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À une dizaine de kilomètres de là, Mal’akh traversait les couloirs du Capitole, un portable collé à l’oreille. Il attendit patiemment que l’on décroche.

Une voix féminine finit par répondre.

— Allô ?

— J’ai besoin de vous revoir, dit Mal’akh.

Il y eut un long silence.

— Il y a un problème ? demanda la femme.

— J’ai d’autres informations.

— Je vous écoute.

— Cette chose que votre frère croit enfouie à Washington...

— Oui ?

— Je sais comment la trouver. Katherine Solomon resta pétrifiée.

— Vous voulez dire que... ce n’est pas une légende ?

Mal’akh sourit.

— Parfois, lorsqu’une légende perdure pendant des siècles, il y a une bonne raison.

6.

 Vous ne pouvez pas vous approcher un peu plus ?

Tandis que le chauffeur garait la berline sur la 1re Rue, à quatre cents mètres du Capitole, Robert Langdon sentit un frisson d’anxiété le parcourir.

— Je crains que non. Ce sont les directives du Département de la sécurité intérieure : interdiction de se garer près des bâtiments historiques. Je suis navré, monsieur.

Langdon consulta sa montre : il était déjà 18 h 50. Un chantier de construction aux abords du National Mail les avait ralentis et son discours devait commencer dans dix minutes.

— Le vent tourne, fit remarquer le chauffeur en descendant de voiture pour ouvrir la portière de Langdon. Vous feriez mieux de vous dépêcher. (Il refusa d’un geste le pourboire que son passager lui proposait.) Votre hôte a déjà ajouté une prime très généreuse.

Peter tout craché !

— Je vous remercie, dit Langdon en prenant ses affaires.

Les premières gouttes de pluie commençaient à tomber lorsque Langdon atteignit le sommet de la rampe élégamment incurvée qui redescendait vers l’entrée souterraine du nouveau Centre d’accueil des visiteurs.

Le Centre avait été un projet coûteux et controversé. Présenté comme une ville engloutie qui rivalisait avec certaines parties de Disney World, il couvrait, disait-on, plus de 54 000 mètres carrés d’espace pour expositions, restaurants et salles de conférences.

Langdon s’était réjoui à l’avance de le découvrir, même s’il n’avait pas prévu de marcher autant pour y arriver. Les nuages menaçaient de crever d’une seconde à l’autre ; Langdon s’élança à petites foulées malgré ses mocassins qui n’offraient aucune adhérence sur le béton humide. Je me suis habillé pour une réception, pas pour un deux cents mètres sous la pluie ! s’amusa-t-il.

Il arriva au bas de la rampe hors d’haleine. Après avoir franchi la porte à tambour, il s’arrêta un instant pour reprendre son souffle et secouer ses vêtements humides. Ce faisant, il leva les yeux sur l’atrium flambant neuf qui s’ouvrait devant lui.

Impressionnant, en effet, se dit-il.

Le Centre d’accueil du Capitole n’avait rien à voir avec ce qu’il avait imaginé. L’endroit étant situé sous terre, Langdon éprouvait quelque appréhension à l’idée de s’y enfoncer. Enfant, il avait passé toute une nuit au fond d’un puits dans lequel il était tombé par accident ; depuis, sa phobie des espaces clos ne le lâchait plus. Or, cette salle était en quelque sorte... aérée. Claire. Spacieuse.

Le plafond, constitué d’une énorme plaque de verre, était mis en valeur par un éclairage savant.

En temps normal, Langdon aurait admiré l’architecture, mais il ne lui restait plus que cinq minutes ; il rentra les épaules et traversa d’un pas vif le hall en direction du poste de sécurité.

Allons, Peter sait que tu n’es plus très loin, se rassura-t-il. Ils ne vont pas commencer sans toi !

Le jeune agent hispanique bavarda avec lui pendant qu’il vidait ses poches et ôtait sa vieille montre.

— Une montre Mickey ? observa le garde avec amusement.

