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Une terreur rétrospective me rendit toute pâle à ces paroles. Mon père et le commandeur s’en aperçurent et se regardèrent avec inquiétude. Mais je fis semblant de ne me réveiller qu’à ce moment et je prétextai une défaillance.

Quelques jours après j’étais entièrement rétablie.

Bientôt je repartis pour Paris, toujours accompagnée par M. de Bélièvre. Je revis d’Urfé et le trouvai plus amoureux que jamais ; mais cédant à un détestable penchant à la coquetterie, je redoublai de froideur avec lui, sans cesser de le tourmenter et en le raillant surtout de sa tentative d’enlèvement.

Je fis si bien, qu’un beau matin il vint m’annoncer que las d’être joué, il s’en allait en Moldavie.

Je connaissais assez le marquis pour savoir qu’arrivé à ce point, il ne changerait plus d’idée. Je le laissai donc partir et comme je me figurais, je ne sais pourquoi, qu’il pourrait lui arriver malheur, je lui donnai, pour l’en préserver, ma petite croix qui, comme il me raconta plus tard, le sauva d’un Immense danger.

Six mois après le départ du marquis, j’épousai votre grand-père, et j’avoue, mes enfants, qu’il entra un peu de dépit dans cette résolution. Cependant on a eu raison de dire que les mariages d’amour ne sont pas les meilleurs, car votre grand-père, pour qui je n’ai eu que de l’estime, me rendit certainement plus heureuse que je ne l’aurais été avec d’Urfé, qui, après tout, n’était qu’un libertin, ce qui ne m’empêchait pas de le trouver fort aimable.