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— Allongez-vous.

Langdon s’étendit sur le dos, et Katherine l’imita. Ils étaient couchés par terre, comme deux enfants, épaule contre épaule, et contemplaient la grande fresque de Brumidi.

— Essayez de retrouver le même état d’esprit que ce jour-là, quand vous étiez dans ce canoë en train de regarder les étoiles... L’esprit ouvert, plein d’émerveillement.

Langdon s’attela à cette tâche, mais la fatigue l’envahit d’un coup. Au moment où sa vue se brouillait, il aperçut une forme au-dessus de sa tête. Le choc le réveilla brusquement.

Comment est-ce possible ?

Comment avait-il pu ne pas le voir ? Les personnages de la fresque étaient rangés selon deux cercles concentriques : un cercle à l’intérieur d’un cercle. L’Apothéose était aussi un cercle pointé ! Encore un signe...

— Robert, j’ai quelque chose d’important à vous dire. Il y a une autre pièce au puzzle. J’ai fait une autre découverte, totalement imprévue et étonnante...

Ce n’était pas tout ?

Katherine se dressa sur un coude.

— Si les hommes parviennent à saisir dans leur cœur cette vérité toute simple, le monde entier changera du jour au lendemain. Je vous le certifie.

Toute l’attention de Langdon était tournée vers elle.

— Avant de vous le dire, rappelez-vous les mantras maçonniques... « réunir ce qui est éparpillé », « créer l’ordre à partir du chaos », « se fondre dans le Tout ».

— Continuez...

Katherine esquissa un sourire.

— Nous avons établi, scientifiquement, que la puissance de la pensée humaine croît de façon exponentielle avec le nombre d’esprits partageant cette même pensée.

Langdon resta coi, attendant la suite.

— Autrement dit, deux têtes valent mieux qu’une. Une multitude d’esprits œuvrant à l’unisson amplifient l’effet d’une pensée. La montée en puissance est vertigineuse. C’est le pouvoir inhérent des cercles de prières, des grands rassemblements, chantant et priant ensemble. L’idée d’une conscience universelle n’est pas un concept fumeux New Age. C’est une réalité scientifique, et une telle force, une fois canalisée, peut transformer le monde. C’est l’objet de la science noétique. Et aujourd’hui, c’est ce qui se passe. On le sent partout. La technologie unit les hommes comme jamais cela ne s’est produit dans l’Histoire ; Twitter, Google, Wikipedia, et tant d’autres... Tout cela tisse une toile d’esprits interconnectés. Et je vous garantis que dès que mes travaux seront publiés, l’intérêt pour cette science va lui aussi croître de façon exponentielle ; on lira partout sur Internet « tout savoir sur la noétique ».

Les paupières de Langdon étaient lourdes comme du plomb.

— Vous savez, je ne sais même pas comment mettre en ligne un twitter.

— On dit un « tweet » !

— Un quoi ?

— Laissez tomber. Fermez les yeux. Je vous réveillerai quand ce sera l’heure.

Il avait totalement oublié la raison de leur présence au sommet de la Rotonde. Une nouvelle vague de fatigue le gagna. Langdon ferma les yeux. Flottant dans les ténèbres, il songea à cette idée de conscience universelle, aux écrits de Platon traitant de « l’esprit du monde », de « rassembler Dieu »... à « l’inconscient collectif » de Jung. Cette idée était à la fois élémentaire et étonnante.

Dieu se révèle dans la Multitude plutôt que dans l’Unique.

— Elohim ! s’exclama Langdon en ouvrant les yeux, comme pris d’une illumination subite.

— Quoi ? demanda Katherine qui le regardait encore.

— Elohim... le terme hébreu pour désigner Dieu dans l’Ancien Testament ! Je m’étais toujours demandé pourquoi...

Katherine esquissa un sourire entendu.

— Oui. Le mot est au pluriel.

