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Malko se demandait comment aborder le vrai problème. Tout à coup, la jeune femme s’appuya un peu plus contre son épaule. Ses yeux bleus étaient devenus graves.

— J’ai peur, murmura-t-elle, j’ai tout le temps peur. C’est pour cela que je bois. Un jour, ils vont m’arrêter, me battre.

Malko l’attira contre lui et, aussitôt, elle s’accrocha comme une noyée. Le visage enfoui dans son épaule, elle frotta sa joue contre le cachemire de la veste.

— C’est doux, murmura-t-elle. C’est si doux… Ce doit être fantastique d’avoir des vêtements comme cela… Nous sommes si pauvres. Tout est rationné. Le charbon, le sucre, l’énergie. On ne trouve pas de viande… Chez nous, on dit que nous marchons si vite vers le socialisme que les vaches n’arrivent pas à suivre.

Elle rit nerveusement, leva le visage vers lui et, brusquement, l’embrassa sans hésitation.

Elle sentait la vodka, mais sa langue était douce, agile, insistante. Ils s’embrassèrent longtemps, sans dire un mot. Wanda glissa sur le côté, entraînant Malko, jusqu’à ce qu’ils soient étendus tous les deux. Il la caressa doucement, par-dessus ses vêtements, effleurant deux seins pointus. Soudain, Wanda Michnik s’écarta, se leva et fit passer sa robe par-dessus sa tête, dans une gymnastique furieuse. Elle semblait en transe. Avec des grognements impatients, elle arracha ses bottes, ses collants, apparut nue.

Un corps robuste, aux cuisses épaisses, très blanc, des reins cambrés et une énorme cicatrice d’appendicite.

Elle replongea sur Malko sans un mot, s’énerva sur sa ceinture, puis sur les boutons de sa chemise, qu’elle défit avec une maladresse hâtive.

Sa bouche courut sur la poitrine de Malko, s’arrêta au téton, suça, mordit avec une sorte de rage, tandis qu’elle le caressait maladroitement. Peu à peu, sa caresse se chargea d’érotisme. Elle avait trouvé une sorte de rythme de croisière, allant d’un sein à l’autre, mordillant, aspirant, léchant comme un animal. Lorsque sa bouche descendit vers son ventre, Malko le regretta presque.

Elle l’engloutit presque entièrement, dans une fellation acrobatique et violente, tandis que ses mains virevoltaient autour de son sexe, l’effleuraient, l’agaçaient. Ou Wanda était une grande amoureuse, ou la vodka avait une excellente influence sur son tempérament. Excité à la limite de la douleur, Malko fut presque soulagé lorsqu’elle remonta et s’empala sur lui d’un brusque coup de reins. Puis ils basculèrent et les bras de Wanda se refermèrent sur le torse de Malko avec une force inouïe. De nouveau, sa bouche agressa la sienne. Elle donnait de furieux et maladroits coups de reins qui déclenchèrent chez Malko un plaisir prématuré, sans qu’elle paraisse s’en apercevoir.

Elle le serrait toujours contre elle, avec la même violence. Réalisant enfin qu’il avait joui, elle cessa de bouger sans le lâcher.

— Ne t’en va pas, murmura-t-elle à son oreille. J’ai tellement besoin d’affection.

C’était sûrement plus pour se rassurer que par désir physique qu’elle avait voulu faire l’amour. D’ailleurs, elle n’avait pas joui et s’en moquait visiblement. Malko demeura allongé sur elle, la caressant doucement. Elle dégagea une main pour boire un peu de vodka au goulot.

— Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait l’amour, soupira-t-elle. C’est bon.

Le radiateur électrique rôtissait le dos de Malko. La cassette s’était arrêtée. Il bascula sur le dos, laissa courir son doigt sur l’énorme cicatrice.

— Qu’est-ce que c’est ?

— L’appendicite, dit Wanda. Le chirurgien s’en fichait. Il est payé au mois… Je n’avais pas d’argent pour lui donner le supplément qui l’aurait fait bien travailler. Tant pis…

— Tu n’as pas de boy-friend ? demanda Malko. Elle eut un sourire triste.

— Si, j’en avais un. Mais ils lui ont fait peur. Ils lui ont dit que, s’il continuait à me voir, il perdrait son travail. Ils savent tout, tu sais. C’est moi qui lui ai dit de rompre. Il n’est pas engagé politiquement…

L’étranglement. Malko regarda les yeux bleus pleins de désarroi et de tristesse. Il était un peu plus de deux heures du matin. Wanda Michnik semblait plus lucide, comme si l’amour avait effacé l’ivresse. C’était le moment de passer aux choses sérieuses.

