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Elle frissonna, puis sourit.

— Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?

— Je me suis réveillée en pleine nuit, et j’ai vu Gudren, ma dame de compagnie, debout à côté de mon lit, accompagnée d’un homme. Je l’ai tout de suite reconnu, prise de panique. Il s’appelait Klaus et tout le monde dans le village avait peur de lui. J’ai supplié Gudren de me sauver. Elle n’a pas bougé. Quand il a posé sa bouche sur mon cou, j’ai cru qu’il allait me tuer.

Elle se tut. Puis, comme Stefan la regardait avec un mélange d’horreur et de pitié, elle ajouta d’un air détaché :

— Mais ça n’a pas été si terrible, finalement. J’ai eu un peu mal, au début, mais très vite, j’ai ressenti un certain plaisir. Après, il m’a fait boire son sang, qui m’a donné une force incroyable. Nous avons attendu l’aube ensemble, et lorsque le médecin est revenu, il n’en croyait pas ses yeux : j’étais assise à discuter tranquillement.

Papa pleurait de joie en criant au miracle… Mais je vais bientôt devoir le quitter, sinon il se rendra compte, un jour ou l’autre, que je ne vieillis pas.

Son visage s’était assombri à cette pensée.

— Jamais ça ne t’arrivera ? S’étonna Stefan.

— Non. C’est merveilleux, n’est-ce pas ? dit-elle avec une joie enfantine. Je vais rester jeune et je ne mourrai jamais !

De toute façon, il avait du mal à l’imaginer autrement que telle qu’il la voyait, adorable, innocente, parfaite.

— Mais… tu n’as pas trouvé ça effrayant, au début ?

— Au début, si, un peu. Gudren était là pour me rassurer : c’est elle qui m’a fait fabriquer cette bague dont la pierre me protège du soleil. Et puis, elle s’est occupée de moi quand j’étais en convalescence : elle m’a apporté de grands bols de lait caillé aux épices, et plus tard, de petits animaux capturés par son fils.

— Pas… d’êtres humains ?

— Bien sûr que non ! dit-elle en riant. Une colombe suffit à satisfaire tous mes besoins. Gudren dit que, pour être plus forte encore, je dois boire du sang humain, car c’est l’essence de vie la plus puissante. Klaus me poussait à le faire : il voulait que nous échangions notre sang une nouvelle fois. Mais le pouvoir ne m’intéresse pas. Quant à Klaus…

Elle se tut, les yeux baissés, puis reprit dans un murmure :

— Partager son sang n’est pas un acte anodin : je ne le ferai dorénavant qu’avec celui que je choisirai pour partager mon existence.

Elle le regarda d’un air grave, et Stefan lui sourit défaillant de bonheur.

Mais c’était avant que son frère Damon rentre de l’université et voie les yeux bleus de Katherine, semblables à des joyaux.

Stefan laissa échapper un gémissement. Puis le sommeil le gagna peu à peu, apportant avec lui de nouvelles images qui se précipitaient en désordre aux confins de son esprit : le visage de son frère, tordu par une effroyable colère ; les yeux bleus de Katherine, pétillants et vifs, tournant et retournant dans sa belle robe blanche ; une tache blanche derrière le citronnier ; le poids d’une épée dans sa main ; son père hurlant, au loin ; les traits de Damon, cette fois déformés par un rire horrible ; et le citronnier si proche…

— Damon… Katherine… Non !

Il se redressa en sursaut. Une main tremblante dans les cheveux, il essayait de reprendre son souffle. C’était un affreux cauchemar, comme il n’en avait pas eu depuis longtemps. Depuis combien de temps, d’ailleurs, n’avait-il pas rêvé ? L’image du citronnier n’avait pas quitté son esprit, et le rire de son frère continuait à lui résonner dans les oreilles aussi clairement que s’il s’était trouvé devant lui. Alors, encore envahi par les brouillards du sommeil, il se leva, pris d’un doute, et alla contempler l’obscurité à la fenêtre. Damon ? Ce fut un appel muet, qu’il transmit par la pensée. Il resta immobile, tous ses sens aux aguets.

Mais il ne perçut rien, pas la moindre onde de réponse. Le silence fut seulement rompu par renvoi de deux oiseaux, et il ne parvint qu’à capter les esprits endormis des habitants de Fell’s Church, ainsi que la présence d’animaux nocturnes, dans la forêt toute proche. Il finit par tourner le dos à la fenêtre avec un soupir de soulagement. Il s’était sûrement trompé : il n’avait rien entendu. Et il s’était même peut-être fait des illusions sur la force obscure qu’il avait cru détecter dans le cimetière. Fell’s Church était un endroit paisible, où il était en sécurité. Tout ce dont il avait besoin, maintenant, c’était de repos.

5 septembre

(enfin, plutôt le 6, parce qu’il est une heure du matin)

Je me suis encore réveillée en pleine nuit, mais cette fois, à cause d’un hurlement. Pourtant, après avoir tendu l’oreille, j’ai constaté que tout était calme dans la maison. Il s’est passé tellement de trucs bizarres ce soir que je dois être un peu sur les nerfs.

Au moins, un élément positif : la solution m’est venue d’un seul coup pour Stefan. Le plan B, phase 1, commence demain.

Lorsque Frances s’approcha de la table des filles, ses yeux lançaient des éclairs, et elle avait le feu aux joues.

— Elena, il faut absolument que je te raconte !

Mais, à sa grande surprise, Elena ne parut pas partager son enthousiasme.

— Je… peux m’asseoir avec vous ? reprit-elle d’une voix hésitante. Je viens d’apprendre un truc complètement dingue à propos de Stefan.

— Tu peux t’asseoir, dit Elena en beurrant un morceau de pain. Mais, tu sais, ce genre d’infos ne m’intéresse plus trop.

— Quoi ?

Frances regarda Meredith et Bonnie d’un air incrédule.

— Tu rigoles ?

— Pas du tout, dit Meredith, qui contemplait le haricot vert planté sur sa fourchette. On a autre chose en tête aujourd’hui.

— Exactement, renchérit Bonnie. Stefan, c’est du passé.

Puis elle se pencha pour se frotter la cheville. Frances se tourna vers son dernier recours, Elena.

— Mais je croyais que tu voulais tout savoir sur lui ?

— Oh, c’était par simple curiosité ! Comme c’est un nouveau, je voulais juste lui souhaiter la bienvenue à Fell’s Church. Mais je dois rester fidèle à Jean-Claude.

— Jean-Claude ?

— Jean-Claude, confirma Meredith en levant les yeux au ciel et en poussant un gros soupir.

— Jean-Claude, répéta Bonnie.

Délicatement, Elena sortit une photo de son sac à dos.

— Là, il est devant la maison qu’on louait. Juste après la photo, il a cueilli une fleur et me l’a donnée en disant… quelque chose que je ne peux pas te répéter, conclut-elle avec un sourire mystérieux.

Frances regarda le jeune homme bronzé de la photo, torse nu devant un buisson d’hibiscus, un sourire timide aux lèvres.

— Il est plus vieux que toi ? demanda-t-elle d’un air respectueux.

— Il a vingt et un ans. Évidemment, ma tante ne serait pas d’accord, alors on a décidé de garder le secret jusqu’à la fac. On s’écrit en cachette.

— C’est super romantique… , soupira Frances. J’en parlerai à personne, promis ! Mais, pour ce qui est de Stefan…

Elena prit une expression hautaine.

— De toute façon, je trouve la cuisine française bien supérieure à la cuisine italienne. Pas vrai, Meredith ?

— Ça, oui ! T’es pas d’accord, Frances ?

— Heu, si, si.