Habitué à ce genre de commentaire, Langdon hocha la tête. C’était un cadeau de ses parents pour son neuvième anniversaire.

— Elle me rappelle qu’il faut savoir lever le pied et ne pas prendre la vie trop au sérieux.

— Ce n’est pas très efficace, alors, parce que vous avez l’air drôlement pressé.

Langdon lui rendit son sourire et posa son sac de voyage sur le tapis du scanner.

— Le Hall des statues, c’est de quel côté ?

Le garde désigna les escalators.

— Vous n’avez qu’à suivre les panneaux.

— Merci.

Langdon attrapa son sac et s’éloigna rapidement. Il profita du court voyage en escalier roulant pour respirer calmement et reprendre ses esprits. Levant la tête vers la verrière mouchetée de pluie, il aperçut la forme massive du dôme du Capitole. C’était un édifice incomparable. À son sommet, quatre-vingt-dix mètres au-dessus du sol, une sculpture en bronze représentant la Liberté émergeait de l’obscurité bruineuse telle une sentinelle fantomatique. Ironie suprême, les ouvriers qui avaient hissé chaque bloc de la statue de six mètres jusqu’à son piédestal étaient des esclaves – et cette information figurait rarement dans les manuels d’Histoire.

Le bâtiment tout entier était en fait une étrange caverne d’Ali Baba remplie d’objets plus bizarres les uns que les autres – une « baignoire tueuse » coupable du meurtre par pneumonie du vice-président Henry Wilson, une marche d’escalier avec une tache de sang indélébile sur laquelle trébuchaient grand nombre d’invités, ou encore une pièce scellée au sous-sol dans laquelle les employés avaient découvert, en 1930, le cheval empaillé depuis plusieurs décennies du général John Alexander Logan.

La plus tenace de toutes ces légendes était celle qui prétendait le Capitole hanté par treize fantômes. On racontait que l’esprit de l’urbaniste Pierre L’Enfant errait souvent dans les couloirs, exigeant que l’on paye sa facture avec deux siècles d’arriérés. Certains avaient vu le fantôme d’un ouvrier tombé du dôme pendant sa construction se promener avec ses outils. Sans oublier la plus célèbre de ces apparitions, rapportée maintes fois : un chat noir qui rôdait dans le dédale sombre et étroit du sous-sol.

Arrivé en haut de l’escalator, Langdon consulta sa montre à nouveau. Plus que trois minutes. Tout en se récitant l’introduction de son discours, il emprunta un large couloir et suivit les panneaux qui indiquaient la direction du Hall des statues. L’assistant de Peter avait raison : c’était le sujet idéal pour une soirée organisée à Washington par un franc-maçon de haut grade.

Ce n’était un secret pour personne que la capitale américaine recelait une riche tradition maçonnique. La pierre angulaire du Capitole lui-même avait été posée selon le rite maçonnique par George Washington. La ville avait été conçue et bâtie par des maîtres maçons – Washington, Franklin et L’Enfant –, des esprits brillants qui l’avaient émaillée d’emblèmes et de symboles.

Et bien sûr, un tel édifice ne pouvait que piquer l’imagination des gens !

Les adeptes de la théorie du complot par exemple prétendaient que les pères fondateurs d’obédience maçonnique avaient disséminé de terribles secrets à travers Washington, ainsi que de mystérieux messages dans le découpage des rues. Langdon n’y prêtait jamais attention. La désinformation au sujet des francs-maçons était monnaie courante, au point que même ses étudiants faisaient parfois état de préjugés totalement fantaisistes sur cette confrérie.

L’année précédente, un élève de première année avait surgi dans la salle de classe de Langdon avec une carte trouvée sur Internet. Il s’agissait d’un plan de Washington sur lequel certaines rues avaient été colorées pour faire ressortir diverses formes – pentacles sataniques, équerre et compas maçonniques, tête de Baphomet –, preuves, d’après le garçon, que les maçons qui avaient bâti la capitale étaient impliqués dans une obscure conspiration.