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– Que va-t-il se passer ? demanda Coralie.

– Ne dis rien, interrompit Ambre. Bertram va se déshabiller et faire une danse du ventre au milieu de la piste !

– Très drôle ! se vexa le Sorcier.

– Allons, renchérit Gontrand, de pareils talents de clown, ce n’est pas donné à tout le monde !

– Arrêtez de l’embêter, intervint Coralie, il a fait ce qu’il a pu pour nous sortir de là !

– C’est là tout le problème, lâcha Agathe, sarcastique : il fait toujours ce qu’il peut et ce n’est jamais grand-chose.

– Taisez-vous, intima Guillemot. Kor Hosik revient.

Le Korrigan s’approcha avec un large sourire, fit une révérence et commença dans un français approximatif :

– Mon roi accepter de vous parler de nos Oghams. Il a choisi moi pour le faire, pour que comme ça vous tous comprendre. Et parce que moi pas savoir beaucoup de choses, et donc pas pouvoir trahir secrets ! Oghams être signes magiques des Korrigans. Chaque Ogham porter nom d’un végétal, parce que feuilles éclairées par la lune et racines nourries par la terre. Végétal être trait d’union entre choses de la surface et choses de l’intérieur. Oghams peints en rouge parce que terre et lune rattachées par liens de sang. Autrefois, hommes aussi caresser les Oghams. Puis d’autres hommes venus sur la mer, avec autre magie cachée dans étoiles, et hommes oublier Oghams. Voilà ! Moi pas savoir plus. Moi encore trop jeune ! Seulement cent soixante ans !

– Effectivement, commenta Gontrand, il ne fait pas son âge…

– Merci, lui répondit le Korrigan, apparemment ravi.

Kor Hosik se tourna vers le roi et lui fit signe qu’il avait terminé. Le roi donna aussitôt l’ordre qu’on s’empare des jeunes gens et qu’on les emmène.

– Maintenant, dit Guillemot entre ses dents, maintenant... S’il te plaît, maudit Galdr, agis maintenant…

Comme pour exaucer sa prière, il y eut soudain un remue-ménage là où Guillemot avait, quelque temps plus tôt, lancé son sortilège.

Une spirale étoilée jaillit du sol, grandit et se mit à tourbillonner. Puis elle explosa et arrosa la caverne d’une pluie de minuscules étoiles.

Les Korrigans, en proie à la panique, se laissèrent choir en grappes compactes sur le sol depuis leurs plates-formes et coururent en tous sens, hurlant de frayeur.

Le roi Kor Mehtar se dressa sur son trône et se mit à danser en formant avec ses bras et ses mains des arabesques compliquées :

– Cweorth ! Faiseur de bruit,

Banquise du vent,

Par le pouvoir de l’œil de la nuit,

Et du voyageur rugissant, que cesse maintenant,

Le feu tourbillonnant !

Il y eut des crépitements rouges à l’endroit où la magie de Kor Mehtar toucha le Galdr de Guillemot. Mais le sortilège tint bon, à la stupéfaction du roi.

– Celui qui a enfanté ce sort

Est quelqu’un de très fort !

Jamais auparavant la magie des étoiles

N’était venue nous faire mal !

Tremblez jeunes inconscients,

Car vous avez, par vos mystères,

Mis en colère,

Le roi des Korrigans !

Kor Mehtar se tourna vers la bande qui n’avait pas bougé, et recommença ses invocations.

– Qu’est-ce qu’on attend pour filer ? gémit Coralie.

– Pas encore, répondit Guillemot. Attendez mon signal !

Sur son trône, le roi des Korrigans dansait frénétiquement, en gesticulant et en chantant :

– Ear ! Voyageur de la nuit,

Casque des réprimandes,

Par le pouvoir de l’astre du peuple de la lande,

Et de celui qui gémit,

Creuse une tombe de poussière,

Pour ces enfants du grand air !

