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— On ?

— Parfaitement, on. Mais il est à moi, t’as compris Bonnie ? Je dois pouvoir te faire entièrement confiance.

— Attends, dit Meredith en ôtant la broche qui ornait son chemisier. Elle s’en piqua le pouce.

— Bonnie, donne-moi ta main, reprit-elle.

— Pourquoi faire ? s’inquiéta cette dernière.

— Parce que je veux t’épouser, andouille !

— Mais… Ah, d’accord ! Aïe !

— A toi, Elena.

Meredith piqua le doigt de son amie et le pressa pour en faire sortir une goutte de sang.

— Maintenant, on va serrer nos pouces les uns contre les autres en prêtant serment. Surtout toi, Bonnie. Jure de garder le secret et de faire tout ce qu’Elena te demandera au sujet de Stefan.

— Hé, mais c’est très dangereux de faire un pacte de sang, protesta très sérieusement Bonnie. Ça veut dire qu’il faut respecter sa promesse quoi qu’il arrive. Je dis bien quoi qu’il arrive !

— Je sais, répondit Meredith du même ton. C’est pour ça que je te le demande. Je n’ai pas oublié ce qui s’est passé avec Michael Martin.

Bonnie fit la grimace.

— Mais c’était y a longtemps, ça ne compte pas… Bon, allez, d’accord, je jure de garder le secret et de faire tout ce qu’Elena me demandera au sujet de Stefan.

Meredith répéta le serment. Puis Elena, après avoir contemplé leurs pouces réunis, prit la parole :

— Et je jure de ne pas renoncer à mon projet : Stefan m’appartiendra, quelles que soient les difficultés.

Le crépuscule avait noyé le paysage dans l’obscurité, apportant avec lui une bourrasque froide qui balaya les feuilles mortes du cimetière. Bonnie frissonna. Toutes les trois se mirent à rire nerveusement en prenant conscience du lieu où elles se trouvaient.

— Il fait nuit ! s’étonna Elena.

— On ferait mieux d’y aller, suggéra Meredith en remettant sa broche.

Bonnie se leva en léchant son pouce, aussitôt imitée par les deux autres.

— À bientôt, murmura Elena à l’adresse de la tombe en y déposant son ruban. Rentrons, dit-elle à ses amies.

Elles descendirent silencieusement jusqu’à l’église en ruine. Leur pacte les avait plongées dans une atmosphère un peu fantastique, à tel point que Bonnie ne put s’empêcher de trembler de nouveau. Était-ce le froid qui en était la cause ou bien le murmure du vent agitant sinistrement tes feuilles des chênes ?

— Je gèle, dit Elena en s’arrêtant devant les vestiges de l’église.

En bas de la colline, les trois amies distinguaient à peine, dans la nuit sans lune, l’ancien cimetière où étaient enterrés les soldats de la guerre de Sécession. Les pierres tombales de granit y étaient envahies par les mauvaises herbes, et le lieu ne donnait pas envie d’y flâner trop longtemps. Elles devaient pourtant le traverser pour rentier chez elles.

— Déjà que je n’aime pas m’y promener le jour… alors la nuit, n’en parlons pas, murmura Elena, qui avait perdu une bonne partie de son assurance.

Elle avait la sensation que les vivants n’avaient plus rien à faire dans cet endroit.

— On peut faire le tour, si vous voulez, proposa Meredith, mais ça va nous prendre vingt minutes de plus.

— Moi, ça m’est égal de passer par-là… , dit Bonnie en déglutissant. J’ai toujours voulu être enterrée dans le vieux cimetière…

— Arrête un peu de parler de ton enterrement ! lâcha Elena avec exaspération, avant de s’engager dans la descente.

À mi-chemin, prise de crainte, elle laissa Bonnie et Meredith la rattraper. Lorsqu’elles atteignirent ensemble la première tombe, son cœur se mit à battre à tout rompre. Elle avait beau essayer de se raisonner, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir la chair de poule.

