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«Il est mort!» s’écria Fritz.

Sapt, toujours prudent, commença par faire évacuer la cellule, ne gardant que Fritz avec lui, et s’agenouilla auprès du roi. Il était expérimenté: il eut tôt fait de voir que non seulement le roi n’était pas mort, mais que, convenablement soigné, il ne mourrait pas.

On lui couvrit le visage et on le porta dans la chambre du duc, où on le coucha, et où Antoinette vint lui baigner les tempes avec de l’eau fraîche et panser ses blessures en attendant l’arrivée du docteur.

Sapt se rendit vite compte que tout cela était mon œuvre; ayant entendu le récit d’Antoinette, il envoya Fritz à ma recherche, d’abord dans les fossés, puis dans la forêt.

Fritz trouva mon cheval et me crut mort. En me retrouvant vivant, sa joie, son trouble furent tels qu’il en oublia tout le reste; il oublia combien il eût été important de se débarrasser de Rupert. Et, pourtant, je crois que, si Fritz l’avait tué, je lui en aurais voulu.

La délivrance du roi une fois opérée, restait à s’assurer que le secret serait bien gardé, car il fallait que personne ne soupçonnât que le roi avait été trois mois prisonnier.

Sapt prit les mesures nécessaires. Antoinette de Mauban et Jean durent jurer de se taire.

Tranquille de ce côté, Fritz prépara la version officielle de tous ces événements. En voici à peu près les grandes lignes:

Un ami du roi était retenu prisonnier par son frère. Rodolphe avait voulu le délivrer (ai-je besoin de dire que, dans cette histoire, c’était moi qui devais jouer le rôle du prisonnier?). Au cours de la bataille, le roi avait été blessé très grièvement par les geôliers qui gardaient son ami, les avait finalement terrassés, et maintenant, blessé, mais vivant, il reposait au château, dans le propre lit du duc Noir. Quant au prisonnier, il avait disparu, après avoir passé comme un éclair sur le pont devant les serviteurs du duc. Aussitôt qu’on l’aurait retrouvé, ordre avait été donné de le conduire directement auprès du roi, sans le laisser communiquer avec personne.

D’autre part, un courrier partait à fond de train pour Tarlenheim afin de prier le maréchal de Strakencz d’avertir la princesse que le roi était en sûreté. Quant à la princesse, elle ne devait, en aucun cas, quitter Tarlenheim, où elle attendrait la venue de son cousin et ses instructions.

C’est ainsi que le roi rentrait dans ses droits, après avoir accompli de grandes choses, et échappé aux tentatives criminelles de son frère naturel.

Telle était la combinaison, fort ingénieuse, n’est-il pas vrai? de mon vieil ami.

Elle réussit, sauf sur un seul point, où elle se heurta contre une force qui déjoue parfois les plans les plus ingénieux, je veux parler du bon plaisir d’une femme. Le roi eut beau ordonner, le cousin eut beau supplier, le maréchal eut beau insister, la princesse Flavie ne voulut rien entendre.

Pensait-on qu’elle allait rester à Tarlenheim, alors que son fiancé était blessé au château? Lorsque le maréchal et son escorte prirent la route de Zenda, la voiture de la princesse suivait immédiatement derrière.

C’est dans cet appareil que le cortège défila dans les rues de la ville.

Le bruit y avait rapidement circulé que le roi, se rendant la nuit précédente chez son frère pour lui demander en toute amitié des explications au sujet de l’emprisonnement d’un de ses amis dans le château de Zenda, avait été traîtreusement attaqué; qu’un combat désespéré avait eu lieu; que le duc Noir avait été tué avec plusieurs de ses aides de camp, et que le roi, tout blessé qu’il fût, s’était emparé du château de Zenda. Toutes ces nouvelles causèrent, comme on peut le supposer, une vive émotion. Le télégraphe s’en empara aussitôt, et les dépêches parvinrent à Strelsau juste après que les ordres furent arrivés de consigner les troupes et d’occuper militairement les quartiers où pouvait se produire quelque effervescence.

C’est ainsi que la princesse arriva à Zenda. Au moment où la voiture gravissait la colline, le maréchal, suppliant encore une fois la princesse de retourner en arrière, Fritz de Tarlenheim et le «prisonnier» arrivaient sur la lisière de la forêt. J’avais repris connaissance et je marchais appuyé sur le bras de mon fidèle ami; tout à coup, levant les yeux et regardant par hasard, j’aperçus à travers les branches la princesse! Je compris au regard de mon compagnon que nous ne devions pas nous laisser voir et je me laissai tomber sur les genoux derrière un groupe d’arbres. Mais la petite paysanne qui nous avait suivis courut au-devant de Flavie:

«Madame, lui cria-t-elle, le roi est là, dans la forêt. Voulez-vous que je vous conduise auprès de lui?

– Quelle sottise dis-tu, enfant? reprit le vieux Strakencz. Le roi est blessé au château de Zenda.

– Oui, monsieur, il est blessé, je le sais; mais il est ici avec le comte Fritz.

– Comment le roi pourrait-il être en deux endroits à la fois, à moins qu’il n’y ait deux rois? fit Flavie étonnée. Et comment se trouverait-il ici?

– Il poursuivait un seigneur, Madame: ils se sont battus devant moi jusqu’au moment où le comte Fritz est arrivé, à preuve que l’autre seigneur m’a pris le cheval que je montais, et est parti avec. Je vous jure, Madame, que le roi est là avec le comte Fritz. Y a-t-il dans toute la Ruritanie un homme qu’on puisse confondre avec le roi?

– Non, mon enfant, dit Flavie doucement (je ne le sus qu’après) et, en souriant, elle lui remit une pièce d’or. En tout cas, j’irai, et je verrai ce gentilhomme.»

Et elle se leva pour descendre de voiture. Au même moment, Sapt arrivait à cheval, venant du château; en apercevant la princesse, il fit contre fortune bon cœur; il lui cria, de l’air le plus aimable qu’il pût prendre, que le roi était bien soigné et hors de danger.

«Au château? fit-elle.

– Où pourrait-il être, Madame? répondit-il en saluant.

– Mais cette enfant prétend qu’il est là, dans la forêt, avec le comte Fritz.»

Sapt regarda l’enfant en souriant.

«Bah! pour une jeunesse comme cela, tout beau garçon est un roi.

– Je vous assure que celui que j’ai vu ressemble au roi comme une goutte d’eau ressemble à une autre goutte d’eau», cria l’enfant ébranlée, mais tenant encore à son dire.

Sapt se détourna vivement. Le visage du vieux maréchal était plein d’interrogation, le regard de Flavie non moins éloquent. Le soupçon a des ailes!

«Je vais aller voir par moi-même, dit Sapt vivement.

– Je vous accompagnerai, fit la princesse.

– Venez seule, alors, de grâce!»

Et la princesse, obéissant à l’étrange prière qu’elle lisait dans les yeux du vieux soldat, pria le maréchal et sa suite de les attendre.

Sapt et la princesse se dirigèrent à pied vers l’endroit où nous étions cachés. Sapt avait fait signe à la petite paysanne de rester à distance. En les voyant venir, je me laissai tomber sur le gazon et cachai mon visage entre mes mains. Comment trouver la force de la regarder?

Fritz, agenouillé auprès de moi, me soutenait.

«Parlez bas, quoi que vous disiez!» suppliait Sapt à l’oreille de la princesse.

«C’est lui! Êtes-vous blessé?»