L’Ogham sollicité par le roi jaillit vers eux dans un éclair rouge. Mais, à mi-course, il fut freiné par la poussière brillante des Graphèmes qui avaient explosé. Kor Mehtar s’étouffa de rage.

– Maintenant ! hurla Guillemot en s’emparant d’un bocal à vers luisants posé à côté d’eux et en entraînant ses amis derrière lui.

Ils s’engouffrèrent dans le couloir à l’odeur de terre moisie qu’ils avaient longé quelque temps plus tôt. Les Korrigans, qui s’étaient ressaisis, s’apprêtèrent à se lancer à leur poursuite. Mais au même moment, ils sentirent leurs membres s’engourdir et leurs mouvements se ralentir…

– Guillemot ! Tudieu ! Comment tu as fait ça ? interrogea Bertram, au comble de l’étonnement.

Il marchait, courbé, derrière l’Apprenti, le long du corridor étroit.

– La première fois que j’ai lancé un sort, répondit Guillemot, j’ai remarqué qu’il avait agi à retardement. Alors quand j’ai senti que les choses pouvaient mal tourner, j’ai préparé un Galdr à l’avance…

– Génial, oh, c’est génial ! s’enthousiasma Bertram. Et qu’as-tu mis dedans ?

– Naudhiz, qui a neutralisé le premier assaut magique de Kor Mehtar. Et puis Yéra, la Rejetée, le Graphème du Cycle, qui a ralenti la seconde attaque. Enfin, Dagaz, qui suspend le temps, pour les freiner un peu.

– Tu as prévu tout cela ? demanda Bertram, abasourdi. Que le roi allait nous attaquer deux fois, avant que les autres se lancent à nos trousses ?

– C’était plutôt logique, expliqua Guillemot. Avec l’effet de retard lié à la magie des Korrigans dans la caverne, je savais que mes trois Graphèmes fonctionneraient l’un après l’autre. J’étais sûr que le roi essayerait de détruire mon Galdr, et qu’ensuite il s’attaquerait à nous avec sa magie, avant de penser à utiliser des moyens physiques…

– Guillemot, Guillemot, je t’adore ! s’emballa Bertram. Tu es mon héros, mon idole, mon maître !

– Hum… Tu ne crois pas que tu exagères un peu ? Imagine que je te prenne au mot, tu serais bien embêté.

– Apprenti génial, continua Bertram comme s’il n’avait rien entendu, dis-moi, pourquoi le Galdr a-t-il explosé ?

– Je n’en sais rien, avoua Guillemot. Peut-être en réaction à la magie des Korrigans. En tout cas, ça n’a rien changé aux pouvoirs de mon sortilège. Au contraire, ça les a renforcés !

– Vous ne pouvez pas parler plus fort ? On n’entend rien de ce que vous dites ! cria Ambre derrière eux.

– Cela ne vous concerne pas, lui répondit Bertram en se retournant. C’est une conversation secrète et de la plus haute importance entre membres de la Guilde, et…

– Silence ! commanda soudain Guillemot. On a un problème…

Tous les sept se regroupèrent autour de l’Apprenti. Les vers luisants, dans leur bocal, éclairaient à présent une petite pièce d’où partaient trois galeries.

– Quelqu’un se rappelle par quel couloir on est arrivés ? demanda Guillemot.

XXXII Veillée d’armes

Urien, équipé de pied en cap, faisait les cent pas dans la grande pièce du château. Il s’arrêta devant la cheminée, au-dessus de laquelle se déployaient fièrement les armoiries de la famille de Troïl : un oiseau blanc volant au-dessus d’une terre noire, sur fond de ciel rouge.

Le colosse se sentait ému. Combien de fois avait-il caressé du regard les couleurs ancestrales, avant de se lancer dans une de ces quêtes impossibles où l’on ne gagnait, en définitive, que l’estime de soi ? Urien avait le sentiment de vivre de nouveau !