En effet, elle entendait les moindres petits bruits résonner au centuple ; crissement de leur pas sur le tapis de feuilles mortes était devenu assourdissant. L’église n’était plus qu’une sombre silhouette derrière elles. Elles continuaient leur progression sur l’étroit chemin bordé de pierres tombales, dont la plupart les surplombaient de quelques centimètres. Elena, scrutant chacune d’entre elles, constata qu’elles étaient assez hautes pour cacher quelqu’un. Soudain, son regard s’arrêta sur une statue qui gisait par terre. C’était un petit ange décapité, dont la tête était posée à côté du corps. Ses grands yeux contemplaient le vide.

— Pourquoi on s’arrête ? demanda Meredith devant l’air fasciné d’Elena.

— Je ne sais pas… je voulais juste… , murmura Elena.

Enfin, elle parvint à détourner les yeux de la statue, mais ce qu’elle vit alors la pétrifia.

— Bonnie ? Bonnie ? Qu’est-ce qui se passe ?

Son amie, toute raide, la bouche entrouverte et le regard perdu dans le vague, semblait elle-même changée en statue.

— Bonnie ! Arrête, c’est pas drôle ! se plaignit Elena.

Mais Bonnie ne répondit pas.

— Bonnie ! intervint Meredith.

Elena, comprenant qu’il se passait quelque chose d’anormal, se mit à courir droit devant elle. Mais une exclamation monta derrière elle, l’obligeant à faire volte-face.

— Elena !

Bonnie, pâle comme la mort, toujours figée, et les yeux scrutant le vide, laissait échapper une voix qui n’était pas la sienne.

— Elena ! Quelqu’un est là qui t’attend, proclama Bonnie qui se tourna enfin vers elle.

Elena crut apercevoir quelque chose remuer derrière les pierres tombales. Elle hurla, aussitôt imitée par Meredith, et, sans réfléchir, toutes deux se mirent à courir bientôt suivies de Bonnie, criant à son tour. Elena dévala à toute allure l’étroit sentier, malgré les cailloux et les racines qui la faisaient trébucher. Elle entendait le halètement de Bonnie derrière elles, et le souffle court de Meredith, d’ordinaire si calme et si cynique… Tout à coup, un bruit dans le feuillage, accompagné d’un cri lugubre, leur fit accélérer la course.

— Y a quelque chose qui nous suit ! hurla Bonnie.

— Il faut arriver au pont, cria Elena, malgré le feu qui lui brûlait les poumons.

Elle avait l’intuition qu’après le pont, elles seraient en sécurité.

— Mais cours, Bonnie ! Cours ! Ne regarde pas derrière toi ! dit-elle en attrapant son amie par la manche.

— J’en peux plus, gémit Bonnie, pliée en deux par un point de côté.

— Mais si, tu peux ! Allez cours !

Elena distingua la première les reflets argentés du cours d’eau éclairé par la lune, enfin levée : le pont n’était plus très loin. Il ne fallait pas fléchir, se disait-elle, en luttant contre l’impression que ses jambes ne la soutiendrai pas jusqu’au bout. Elle voyait distinctement le pont main tenant, il n’était plus qu’à quelques mètres.

— Ça y est, haleta Meredith, on est arrivées.

— T’arrête pas, surtout ! Traverse ! reprit Elena.

Elles atteignirent l’autre berge en faisant craquer les vieilles planches sous leur pas. Alors seulement, Elena lâcha la manche de Bonnie.

Meredith, recroquevillée, les mains sur les cuisses, essayait de reprendre sa respiration. Bonnie pleurait.

— Qu’est-ce que c’était ? Hein, qu’est-ce que c’était ? demanda-t-elle.

— Je croyais que c’était toi le médium, répondit Meredith. Allons-nous-en !

— C’est plus la peine, tout va bien, maintenant, murmura Elena.

Elle avait les larmes aux yeux et tremblait de tout son corps. Néanmoins, elle constata avec soulagement que le souffle chaud dans son cou — qui l’avait poursuivie jusqu’au pont — avait disparu. La rivière semblait former une barrière de protection contre le danger qui les guettait de l’autre côté.

— Ce truc ne peut pas nous suivre jusqu’ici, ajouta-t-elle.