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Il attendit, le cœur battant, craignant un esclandre, mais la charité chrétienne joua… Au bout de quelques instants, le petit volet de bois le séparant du prêtre coulissa devant lui et une voix d’homme annonça :

— Que puis-je pour vous, mon fils ?

— Prosze Ksiçzza Pajdak[35] ? demanda Malko.

— Tac[36].

— Je viens de la part de Maryla Nowicka, murmura Malko.

— Attendez ! Sortez de ce confessionnal, coupa vivement le prêtre.

Plutôt surpris, Malko émergea du confessionnal pour se trouver en face d’un visage rubicond et grave au-dessus d’une soutane élimée. Le père Jacek Pajdak le scrutait d’un air inquisiteur. Il écarta d’un geste impatient une pénitente qui s’apprêtait à prendre la place de Malko. Prenant ce dernier par le bras, il l’entraîna vers un pilier et se planta en face de lui.

— Que voulez-vous ? Maryla Nowicka m’a dit qui vous étiez.

Malko alla droit au but, chuchotant comme s’il avait d’abominables péchés sur la conscience.

— L’organisme pour lequel je travaille pense que Roman Ziolek appartient au S.B. et qu’il manipule les dissidents pour les pousser à se découvrir. Une de vos pénitentes en détient, paraît-il, la preuve. Je voudrais entrer en contact avec elle.

Pajdak avait baissé la tête. Comme si Malko l’avait accusé lui-même. Soudain, il dit à voix basse :

— Moj Boze[37] ! Roman Ziolek !

Il y avait plus de tristesse que d’incrédulité dans sa voix.

— Pourquoi ne retournons-nous pas dans le confessionnal ? suggéra Malko. Nous y serions plus tranquilles.

Le père Pajdak secoua la tête.

— Non, ce ne serait pas prudent. Les agents du Département n°4 du S.B. mettent parfois des micros. Et, de toute façon, j’ai dit à Maryla Nowicka que je ne savais rien de cette femme. Ni son nom, ni son adresse.

— Et à travers ce qu’elle vous a dit en confession ?

Le père Pajdak jeta à Malko un regard à faire fuir un démon de première classe.

— Même pour sauver ma vie, dit-il, je ne pourrais trahir le secret de la confession. Mais je peux vous dire qu’elle ne m’a rien dit qui puisse vous aider à la retrouver… Je sais qu’elle habite seule, à Kamionek. Mais elle sera là dimanche prochain entre neuf et dix.

On était mercredi. Quatre jours à attendre.

— Dimanche, c’est trop loin, dit Malko. J’ai besoin de ce renseignement aujourd’hui…

Le père Pajdak hocha la tête, tristement.

— Je voudrais pouvoir vous aider, mais c’est impossible.

Ils se toisèrent quelques secondes. Malko était désespéré. Dieu sait ce qui l’attendait en sortant de cette église. Les pénitents autour d’eux commençaient à s’impatienter. Soudain, le prêtre sembla se souvenir de quelque chose.

— Je pense à quelque chose qui pourrait peut-être vous aider, dit-il. Pour Noël, l’année dernière, cette femme m’a apporté une petite boîte de caviar russe… Comme je ne voulais pas l’accepter, elle m’a expliqué qu’elle en vendait au marché noir… Que cela ne lui coûtait pas cher… Moins que les 8 000 zlotys le kilo qui est le prix habituel.

Malko le regarda, perplexe.

— Où cela peut-il nous mener ?

— Je crois qu’elle m’a dit travailler dans un « bazar ». Vous savez, nous en avons plusieurs à Varsovie. On y vend de tout. Du neuf, du vieux… et du marché noir.

— Où ?

— Oh, il y en a un peu partout.

— Vous m’avez dit que cette femme habitait le quartier de Kamionek. Y en a-t-il un par là ?

Le père Pajdak fronça les sourcils.

