et je les ai apportées dans la cabane. Comment vous la trouvez ?

— C’est fantastique, s’exclama Alicia. Tu dors ici ?

— Parfois, surtout en été. L’hiver, il y fait froid, et puis je n’aime pas laisser le grand-père seul là-haut.

Il ouvrit la porte et s’effaça pour laisser entrer Alicia et Max.

— Bienvenue au palais.

L’intérieur ressemblait à un de ces vieux bazars d’antiquités marines. Le butin que le garçon avait arraché à la mer pendant des années luisait dans la pénombre comme dans un musée de mystérieux trésors de légende.

— Ce ne sont que des bricoles, dit-il, mais je les collectionne. Peut-être qu’aujourd’hui nous remonterons quelque chose.

Le reste se composait d’une vieille armoire, d’une table, de quelques chaises et d’une couchette au-dessus de laquelle étaient fixées des étagères supportant des livres et une lampe à huile.

— J’aimerais bien avoir une maison comme celle-là, murmura Max.

Roland sourit, sceptique.

— Nous acceptons toute proposition, plaisanta-t-il, visiblement fier de l’impression produite par sa cabane sur ses amis. Bon, maintenant, à l’eau.

Ils lui emboîtèrent le pas jusqu’au bord de la mer. Une fois là, Roland défit le sac contenant les équipements de plongée.

— Le bateau est à vingt-cinq ou trente mètres du rivage. L’eau est plus profonde qu’elle ne le paraît : à trois mètres, on n’a déjà plus pied. La coque est à environ dix mètres de profondeur, expliqua-t-il.

Alicia et Max échangèrent un regard qui parlait de lui-même.

— Oui, la première fois, il vaut mieux ne pas essayer de descendre. Parfois, quand vient une lame de fond, des courants se forment et ça peut devenir dangereux. Un jour, j’ai eu mortellement peur.

Roland tendit des lunettes et des palmes à Max.

— Bien. Il n’y a qu’un équipement pour deux. Qui descend le premier ?

Alicia tendit l’index vers Max.

— Merci, murmura celui-ci.

— Ne t’inquiète pas, Max, le rassura Roland. Le tout est de commencer. La première fois que j’ai plongé, j’ai paniqué pour presque rien. Il y avait une énorme murène dans une des cheminées.

Max sursauta.

— Une quoi ?

— Rien. Je plaisante. Il n’y a pas de bestioles, en bas. Je te le promets. C’est étonnant, parce que, normalement, les bateaux naufragés sont de vrais parcs zoologiques. Mais celui-là, non. Il ne plaît pas aux poissons, je suppose. Dis-moi : tu ne vas pas avoir peur, hein ?

— Peur ? dit Max. Moi ?

Tout occupé qu’il était à mettre ses palmes, Max n’en observa pas moins la manière dont Roland se livrait à une radioscopie très poussée de sa sœur pendant qu’elle ôtait sa robe de coton pour rester en costume de bain blanc, le seul qu’elle possédait. Elle entra dans la mer jusqu’aux genoux.

— Dis donc, chuchota-t-il, c’est ma sœur, pas un gâteau à la crème. D’accord ?

Roland lui adressa un regard complice.

— C’est toi qui l’as amenée, pas moi, répondit-il avec un sourire de chat devant un bol de lait.

— À l’eau, trancha Max. Ça te remettra les idées en place.