— Wanda, demanda Malko, sais-tu avec exactitude pourquoi je suis à Varsovie ?

Le visage de la jeune femme s’éclaira :

— Pour nous aider. Tu me l’as dit. Mais il faut faire très attention. Ils peuvent t’arrêter ou même te tuer.

L’ombre de Julius Zydowski passa devant les yeux de Malko. Il fallait plonger.

— Je suis venu enquêter sur Roman Ziolek, dit-il. Wanda se redressa, comme si on l’avait cravachée. Les traits crispés. La couverture glissa, révélant sa poitrine, petite et pleine.

— Roman ! s’exclama-t-elle, mais c’est un homme merveilleux, un martyr. Sans lui nous n’aurions même pas l’espoir…

Malko la laissa se calmer avant de continuer :

— Je sais qu’il se présente comme tel, mais nous pensons que c’est peut-être un agent du S.B. Je crois qu’il n’a pas eu un rôle très net dans la Résistance… Il aurait dénoncé des patriotes aux Allemands. Je…

La gifle claqua si violemment qu’il en fut étourdi. Wanda Michnik, d’un bond, s’arracha de la couverture et se leva, uniquement vêtue d’une fine chaîne d’or autour du cou.

— Draw[29] ! explosa-t-elle. Ils t’ont envoyé, hein ! Je me disais aussi que ce chauffeur avait été bien complaisant… Salaud ! Ordure… Tu leur diras à tes maîtres que rien ne nous empêchera de continuer…

Elle s’habillait en bégayant de rage, de guingois, tremblant d’énervement. Malko se leva à son tour, la joue cuisante.

— Wanda, essaya-t-il de plaider. Tu es folle, je ne suis pas un agent du S.B. Au contraire. Je veux éviter une catastrophe. Il faut que tu me croies. Si Roman Ziolek est bien celui qu’il dit, nous l’aiderons. Mais…

Elle ne l’écoutait pas. Il s’habilla à son tour. Wanda fut plus rapide que lui ; attrapant son manteau, elle se rua hors de l’appartement alors qu’il n’avait même pas remis sa cravate. Il se précipita à ses trousses et ils dévalèrent l’escalier sombre tous les deux. Dans le couloir, il essaya de lui prendre le bras, mais elle se dégagea violemment. Hystérique. Comme il insistait, elle se retourna, tenta de le frapper.

— Wanda ! cria Malko.

Elle était déjà repartie. Courant à perdre haleine, elle tourna dans Pietarska, suivie de Malko. Les rues de la vieille ville étaient absolument désertes. Le froid était si cinglant qu’il eut le souffle coupé au bout de vingt mètres. Wanda courait toujours, vers le pont enjambant les remparts. Il aperçut une voiture garée à l’entrée du pont sur Podwale. Le plafonnier était allumé et il y avait un homme à l’intérieur. Wanda déboula dans la lueur des phares, agitant le bras pour attirer l’attention du conducteur de la voiture. Un taxi.

Celui-ci démarra brutalement. Malko cria, mais trop tard. Comme un serpent fasciné, comme un cobra, Wanda regardait le véhicule foncer sur elle. L’aile gauche la frappa à la hauteur du bassin, l’envoya promener à plusieurs mètres. Un choc d’une violence inouïe. Le taxi ne freina pas, au contraire, accéléra et ses feux rouges disparurent au coin de l’église, au bout de Podwale. Un meurtre délibéré !

Malko atteignit l’endroit où Wanda était tombée et s’agenouilla près d’elle. La jeune femme était allongée sur le dos, les yeux ouverts, mais fixes. Un peu de sang suintait de sa bouche, mais il était impossible de voir s’il s’agissait d’une blessure superficielle ou grave. Malko souleva une paupière, n’obtenant aucune réaction du globe oculaire. Il passa la main sous le manteau, sentit la poitrine qui se soulevait. Ce qui ne voulait rien dire. Wanda Michnik pouvait avoir une fracture du crâne… Il l’appela doucement et elle ne répondit pas. Il se redressa, cherchant de l’aide. Pas un chat en vue. Le brouillard glaçant. Toutes les fenêtres étaient sombres. Il appela. Personne ne répondit. Il n’osait pas bouger Wanda.

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29

Salaud.