Exactement ! Langdon n’avait jamais compris pourquoi la Bible parlait de Dieu comme d’un être pluriel. Elohim. Le Dieu tout-puissant de la Genèse n’était pas décrit comme Unique, mais comme Multitude.

— Dieu est pluriel, murmura Katherine, parce que l’esprit humain l’est aussi.

Les pensées de Langdon s’égaraient à nouveau dans une spirale sans fin... Des rêves, des souvenirs, des espoirs, des peurs, des révélations... Tout tourbillonnait dans la coupole au-dessus de lui. Alors que ses paupières se fermaient de nouveau, il contempla les trois mots latins écrits sur l’Apothéose.

E Pluribus Unum

« De plusieurs, un seul. »

Et le sommeil l’emporta.

Épilogue

Robert Langdon s’éveilla lentement. Des visages au-dessus de lui, des yeux qui le regardaient. ..

Où suis-je ?

La mémoire lui revint. Il se redressa, contemplant L’Apothéose. Son corps était tout endolori.

Katherine ?

Langdon consulta sa montre.

C’était presque l’heure. Il se releva, et serrant la rambarde, il regarda le vide.

— Katherine ? appela-t-il.

Sa voix se perdit en écho dans la Rotonde déserte et silencieuse.

Il ramassa sa veste de tweed et l’épousseta avant de l’enfiler. Il tâta ses poches. La clé avait disparu !

Il longea la coursive et se dirigea vers le passage que Bellamy leur avait montré – un petit escalier obscur. Plus il montait, plus les marches devenaient hautes.

Encore un effort !

L’escalier devint quasiment une échelle tant il était raide et le conduit de plus en plus étroit. Langdon arriva au terme de son ascension et déboucha sur un petit palier. Une porte en fer se trouvait devant lui. La clé de l’Architecte était dans la serrure et le battant entrouvert. Un air froid s’engouffrait par l’interstice. Quand il franchit le seuil, il se retrouva dans les ténèbres. Il était dehors.

— J’allais venir vous chercher, déclara Katherine. C’est presque l’heure.

Il examina l’endroit où ils se trouvaient. Une toute petite passerelle qui entourait le pinacle du dôme du Capitole. Juste au-dessus de lui, la statue de la Liberté veillait sur la capitale. Elle regardait vers l’est, là où les premières lueurs de l’aube éclairaient l’horizon.

Katherine entraîna Langdon vers le côté ouest, le positionnant juste en face du National Mail. Au loin, la silhouette de l’obélisque se profilait sur le ciel pâlissant. De son poste d’observation en hauteur, le Washington Monument paraissait plus impressionnant encore.

— Quand on l’a construit, il était l’édifice le plus haut de la planète.

Langdon se souvenait des vieilles photographies sépia où l’on voyait les ouvriers sur l’immense échafaudage, perchés à plus de cent cinquante mètres de hauteur, posant les blocs de pierre un par un.

Nous sommes des bâtisseurs, songea-t-il. Nous sommes des créateurs.

Depuis la nuit des temps, l’homme avait senti qu’il était différent des autres espèces, qu’il avait quelque chose de plus. Il rêvait de pouvoirs qu’il ne possédait pas. Il voulait voler, soigner son prochain, transformer le monde.

Et c’est ce qu’il avait fait.

Aujourd’hui, les sanctuaires du National Mail abritaient ses prodiges : ses inventions, son art, sa science et les idées de ses grands penseurs. L’Institut Smithsonian rendait compte de l’histoire de l’homo créons – des outils de pierre des premiers Amérindiens aux jets et fusées du Musée de l’Air et de l’Espace.

Si nos ancêtres voyaient ce que nous avons accompli, ils nous prendraient pour des dieux, songea-t-il.

Tandis que l’aube nimbait l’enfilade des musées, Langdon contempla à nouveau le grand obélisque. Il imagina l’exemplaire solitaire de la Bible, caché dans la pierre angulaire de l’édifice, comprenant que le Verbe de Dieu était en réalité celui de l’homme.