— Attendez ! Je crois qu’il y en a à Praga. Ce n’est pas très loin. Celui de Rözyckiego. D’ailleurs, là-bas, il y a bien une personne qui pourrait vous renseigner, mais elle n’est pas très digne de confiance. C’est un prêtre… Enfin, il ne pratique plus. Il n’a plus de paroisse. Il vit avec une femme…

Un défroqué. Cela manquait à la collection. Malko repensa au réseau Zydowski. C’était peut-être le même.

— Peu importe, pourquoi pourrait-il m’aider ? demanda Malko. Comment s’appelle-t-il ?

Le père Pajdak baissa la tête, comme s’il avait honte pour l’autre.

— Jacisk Mikolawska. Il avait une petite paroisse près de Wilanow. Une femme l’a présenté à des trafiquants d’objets d’art. Il s’est mis à voler… Pour donner de l’argent à cette femme. Il a été honteusement chassé de son église. Finalement il est parti avec elle. On m’a dit qu’il travaillait maintenant avec une bande qui pille les églises de Pologne. Il a une petite boutique à Rözyckiego. Vous le trouverez facilement, c’est un homme assez gras, avec une barbe rousse.

Malko en savait assez.

— Merci, mon père, dit-il. J’espère que je trouverai cette femme.

Le père Pajdak lui adressa un sourire encourageant :

— Que Dieu bénisse vos recherches, mon fils.

Il replongea dans le confessionnal. Assailli aussitôt par ses pénitentes. Malko traversa la grande nef et sortit de l’église. Plus il avançait dans son enquête, plus il se rapprochait des frontières de l’impossible. Comment faire pour semer ses anges gardiens et continuer ses contacts ? La tentation était grande de filer sur le fameux bazar, mais deux choses le retenaient. D’abord, il n’était pas absolument certain de ne pas être suivi. Or, il ignorait les éléments dont ils disposaient, eux. Ensuite, il fallait rendre compte. Due ce qu’il savait au cas où. Que quelqu’un puisse prendre la suite. Donc direction l’ambassade U.S.

* * *

A voir la tête de Cyrus Miller, Malko sut immédiatement qu’il y avait du nouveau et pas du bon. D’ailleurs, le chef de station de la C.I.A. n’attendit même pas d’être dans la cage pour lui annoncer la nouvelle. Avant même que Malko ait pu relater le résultat de sa visite.

— Maryla Nowicka a été arrêtée, dit-il.

Chapitre XII

Le capitaine Stanislas Pracek contempla pensivement Maryla Nowicka en soufflant dans son fume-cigarette vide. Elle avait été arrêtée la veille au soir et, volontairement, on l’avait empêchée de dormir toute la nuit, en la maintenant debout dans une cellule violemment éclairée du centre d’interrogatoire. Un ancien petit palais, non loin de l’immeuble du Parti, avec un jardin en friche et des grilles rouillées. Les cellules avaient été installées dans les anciens sous-sols, les salles d’interrogatoire au rez-de-chaussée et les bureaux au premier. Seuls les officiers du S.B. avaient accès à ce centre, qui n’avait pas d’existence officielle. Sur le budget du Directorat n°1 dont il dépendait, il figurait comme « centre de documentation ».

— Vous êtes décidée à nous aider ? demanda l’officier du S.B. d’une voix posée.

Le visage couvert de sueur, les yeux fermés, Maryla Nowicka ne répondit pas. Mais elle laissa légèrement fléchir ses mollets et ses talons touchèrent le sol pendant une fraction de seconde. Aussitôt, le milicien en uniforme, très jeune, qui la gardait, lui cingla les reins de sa longue matraque en bois.

— Tiens-toi droite, salope !

Le capitaine Pracek émit un petit bruit chuintant et réprobateur en soufflant dans son fume-cigarette.

— On ne parle pas ainsi à une suspecte, fit-il d’un ton sentencieux.

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35

Père Pajdak.

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37

Mon Dieu.